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"Je comptais les secondes", explique Riss, survivant de Charlie Hebdo

L'invité de La Matinale (vidéo) - Riss, directeur de Charlie Hebdo
L'invité de La Matinale (vidéo) - Riss, directeur de Charlie Hebdo / La Matinale / 9 min. / le 28 octobre 2019
Le 7 janvier 2015, le dessinateur Riss a échappé à l'attentat terroriste contre Charlie Hebdo. Il vient de publier le livre "Une minute quarante-neuf secondes", dont le titre évoque la durée du massacre. "J'attendais la dernière seconde de mon existence", relate-t-il.

"C'est comme cela que j'ai vécu. Je comptais les secondes, j'attendais la dernière seconde de mon existence. Je pensais que mon heure était venue. Chaque seconde qui s'écoulait était une seconde de plus rajoutée à ma vie. J'ai fait ça pour que le lecteur ait la sensation presque physique du temps qui s'écoule", explique Laurent Sourisseau, dit Riss, invité lundi de La Matinale de la RTS.

Blessé à l'épaule, le caricaturiste de Charlie Hebdo, aujourd'hui directeur de publication, a été laissé pour mort par les terroristes. "Je peux toujours dessiner, mais je ne peux plus produire autant et aussi vite qu'avant", raconte-t-il.

Mais quatre ans après les faits, il a pris la plume pour raconter l'horreur de cette tuerie qui a fait douze morts et plusieurs blessés. "On ne peut pas écrire un livre comme cela au lendemain des événements. Il y avait énormément de problèmes à régler en 2015-2016 pour sauver le journal et le remettre sur pied. Mais si je n'écrivais pas cela, personne ne le ferait", estime Riss.

Tous les gens qui sont sortis de cet événement seront toujours en colère

Riss, directeur de la rédaction de Charlie Hebdo et survivant de l'attentat du 7 janvier 2015

Dans "Une minute quarante-neuf secondes", Riss explique pourtant qu'il refuse d'être considéré comme une victime et préfère se définir comme un innocent. "Très vite, on a commencé à nous rendre, nous à Charlie Hebdo, un peu responsables de ce qui nous est arrivé (...), presque coupables de notre propre sort. Je préfère le mot innocent, car je conteste cette vision. Avec le mot victime, on se retrouve presque mis côte à côte avec nos bourreaux", explique le dessinateur.

Pour lui, "tous les gens qui sont sortis de cet événement seront toujours en colère. Ils ne l'exprimeront peut-être pas de la même manière, mais il y aura toujours de la colère. Ce n'est pas possible d'être apaisé après ça".

"Hostilité idéologique" à prendre en compte

Il estime en outre que "le terrorisme a changé notre mode de vie, mais aussi notre mode de pensée (...). Nos convictions sont remises en cause, ce qui nous semblait évident est attaqué et parfois agressé. Oui, on est obligés de prendre en compte cette hostilité idéologique qui s'est installée autour de nous".

Nos convictions sont remises en cause, ce qui nous semblait évident est attaqué et parfois agressé.

Riss

A-t-on été trop laxistes? "Laxiste, ce n'est pas le mot. Mais si on veut aller au fond des choses, on est obligés de mettre le doigt sur les problèmes difficiles à aborder: la religion, l'intolérance religieuse... c'étaient des choses auxquelles on n'était pas habitués il y a encore quelques années. A présent, on est obligés de l'intégrer dans la vision politique de nos sociétés actuelles. Mais les politiques ou les responsables intellectuels ont de la peine à formuler ce problème", répond-il.

Propos recueillis par Xavier Alonso

Adaptation web: Jessica Vial

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"Soutenir Charlie Hebdo ne veut pas forcément dire l'aimer"

Juste après le massacre du 7 janvier, des milliers de personnes s'étaient abonnées au journal en signe de soutien. Aujourd'hui, "il reste les militants, les convaincus et ceux qui ont découvert en Charlie Hebdo un journal qui leur correspondait. On a gardé un lectorat solide", assure Riss.

Il souligne encore que "soutenir Charlie Hebdo, cela ne veut pas forcément dire aimer Charlie Hebdo. C'est soutenir le principe qu'un journal puisse s'exprimer librement. C'est comme cela qu'on retient les soutiens immenses qu'on a eus".

"La caricature, contrairement à ce qu'on pense, n'a jamais été un genre très facile à défendre", ajoute Riss. "Les gens se rassurent en se disant qu'on est dans un pays démocratique, on peut dessiner ce qu'on veut... Mais quand on se met à vraiment dessiner ce qu'on veut, les gens sont parfois choqués. La liberté d'expression, quand elle prend la forme du dessin satirique, peut être déconcertante et parfois, elle rend les gens un peu frileux. Il n'a jamais été facile de faire du dessin de presse, il ne faut pas croire que c'était plus facile avant janvier 2015 qu'après".