De retour d'une prison iranienne, un chercheur raconte son calvaire
Le 5 juin dernier, l'universitaire spécialiste de l'Afrique est arrêté à sa descente d'avion à Téhéran, alors qu'il venait rendre visite à sa compagne, la chercheuse Fariba Adelkhah.
Détenu à la prison d'Evin, il est sous le coup de trois chefs d'accusation, dont "collusion en vue d'attenter à la sûreté nationale". Les Gardiens de la Révolution, bras armé idéologique du régime, l'accusent d'être un espion.
"Les accusations concernant les universitaires ne sont pas d'une originalité extrêmement folle. On est forcément des espions. J'étais connu comme quelqu'un qui faisait des analyses politiques, notamment sur l'Iran", explique Roland Marchal, 64 ans, au micro de la RTS.
Les accusations ont évolué
"La chose qui est rétrospectivement plutôt comique c'est que les accusations contre moi ont évolué pendant mon séjour. J'ai commencé comme chef d'un grand réseau des services secrets français. J'ai ensuite été accusé de vouloir influencer la politique extérieure iranienne, puis j'aurais travaillé pour le comité de sanctions des Nations unies. Enfin, ils m'ont accusé de collaborer avec les services de renseignement américains", relève le chercheur.
"Et tout cela à chaque fois pour des raisons qui sont de l'ordre de l'absurde. Ils essayaient de reconstruire une réalité qui n'avait rien à voir avec ma vie", confie Roland Marchal.
"Les interrogatoires étaient insupportables"
Emprisonné dans un quartier de haute sécurité, Roland Marchal est interrogé à plusieurs reprises. Sa biographie, ses études et ses articles sont méticuleusement fouillés. Son avocat n'a pas accès à lui et les visites consulaires - dues à tout ressortissant français détenu à l'étranger - se font rares.
"Les interrogatoires étaient insupportables. Je n'ai jamais été maltraité physiquement, mais psychologiquement. J'ai toujours eu accès à un médecin et des médicaments, mais cet univers complètement complotiste et le déni de tout ce que j'avais fait pendant toute ma vie étaient très difficiles à supporter."
Sa compagne toujours enfermée
"Je savais que l'Iran était un pays avec plusieurs facettes. Il y a celle que j'ai connue pendant mes voyages et colloques, d'un pays très beau avec des gens aux discussions normales. Mais il y en a une autre, beaucoup plus policière et sécuritaire, à laquelle je ne m'étais jamais confronté", livre Roland Marchal.
Le 20 mars, le chercheur français peut enfin quitter sa prison, échangé contre un Iranien détenu en France, selon Téhéran. Le lendemain il retrouvait la France.
Sa compagne, elle aussi arrêtée, se trouve en revanche toujours en prison. Une deuxième audience de son procès a eu lieu dimanche dernier, mais le verdict n'est pas encore tombé. Accusée également de collusion en vue de nuire à la sécurité de l'Etat iranien, elle est affaiblie par une grève de la faim.
Propos recueillis par Blandine Levite