Publié

De plus en plus de migrants tentent de rejoindre l'Angleterre par la mer

Traverser La Manche
L'Angleterre par La Manche / L'actu en vidéo / 1 min. / le 28 août 2019
Les tentatives de traversée de La Manche par la mer se sont multipliées ces dernières semaines et, avec elles, les incidents. Les autorités françaises et britanniques suivent de près ce phénomène migratoire récent.
La Manche fait une largeur de 34 kilomètres à son point le plus étroit, entre la France et l'Angleterre. [Google Maps - Capture d'écran]
La Manche fait une largeur de 34 kilomètres à son point le plus étroit, entre la France et l'Angleterre. [Google Maps - Capture d'écran]

Le corps d'un migrant mort noyé a été retrouvé vendredi 23 août au large de la Belgique. Une première, selon les autorités belges.

L'homme, un Irakien de 48 ans, était vraisemblablement parti d'une plage du nord de la France à la nage pour rejoindre l'Angleterre. Repéré le 18 août par un voilier au large de Dunkerque, il était équipé - d'après un témoin - d'une ceinture avec des bouteilles en plastique vides et de palmes de fortune.  Son corps aurait ensuite dérivé pendant plusieurs jours. Une femme iranienne est elle aussi portée disparue dans La Manche depuis le 9 août.

Avec 25% du trafic maritime mondial, le détroit qui sépare la France et l'Angleterre est particulièrement dangereux en raison de la présence de nombreux bateaux, mais aussi des courants violents et de la météo changeante. Mais cela ne semble pas dissuader les candidats à l'immigration illégale au Royaume-Uni.

Depuis le 1er janvier 2019, 1473 personnes ont été secourues par les autorités françaises et britanniques, pour un total de 157 tentatives, contre 586 personnes, pour un total de 78 tentatives pour toute l'année 2018. Londres estime que 900 personnes ont atteint illégalement les côtes anglaises ces huit derniers mois.

Réseaux de passeurs

"Les tentatives de passages sur des bateaux sont la conséquence des nouvelles filières de passeurs qui se développent faute de possibilité de passage légal", analyse pour la RTS Elodie Beharel, déléguée nationale pour la région Nord-Picardie à La Cimade, une association française d'aide aux migrants. Et si le phénomène des passeurs a toujours existé, elle souligne que la multiplication des évacuations ou des menaces d'évacuation Grande-Synthe, près de Dunkerque, ou à Calais peuvent expliquer cette augmentation.

La présence policière est très forte, les contrôles ont été renforcés et les procédures de demandes d'asile peuvent être très longues en France

Elodie Beharel, déléguée La Cimade

"Il y a aujourd'hui un millier de personnes à Grande-Synthe, dont une majorité de Kurdes irakiens et de Pakistanais", explique-t-elle. "Certains logent dans des gymnases, mais il y a aussi 500 tentes et des personnes réfugiées dans les bois. Les gens parlent peu de leurs projets de poursuivre la route, mais beaucoup visent l'Angleterre pour des raisons linguistiques ou parce qu'ils ont des proches sur place, de la famille, des amis, une communauté sur laquelle ils pourront s'appuyer". Face au risque d'être évacué ou renvoyé vers un autre pays, les demandeurs d'asile préfèrent souvent tenter le tout pour le tout, constate-t-elle.

Investigations en cours

Un porte-parole du Haut-commissariat aux réfugiés confirme également qu'il est "plus probable" que les réfugiés recourent à des moyens aussi désespérés que des embarcations de fortune ou la nage s'ils n'existent aucune route officielle ni politique de regroupement facilité.

Le Royaume-Uni n'est pas un eldorado (...) Il n'y a pas d'espérance aujourd'hui à Calais

Christophe Castaner, ministre français, le 24 janvier 2019

Des investigations sont actuellement en cours du côté de l'organisation internationale pour identifier les causes de la recrudescence des tentatives actuelles. "Une détérioration des conditions économiques et sécuritaires en Iran pourrait peut-être expliquer cela", avance-t-il. Une hypothèse que France 3, qui cite le ministère de l'Intérieur, évoque aussi.

L'intensification des traversées serait liée, explique la chaîne télévisée, à l'arrivée d'une communauté iranienne qui n'aurait pas trouvé sa place sur d'autres marchés comme celui des poids-lourds, déjà pris par les Afghans et les Irakiens. La formule serait la suivante: les passeurs achètent des petites embarcations en Allemagne, aux Pays-Bas ou en Belgique qu'ils dissimulent dans le sable. Ils exigeraient ensuite entre 3000 et 12'000 livres, soit 3500 à 15'000 francs suisses, à leurs clients, en échange de la traversée. Une traversée que certains paient désormais de leur vie.

Discours dissuasifs

Face à cette recrudescence, plus marquée depuis l'automne 2018, les autorités de part et d'autre de la Manche multiplient les avertissements et les tentatives de dissuasion. Une nouvelle rencontre entre les deux pays devait avoir lieu à ce sujet jeudi.

"Sur ce sujet des migrants, nos intérêts sont conjoints. Nos intérêts ne sont pas divergents. Ceux qui pensent qu'il suffirait d'ouvrir la frontière française pour régler le problème avec le Royaume-Uni, avec Brexit ou sans Brexit, se trompent", déclarait le ministre français de l'Intérieur Christophe Castaner le 24 janvier dernier.

Si vous arrivez illégalement, vous êtes un migrant illégal et la justice vous traitera de la sorte

Boris Johnson, Premier ministre britannique

Côté britannique, le nouveau Premier ministre Boris Johnson a annoncé dès son arrivée au pouvoir, fin juillet, son intention de "réécrire radicalement" le système d'immigration. Plus récemment, le 23 août, après que quatre embarcations ont été interceptées au large du Kent avec 60 personnes à bord, en provenance de France, il a averti, sur la BBC: "Nous vous renverrons".

Article et vidéo: Juliette Galeazzi

Publié

Un phénomène qui reste marginal

Si elles sont en hausse, les traversées de La Manche restent marginales par rapport à la situation en Méditerranée où des réseaux de passeurs similaires sont à l'oeuvre.

Depuis le 1er janvier 2019, 45'459 personnes sont arrivées illégalement en Europe par la mer et 11'229 par voie terrestre et 894 personnes sont mortes noyées, rappellent les données du HCR.