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Des enfants qui seraient sauvés en Suisse perdent souvent la vue en Haïti

En Haïti, "j'ai rencontré deux fillettes de 9 ans qui vont devenir aveugles, alors qu'on aurait pu les sauver en Suisse"
En Haïti, "j'ai rencontré deux fillettes de 9 ans qui vont devenir aveugles, alors qu'on aurait pu les sauver en Suisse" / L'actu en vidéo / 2 min. / le 12 janvier 2020
Ophtalmologue à Genève, le Dr Philippe Desmangles se rend régulièrement en Haïti pour opérer des patients et former des jeunes médecins. Il confie à la RTS que des enfants perdent la vue sur l'île, alors qu'ils seraient sauvés en Suisse.

Né en Haiti d’une mère suisse et d’un père haïtien, le Dr Philippe Desmangles se rend régulièrement à Port-au-Prince pour y travailler avec sa fondation caritative "La vue pour la vie".

Dix ans après le séisme meurtrier qui a ravagé l'île des Caraïbes, les défis ne manquent pas en Haïti, où plus de la moitié de la population survit avec moins de 2,5 dollars par jour. Des habitants pour qui les soins oculaires sont souvent un luxe.

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Aveugles faute de soin

Une femme soignée en Haïti par le Dr Philippe Desmangles. [La vue pour la vie]
Une femme soignée en Haïti par le Dr Philippe Desmangles. [La vue pour la vie]

"J’ai rencontré deux fillettes de 9 ans qui vont devenir aveugles faute de soins", confie à la RTS l'ophtalmologue tout juste arrivé à Genève de Port-au-Prince. "Ici en Suisse, on pourrait les sauver. C’est le genre de cas qui vous donne envie de pleurer. Mais en Haïti, la priorité principale des parents, c’est de nourrir leurs enfants, de les envoyer à l’école, de subsister."

Une centaine d’ophtalmologues travaillent à Genève. C’est plus qu’en Haïti, où les 11 millions d’habitants comptent sur une soixantaine de médecins spécialistes de la vue. Le père du Dr Philippe Desmangles était également ophtalmologue. "N’oublie pas Haïti, le pays dans lequel tu es né", a-t-il dit à son fils sur son lit de mort en 2004. Aujourd’hui, cette phrase le guide encore.

Situation désespérée

Le centre ophtalmologique de Port-au-Prince. [La vue pour la vie]
Le centre ophtalmologique de Port-au-Prince. [La vue pour la vie]

Si la situation en Haïti était déjà désastreuse avant le séisme, elle est devenue désespérée depuis, avec des conséquences qui rendent la mission du Dr Desmangles d’autant plus critique. "Avec le tremblement de terre, de nombreux habitants ont dû s’occuper de problèmes urgents et ont oublié leurs maladies oculaires, qui se sont aggravées."

Dans ce pays le plus pauvre des Amériques, imprégné de vaudou, la fatalité sert parfois de mécanisme d’acceptation. "Souvent, quand on annonce une maladie oculaire, le patient répond que c’est le bon Dieu qui le veut, mais heureusement que celui-ci lui a donné un deuxième œil pour lui permettre de continuer à voir."

Le Dr Desmangles et son équipe ont dépisté et soigné des milliers de patients, notamment de cataractes, de glaucomes et rétinopathie diabétique. A Port-au-Prince, le Dr Desmangles loue un espace de 325 m2, l’ancienne maternité qui l’a vu naître en 1968. Une volonté sincère d’aider son pays et de transmettre son savoir anime l’ophtalmologue, qui a quitté Haïti à l’âge de 15 ans.

"Nous formons aussi de jeunes médecins aux technologies et techniques opératoires modernes." Son financement est essentiellement assuré par des dons privés.

Laurent Burkhalter/boi

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