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Réutiliser, réparer, échanger: les clés d'une mode éthique (et glamour)

L'actrice américaine Kristen Stewart dans une robe signée Kevin Germanier. [Instagram]
La mode éthique peut-elle être désirable ? / Tout un monde / 5 min. / le 5 décembre 2019
L'industrie de la mode, l'une des plus polluantes au monde, se nourrit d'une frénésie de la consommation entretenue par une obsolescence de plus en plus rapide. Une alternative est-elle possible? Quelles solutions pour une mode éthique désirable?

Toujours plus de vêtements, toujours moins chers: l’industrie de la mode est l’une des plus polluantes au monde. Elle est à l’origine de 8% des émissions de gaz à effet de serre, et si rien ne change, elle représentera un quart du budget carbone de la planète en 2050, selon le programme des Nations unies pour l'environnement.

Les nuisances engendrées sont multiples: pollution des eaux via les microplastiques de nos vêtements, gaspillage de matières premières pour fabriquer des habits à l’obsolescence programmée. C'est le résultat d'une frénésie de consommation depuis les années 2000 et l'arrivée des enseignes de "fast fashion".

Björk, Rihanna et Taylor Swift

Quelle alternative à cela? Une mode éthique et glamour, loin du proverbial t-shirt en lin, est-elle possible? Le forum Imagine, organisé mercredi à Genève par le journal Le Temps et la Haute Ecole d'art et de design de Genève (HEAD), a recueilli des pistes autour d'une table ronde, à laquelle a participé l'émission Tout un monde.

Les chanteuses Björk, Rihanna et Taylor Swift ou encore l'actrice Kristen Stewart ont porté ses créations, des tenues hautes en couleurs, brodées de perles recyclées, des chutes de cristaux Swarovski: Kevin Germanier, fondateur de la marque Germanier, crée des vêtements haute couture éco-responsables, qui lient glamour et durabilité. Le Valaisan de 27 ans, formé à la HEAD puis à la Centrale Saint Martins à Londres, a eu l'idée de travailler avec des matériaux recyclés alors qu'il était en stage à Hong Kong.

"La beauté de nos produits est dans les défauts"

"Un jour, j'ai vu un homme creuser des trous pour y jeter des perles (certaines marques exigent la destruction des perles défectueuse. Très solides, elles sont toutefois difficiles à détruire par le feu, ndlr). Ces perles avaient été exposées en vitrine tellement longtemps que le soleil les avait décolorées. Or, personne ne veut acheter une marchandise qui a des défauts. Sauf chez Germanier: pour nous, c'est là la beauté de nos produits."

Pour ce styliste, dont les créations s'arrachent aussi bien à Paris qu'à Hollywood, l'engagement éthique s'est fait de manière pragmatique. "Quand j'étais à la Centrale Saint Martins à Londres, je devais payer moi-même mes études, et l'école était très chère. Du coup, n'ayant pas assez d'argent pour acheter de beaux tissus pour mes projets, je faisais les boutiques vintage et j'utilisais de vieux tissus et draps."

L'upcyclage, une deuxième vie plus noble

L'upcycling ou surcyclage - l'art de récupérer un matériau pour le transformer en un produit de qualité supérieure - n'est pas pour autant un argument de vente pour Kevin Germanier, qui préfère que sa cliente achète le vêtement parce qu'il lui plaît. La contrainte apparente qu'est l'utilisation de produits recyclés devient également une force, affirme-t-il.

Egalement intervenante dans le panel d'Imagine, la Genevoise Jeanne Von Segesser, créatrice du label Apesigned, pratique elle aussi l'upcycling: elle récupère au Vietnam des chutes de tissus issus de la fast-fashion, qu'elle choisit avec soin avant de leur donner une deuxième vie dans ses créations.

Raconter une histoire

"Je vais dans les hangars, où je monte sur des tas de tissus pour choisir les 2-3% que je trouve bien, principalement des matières naturelles", relate la Genevoise.

Sur les étiquettes de ses créations figure l'image de l'artisan qui a fabriqué le vêtement, dans des conditions dignes, au sein d'ateliers familiaux et avec un salaire équitable. Une manière de raconter une histoire, de recréer des liens, et aussi de rendre le produit plus précieux.

Si une consommation responsable ne passe pas forcément par le recyclage, il s'agit en revanche de bien réfléchir avant d'acheter. A-t-on besoin de ce vêtement? Sait-on qui l'a produit? Recyclage, réutilisation, réparation, échange d'habits: autant de comportements qui peuvent agir en synergie pour prolonger la durée de vie du vêtement. "Il ne faut plus être sous l'emprise des diktats de la mode, mais se constituer sa propre personnalité, son propre noyau de garde-robe pour être intègre avec soi-même et son environnement", préconise Jeanne Von Segesser.

Jeune génération très concernée

Alexia Trinel, fondatrice du label de slow fashion Atelier Bartavelle à Marseille, abonde dans ce sens: le consommateur en 2019 est un peu tiraillé. "Notre fonctionnement est paradoxal: on pense être plus beau en consommant davantage", admet-elle. Sa marque est dès lors sortie de l'idée de collection pour privilégier des éditions limitées, et recréer un écosystème de production avec des acteurs locaux.

Dans le public du forum Imagine, les étudiantes en stylisme interrogées par la RTS se sentent extrêmement concernées. "Etudier la mode m'a fait me poser énormément de questions", affirme Barbara, 21 ans. "Ce n'est pas juste faire des beaux habits, c'est réfléchir à tout ce que la mode implique au niveau de la société, de l'estime de soi, de la perception de son corps."

Blandine Levite

Adaptation web: Katharina Kubicek

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