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Le Royaume-Uni, nouvelle terre d'asile des Hongkongais?

L'ambassade chinoise à Londres. [EPA/Keystone - Andy Rain]
Le Royaume-Uni peut-il absorber l’immigration de Hong Kong? / Tout un monde / 5 min. / le 20 juillet 2020
Il y a près de trois semaines, Pékin a adopté et mise en oeuvre sa nouvelle loi sur la sécurité nationale à Hong Kong. Les restrictions de liberté auxquelles le territoire n'était pas habitué pousse des habitants à envisager un départ. Londres a très vite annoncé son intention de faire office de refuge, mais comment cela se traduit-il dans les faits?

Car au-delà des tensions que cette offre provoque avec Pékin, il y a tous les aspects pratiques liés à cette mesure, à commencer par le nombre de Hongkongais tentés d'accepter cette proposition britannique.

Selon des estimations faites par le gouvernement, 200'000 personnes pourraient s'installer outre-Manche au cours des cinq prochaines années. Ce serait alors l'un des plus grands contingents d'immigrés non-européens au Royaume-Uni depuis plusieurs décennies.

Ce chiffre pourrait même être plus élevé, étant donné que 3 millions de Hongkongais sont potentiellement éligibles à cet accès facilité. Cette offre du gouvernement britannique est donc tout sauf fait négligeable.

"La riposte diplomatique la plus audacieuse en 30 ans"

Pour Johny Patterson, directeur de l'ONG humanitaire Hong Kong Watch, basée à Londres, ce geste est même courageux:  "C'est probablement la riposte diplomatique la plus audacieuse venant du Royaume-Uni à l'égard de la Chine de ces 30 dernières années. En ouvrant ses frontières à potentiellement 3 millions de Hongkongais, le Royaume-Uni prend un engagement très important, surtout lorsqu'on sait qu'il vient de quitter l'Union européenne, en partie pour des motifs liés à l'immigration".

Des Hongkongais dans l'expectative

Si la semaine dernière a vu l'arrivée très remarquée de Nathan Law, militant célèbre du mouvement prodémocratie à Hong Kong, qui pourrait prochainement demander l'asile politique, on n'assiste pas pour l'instant à une ruée vers le Royaume-Uni.

>> Réécouter l'interview de Nathan Law dans Tout un monde :

Nathan Law, figure emblématique du Mouvement des parapluies devenu député au Parlement de Hong-Kong. [RTS - Raphaël Grand]RTS - Raphaël Grand
Nathan Law, l’une de figure du mouvement pro-démocratique hongkongais, a dû fuir le territoire / Tout un monde / 5 min. / le 6 juillet 2020

Les Hongkongais attendent en fait d'en savoir plus, car cette nouvelle politique d'accueil est encore au stade de l'ébauche. On ne sait pas quand le système entrera en vigueur ni quel sera le coût de la procédure.

Les détails devraient être dévoilés d'ici l'automne et ils seront examinés de près par l'organisation Hong Kong Watch: "Nous voulons être sûrs que l'offre de Londres soit la plus bénéfique et la plus large possible. Nous ne voulons pas qu'elle devienne un filet de sécurité uniquement pour les riches. Je redoute que le gouvernement empêche les gens d'émigrer en rendant la procédure trop coûteuse", explique ainsi Johny Patterson.

Les Britanniques très favorables à cette offre

Si l'immigration est un sujet brûlant au Royaume-Uni, une très nette majorité des Britanniques semble soutenir cette offre d'accueil faite aux Hongkongais. Selon un sondage YouGov, 64% y sont même favorables.

Personne ne semble d'ailleurs se soucier d'un potentiel afflux d'immigrés en provenance de la région administrative spéciale de Hong Kong. Lâché dans la presse, le chiffre de 200'000 migrants n'a fait aucune vague et certains estiment même que cela pourrait doper l'économie.

Les Hongkongais sont représentés comme étant travailleurs et entrepreneurs mais selon Johny Patterson, ce n'est pas le seul aspect qui joue en leur faveur: "Les gens ne voient pas l'immigration en provenance de Hong Kong à travers le même prisme que celle en provenance de l'Union européenne. Dans le débat sur l'immigration européenne, ce qui est toujours mis en avant, c'est l'impossibilité pour le Royaume-Uni de contrôler le nombre de migrants. Dans le cas de Hong Kong, il y a eu une décision souveraine liée à des raisons humanitaires. Cela ne veut pas dire pour autant que s'il devait y avoir un afflux massif de Hongkongais, la question de leur intégration ou de leur accueil ne se poserait pas."

Une idée d'exode encore abstraite

S'il ne semble pas y avoir de crispation dans l'opinion publique, c'est aussi peut-être parce que l'idée d'exode est encore assez abstraite. On ignore en effet s'il aura vraiment lieu. Les prédictions du gouvernement concernant l'immigration sont souvent très imparfaites. Londres a par exemple largement sous-estimé le flux migratoire des pays de l'Est lors de l'élargissement de l'UE en 2004.

L'arrivée massive d'immigrés dépend aussi beaucoup de l'évolution de la situation à Hong Kong et des offres d'accueil d'autres pays, tels l'Australie, les Etats-Unis, le Canada et surtout Taïwan, qui pourraient être des destinations plus convoitées.

Reportage radio pour Tout un monde: Catherine Ilic

Adaptation web: Tristan Hertig

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Quels critères d'éligibilité

L'offre de Londres concerne les citoyens hongkongais nés avant 1997 (soit avant la rétrocession à la Chine) et leurs enfants, à condition qu'ils soient mineurs.

Ils peuvent acquérir un passeport d'outre-mer britannique (BNO), un document créé au milieu des années 1980 qui certifie leur lien étroit avec le Royaume-Uni. Jusqu'à présent, ce passeport n'avait que peu de valeur. Il permettait tout au plus de résider six mois outre-Manche sans visa. Mais depuis que Londres a signalé son intention de modifier sa politique d'accueil, il est devenu un sésame pour l'expatriation.

Ses détenteurs pourront étudier ou travailler pendant cinq ans au Royaume-Uni, avec à la clé, un accès à la citoyenneté britannique.