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De l'or illégal vénézuélien serait écoulé en Suisse

La Suisse, plaque tournante de l'or illégal
La Suisse, plaque tournante de l'or illégal / Forum / 3 min. / le 12 février 2020
Face aux sanctions économiques et à la chute de production du pétrole, le régime vénézuélien se replie sur l'or. Selon l'opposition, le métal précieux, extrait illégalement, serait écoulé dans divers pays, dont la Suisse.

L'or est devenu l'un des piliers du gouvernement vénézuélien pour se maintenir au pouvoir. Le sud du pays regorge de ce précieux métal et il sert désormais à remplir les caisses de l'Etat, ainsi que les poches de groupes illégaux, de militaires et de proches du président Nicolas Maduro.

L'opacité du marché mondial permet de contourner les sanctions qui frappent le Venezuela et tout un système a été mis en place pour écouler cet or.

En mai dernier, les autorités britanniques ont intercepté un jet privé en provenance du Venezuela, qui avait transité par les îles Caïmans. La police a alors annoncé dans un communiqué que l'avion transportait, cachés à l'intérieur de la carlingue, 104 kilos d'or illégal d'une valeur de 5 millions de francs. Et cet or était destiné à un acheteur... suisse.

Des travailleurs dans une mine d'or au Venezuela. [AFP - Sputnik/Magda Gibelli]
Des travailleurs dans une mine d'or au Venezuela. [AFP - Sputnik/Magda Gibelli]

Quelques mois plus tôt, en février 2019, c'est un avion officiel du régime vénézuélien qui s'est posé à Zurich avec, d'après l'opposition, de l'or illégal caché. Protégé par son statut diplomatique, l'avion n'a pas pu être fouillé par la police fédérale et a pu reprendre sa route direction Abu Dhabi, autre plateforme mondiale du raffinage de l'or.

La Suisse comme plaque tournante

La Suisse a un poids énorme sur le marché mondial. Elle possède 4 des 6 plus grandes raffineries du monde (Metalor, PAMP, Argor Hereaus et Valcambi) qui s'occupent de 60 à 70% de l'or de la planète. Et même si la Suisse n'importe officiellement plus d'or vénézuélien depuis 2016, le métal de ce pays n'a pas pour autant disparu des raffineries helvétiques.

En effet, l'année dernière, la Suisse a importé 2,5 tonnes d'or en provenance de l'île néerlandaise de Curaçao, selon les chiffres des douanes suisse. Mais Curaçao ne possède pas de mines et importe la quasi-totalité de son or du... Venezuela. L'île a d'ailleurs, sous pression des Américains, renoncé aux importations vénézuéliennes en juillet dernier, date à laquelle la Suisse a elle aussi cessé de commercer avec l'île.

"On voit très bien qu'aucun contrôle n'a été fait alors que Curaçao apparaissait dans les statistiques. Il y a donc un immense problème au niveau des douanes", dénonce mercredi dans Forum Marc Ummel, responsable des matières premières chez Swissaid.

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Des travailleurs dans une mine d'or au Venezuela. [AFP - Sputnik/Magda Gibelli]AFP - Sputnik/Magda Gibelli
La Suisse, plaque tournante de l'or illégal / Forum / 3 min. / le 12 février 2020

Procédures de la Finma

Mais du côté suisse, aucune enquête n'a encore été ouverte. La justice ne s'est donc pour l'instant pas inquiétée de l'or vénézuelien... Des procédures ont pourtant été lancées pour blanchiment d'argent. L'organe de surveillance des banques, la Finma, a lancé des procédures en 2017, qui sont pour certaines toujours en cours.

La Suisse a une immense responsabilité (...). Le jour où l'or sale n'arrive plus à entrer sur le marché, ces groupes illégaux ne pourront plus continuer d'exister.

Marc Ummel, responsable matières premières à Swissaid.

"La Suisse a une immense responsabilité sur la poursuite des conflits qui dure depuis plusieurs années. Le jour où l'or sale n'arrive plus à entrer sur le marché, ces groupes illégaux ne pourront plus continuer d'exister" conclut Marc Ummel en citant, au-delà de la question du Venezuela, l'exemple de groupes djihadistes qui contrôlent des mines au Mali, en République démocratique du Congo ou au Burkina Faso.

Sujets radio: Anouk Henry

Texte web: Victorien Kissling

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Opposition vénézuélienne en alerte

Au Venezuela, le sud du pays est devenu l'eldorado des chercheurs d'or. C'est une zone de non-droit où règnent groupes armés illégaux et réseaux criminels qui exploitent des mines illégales. "Depuis 2016, les mines illégales ont proliféré, avec l'approbation de l'Etat, y compris des militaires. C'est ainsi qu'on a vu des membres du gouvernement profiter de la présence de ces groupes illégaux pour réaliser leurs propres transactions d'or illégal", dénonce mercredi dans Tout un monde la journaliste d'investigation Lorena Melendez.

Selon ces investigations, les autorités sont donc directement impliquées. "Un trafic d'or est opéré par des membres du régime vénézuélien, proches de Maduro. A travers des entreprises plus ou moins publiques, ils captent cet or qui arrive ensuite sur des comptes en Europe ou dans des paradis fiscaux. On parle de 30 à 80 tonnes d'or qui sortent illégalement des mines", estime Frédéric Massé, directeur du Red Coral, un institut de recherche sur le crime organisé.

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Une fois extrait, l'or quitte le Venezuela à bord d'avions privés, qui transitent par des îles des Caraïbes. Le système est rôdé: des avions privés atterrissent dans une zone franche, l'or repart, soit dans le même vol, soit dans un avion de ligne. Entre-temps, le certificat d'origine de l'or a été modifié.

De passage au Forum Economique de Davos en janvier, le leader de l'opposition Juan Guaido a demandé une intervention de l'Europe: "Il faut mettre un terme à ce commerce illégal de l'or, qui en plus détruit l'Amazonie, nos communautés indigènes, et qui représente les maux actuels de notre monde. Il s'agit bien d'or 'du sang'. Il faut bloquer ce mode de financement du système dictatorial."