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Benazir Bhutto: assassinat d'un "symbole"

Retour en grâce pour Benazir Bhutto, exilée depuis 99
Benazir Bhutto avait déjà échappé à un attentat le 18 octobre
Benazir Bhutto, tuée jeudi dans un attentat lors d'un meeting électoral au Pakistan, s'est forgée une stature d'icône internationale à la fin des années 80 en reprenant, à seulement 35 ans, le flambeau de son père Zulfikar Ali Bhutto.

Belle et autoritaire, issue d'une grande famille de
propriétaires terriens, Benazir Bhutto, assassinée jeudi , a été la
première femme de l'ère moderne à diriger un pays musulman. Deux
fois Premier ministre de la République Islamique du Pakistan, de
1988 à 1990 et de 1993 à 1996, elle fut aussi par deux fois, démise
de ses fonctions pour "corruption" et "mauvais usage" du
pouvoir.



A 54 ans, elle avait mis fin mi-octobre à huit ans d'exil à la
faveur d'une amnistie décrétée par le président Pervez Musharraf, à
la recherche d'alliés politiques pour soutenir son régime militaire
aux abois.

Miraculée il y a 2 mois

Son arrivée triomphale le 18 octobre à Karachi, la mégalopole du
sud du pays, avait été endeuillée par le plus violent attentat
jamais commis au Pakistan: deux kamikazes s'étaient fait exploser
contre son convoi, tuant 139 personnes. Benazir Bhutto n'avait dû
qu'au blindage de son autobus de campagne de réchapper à cet
attentat attribué par les autorités aux extrémistes islamistes dont
elle était une adversaire déterminée.



"Je sais que je suis un symbole de ce que les soi-disant
'djihadistes', talibans et Al-Qaïda craignent le plus", écrivait
Benazir dans son autobiographie: "Je suis une femme, dirigeante
politique, qui lutte pour apporter la modernité, la communication,
l'éducation et la technologie au Pakistan".

"Les assassins ne gagneront pas"

Benazir Bhutto avait également affirmé il y a deux mois avoir
passé «l'âge de se laisser intimider» par les kamikazes. L'un
d'entre eux a finalement réussi à l'assassiner jeudi dans un
attentat suicide.



Dans une tribune intitulée «Les assassins ne gagneront pas»,
publiée le 24 octobre par le quotidien français Le Figaro, Benazir
Bhutto expliquait qu'elle ne reculerait pas face aux menaces. «Je
n'ai pas vécu jusqu'à mon âge pour me laisser intimider par des
kamikazes», disait-elle. «Les extrémistes useront de tous les
moyens sanglants à leur disposition pour frapper et empêcher la
cause de la démocratie».



Revenue au Pakistan pour tenter, à l'instigation de Washington, de
composer avec le général Musharraf un partage du pouvoir après les
élections générales du 8 janvier, elle avait rapidement abandonné
toute idée de collaboration lors de l'imposition de l'état
d'urgence le 3 novembre.

La figure paternelle

Née le 21 juin 1953 à Karachi au sein d'une dynastie de
richissimes propriétaires terriens de la province du Sind, elle
avait pour idole son père. Ministre, président de la République
(1971-1973) puis chef du gouvernement (1973-1977), Zulfiqar Ali
Bhutto avait un discours socialiste frisant le populisme, mais sa
mémoire encore adulée au Pakistan a largement bénéficié à sa
fille.



En 1977, alors qu'elle achève des études menées à Harvard puis
Oxford, son père est renversé par le général Zia ul-Haq, puis pendu
en avril 1979, pour avoir, disent ses accusateurs, fait assassiner
un adversaire politique. Benazir est emprisonnée avec les siens,
quelques mois, avant un régime plus souple de résidence surveillée
puis l'exil à Londres, jusqu'en 1986.



L'heure d'une première revanche sonne quand le Parti du peuple
pakistanais (PPP), fondé par son père en 1967, remporte l'élection
de novembre 1988. A la tête du gouvernement, elle séduit d'emblée
dans le monde entier par sa force de caractère mais aussi par son
courage et son charme, qui lui vaudront la une d'innombrables
magazines féminins, tout comme son amie Lady Di.

