Publié

Purdue Pharma tente la faillite pour sortir de la crise sur les opiacés

Les milliards de Purdue Pharma pour éviter le tribunal
Les milliards de Purdue Pharma pour éviter le tribunal / L'actu en vidéo / 1 min. / le 16 septembre 2019
Emblématique de la crise des opiacés aux USA, le groupe pharmaceutique américain Purdue Pharma a annoncé lundi une série de mesures, dont sa mise en faillite et le retrait des propriétaires de la société. Il espère solder ainsi l'avalanche de litiges qui le menacent.

En vertu d'un accord passé, notamment, avec 24 procureurs d'Etat, mais qui reste soumis à l'approbation d'un tribunal, la famille Sackler, propriétaire de Purdue Pharma, va transférer la totalité de ses actifs à un trust ou à une autre entité, qui oeuvrera au bénéfice des plaignants et de la population américaine, indique le communiqué du groupe. Ce montage doit permettre de dégager quelque 10 milliards de dollars que le laboratoire s'engage à consacrer à la lutte contre la crise des opiacés.

Purdue Pharma, fabricant d'un des principaux médicaments anti-douleur aux opiacés, l'Oxycontin, fait l'objet de plus de 2000 plaintes. Le laboratoire est accusé d'avoir poussé le corps médical à sur-prescrire son médicament phare alors qu'il connaissait ses effets addictifs, et ainsi d'avoir participé à la dépendance croissante des Américains aux opiacés, poussant ces consommateurs vers des drogues plus fortes comme le fentanyl et l'héroïne.

>> Lire à ce sujet : L'un après l'autre, les Etats américains se dressent contre un médicament

La faillite pour échapper aux poursuites

Si le montage annoncé lundi est accepté, toutes les plaintes seraient "résolues", y compris celles émanant de municipalités ou d'Etats, et Purdue se verrait "déchargé de manière pleine et permanente" de tout litige, explique le groupe sur son site. Le président du groupe Steve Miller a précisé dans le communiqué que cet accord permettrait de débloquer "des ressources essentielles aux collectivités de tout le pays qui tentent de faire face à la crise des opiacés".

Purdue a déclaré être contraint, pour tourner la page de cette crise, de se placer sous la protection de la loi américaine sur les faillites, dite "Chapitre 11", et a précisé que le conseil d'administration de la nouvelle entité serait choisi par les plaignants avant d'être approuvé par le tribunal des faillites.

>> A ce sujet, regarder le témoignage d'un patient suisse devenu dépendant aux opiacés après une opération :

Témoignage d'un patient devenu dépendant aux antidouleurs opiacés
Témoignage d'un patient devenu dépendant aux antidouleurs opiacés / Info en vidéos / 3 min. / le 3 juillet 2018

"Eviter de gaspiller des millions en litiges"

Concrètement, cette nouvelle société s'engagerait à distribuer gratuitement, ou à très faible coût, des médicaments permettant de traiter les overdoses dues aux opiacés ainsi que les addictions. Elle s'engagerait également à respecter des restrictions sur la vente et la publicité de traitements aux opiacés.

Selon Steve Miller, cette restructuration éviterait de "gaspiller des centaines de millions de dollars et des années en litiges prolongés". En plus de l'abandon du contrôle de Purdue, la famille Sackler, dont la fortune a été estimée à 13 milliards de dollars par le magazine Forbes, versera, à titre privé, "au moins 3 milliards de dollars".

La chute de la famille Sackler

Vendredi, la procureure de l'Etat de New York avait affirmé que la famille Sackler essayait de dissimuler l'étendue de sa fortune, en transférant notamment un milliard de dollars vers la Suisse. Ces transferts ont été révélés dans le cadre d'une enquête contre Purdue Pharma et des membres de la famille Sackler menée par la procureure Letitia James. Pour parvenir à évaluer leurs avoirs, cette dernière avait sommé en août dernier une trentaine d'institutions financières ayant fait des affaires avec les Sackler de lui fournir des informations.

Des bouteilles de l'analgésique Oxycontin du fabricant Purdue Pharma. Il est commercialisé en Suisse sous ce nom par sa filiale Mundipharma et par quatre marques de génériques sous le nom de la molécule, l'oxycodone. [Reuters - George Frey]
Des bouteilles de l'analgésique Oxycontin du fabricant Purdue Pharma. Il est commercialisé en Suisse sous ce nom par sa filiale Mundipharma et par quatre marques de génériques sous le nom de la molécule, l'oxycodone. [Reuters - George Frey]

Très influents au sein du gotha new-yorkais, les Sackler ont bâti leur fortune sur l'Oxycontin, un puissant antidouleur accusé d'être au coeur de la crise des opiacés à l'origine de 47'000 morts par overdose aux Etats-Unis en 2017.

La réputation de la famille a été ternie par cette affaire ces derniers mois, à tel point que des manifestations ont eu lieu dans plusieurs villes du monde pour dénoncer leur rôle dans la crise. La National Portrait Gallery, la Tate Gallery de Londres, le Metropolitan Museum ou encore le Guggenheim de New York ont renoncé aux dons des Sackler face à la polémique. En juillet, le musée du Louvre a même débaptisé l'"aile Sackler" consacrée aux Antiquités orientales, qui arborait le nom de la famille américaine depuis un don de sa part en 1996.

>> La chronique d'Alter Eco :

Des manifestations pour dénoncer le rôle de Purdue Pharma et de la famille Sackler dans la crise des opiacés aux Etats-Unis ont lieu régulièrement, comme ici en août 2019 à Boston.
Alter Eco - Crise des opioïdes: l’histoire d’un scandale / Alter Eco / 2 min. / le 16 septembre 2019

ats/vic

Publié