Malversations

Mais les résultats économiques ne sont pas au rendez-vous. Et
son mari, un homme d'affaires, est accusé de toutes les
malversations. Son entourage aussi. En août 1990, le président
Ghulam Ishaq Khan la limoge. Son rival conservateur, Nawaz Sharif,
la remplace avant d'être évincé à son tour en octobre 1993. Après
des élections victorieuses du PPP, c'est la deuxième revanche. Mais
le couple Asif-Benazir est de plus en plus la cible des milieux
politiques et judiciaires.



Selon le Wall Street Journal, en 2007, les détournements de fonds
et commissions illicites auraient apporté de 100 millions à 1,5
milliard de dollars à son mari. "Un complot", se défend
Benazir.



En octobre 1996, le président Farooq Ahmed Leghari démet "la
sultane". En 1997, le PPP perd les élections. Et, en 1999, Benazir
Bhutto, en exil, est condamnée à cinq ans de prison et 8,6 millions
de dollars d'amende pour corruption, tout comme son mari. Mais en
appel, la Cour suprême annule ce jugement en 2001.



afp/tac

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Une dynastie marquée par la tragédie

La mort de Benazir Bhutto dans un attentat-suicide lors d'une réunion électorale s'inscrit dans le destin tragique de la famille Bhutto, la plus célèbre du pays.

Zulfikar Ali Bhutto, Premier ministre du Pakistan au début des années 1970, son épouse Nusrat et leur quatre enfants, étaient considérés comme une famille parfaite. Fondateur du Parti du peuple pakistanais (PPP), Ali Bhutto était connu pour son magnétisme, Nusrat pour sa beauté.

En 1977, Zulfikar Ali Bhutto est renversé par un coup d'Etat militaire du général Zia ul-Haq et emprisonné. Ses fils Murtaza et Shahnawaz doivent quitter le pays, son épouse Nusrat et sa fille Benazir, qui a fait ses études à Harvard puis à Oxford, passent plusieurs années en prison ou en résidence surveillée.

Deux ans plus tard, le général Zia fait pendre Ali Bhutto. Shahnawaz et Murtaza s'exilent à Kaboul et Damas où ils sont accusés d'avoir fondé l'organisation terroriste Al-Zulfikar.

En 1985, la tragédie frappe à nouveau la famille. Shahnawaz est trouvé mort dans son appartement de Cannes (sud de la France). La famille pense qu'il a été empoisonné par sa femme afghane, dont la soeur avait épousé Murtaza, mais rien ne sera jamais prouvé.

Devenue à 35 ans la première femme au monde Premier ministre d'un pays musulman, Benazir oblige son frère Murtaza, accusé d'avoir organisé un détournement d'avion, à demeurer en exil.

Chassée du pouvoir en 1990, elle est réélue lors des élections de 1993. La décision de Murtaza de se présenter à ces élections contre les candidats du PPP devait semer durablement la discorde dans la famille. Murtaza remporte un siège de l'assemblée provinciale du Sindh mais il est arrêté par la police le jour de son retour au Pakistan après 16 ans d'exil et accusé d'activités terroristes menées au nom du groupe Al-Zulficar.

Le 24 septembre 1996, Murtaza est abattu par la police à Karachi avec sept de ses partisans.

Enquête close en Suisse

Benazir Bhutto faisait l'objet d'une enquête à Genève à la suite de soupçons de blanchiment aggravé pesant contre elle et son mari. La procédure visant l'ex-premier ministre est désormais classée, a déclaré le procureur général Daniel Zappelli.

Soupçonné d'avoir touché des commissions illicites et des pots de-vin des sociétés d'inspection SGS et Cotecna, le couple Bhutto avait déjà été condamné par voie d'ordonnance pour blanchiment simple en 2003. La somme incriminée avoisine les 13 millions de dollars. Le couple avait fait opposition, relançant du même coup l'enquête.