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Guinée: le chef de la junte a été évacué au Maroc

Le président putschiste Camara aurait été pris pour cible par son bras droit.
Le président putschiste Camara aurait été pris pour cible par son bras droit.
Le chef de la junte en Guinée, Moussa Dadis Camara, qui a survécu jeudi à une tentative de meurtre par son aide de camp, a dû être "évacué au Maroc" vendredi pour y être soigné. Il a été admis à l'hôpital militaire de Rabat et se trouve dans un état "difficile mais pas désespéré".

L'incertitude était de mise sur le sort de son aide de camp, le
lieutenant Aboubacar Sidiki Diakité, dit Toumba, accusé d'avoir
essayé de le tuer par balles. Mais un ministre a admis vendredi
qu'il n'avait pas "encore été arrêté", contrairement aux premières
indications officielles. L



Le capitaine Dadis Camara a été évacué au Maroc, a affirmé un
ministre guinéen, le commandant Kélétigui Faro. Assurant qu'il
n'était parti que "pour un contrôle complémentaire", le
porte-parole du chef de la junte, Idrissa Chérif, a même déclaré:
"le chef de l'Etat va bien, il a pris son petit déjeuner et a réuni
ses différents chefs d'état-major".



Mais une source gouvernementale sénégalaise avait évoqué jeudi
soir "une blessure assez profonde" et un militaire burkinabé a
assuré que le capitaine guinéen avait "reçu des éclats de balles
dans la tête".

Le Maroc mécontent

De son côté, Rabat a souligné qu'on lui avait forcé la main. "Le
royaume du Maroc vient d'apprendre que le capitaine Moussa Dadis
Camara aurait pris, sans consultations préalables, un avion mis à
sa disposition par le président du Burkina Faso, Blaise Compaore,
pour se rendre au Maroc" afin de se faire soigner, indique un
communiqué du ministère marocain des Affaires étrangères.



"Face à cette évolution, et pour des considérations strictement
humanitaires", conclut le texte, "le Maroc recevra le président
Dadis Camara, afin de lui prodiguer les soins nécessaires en milieu
hospitalier marocain".



Son agresseur présumé, Toumba, se trouvait lui vendredi "dans un
endroit sûr", selon son entourage, refusant d'en dire plus. Un peu
partout, les Guinéens spéculaient sur l'état de santé réel du
capitaine putschiste, porté au pouvoir par l'armée le 23 décembre,
au lendemain du décès du dictateur Lansana Conté (1984-2008).

Agresseur sur la sellette

Cette tentative de meurtre est intervenue deux mois après le
massacre d'opposants qui réclamaient la fin de la "dictature
militaire" et exigeaient que le chef de la junte ne soit pas
candidat à la prochaine présidentielle.



Toumba est sur la sellette depuis cette tuerie, car il a été
désigné par de nombreux témoins comme un meneur de la répression
sanglante qui a fait au moins 150 tués, selon l'ONU qui a décidé de
mener un enquête (voir ci-contre).

A Paris, le secrétaire d'Etat français à la Coopération Alain
Joyandet a lui estimé que "l'éventuel retrait de Dadis Camara ne
solutionne pas tout". L'agression de Moussa Dadis Camara "prouve
que le climat là-bas est délétère et qu'on a besoin d'urgence d'un
plan de sortie de crise qui conduise à des élections", a-t-il
ajouté.



agences/lan

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Une armée incontrôlable

"Toumba" est accusé d'avoir commandé la garde présidentielle qui a ouvert le feu sur les manifestants pacifiques qui s'étaient rassemblés au stade national de Conakry.

Au moins 157 personnes avaient été tuées et des dizaines de femmes violées par les soldats en plein jour.

Nombre d'entre elles avaient été enlevées et conduites à bord de camions militaires dans des villas privées où elles avaient été droguées et avaient subi des viols collectifs pendant plusieurs jours, selon trois rescapées ainsi que plusieurs organisations de défense des droits de l'Homme.

Ce massacre avait conduit l'Union européenne et l'Union africaine à imposer des sanctions à la Guinée, y compris à l'encontre des principaux dirigeants de la junte, désormais soumis à une interdiction de déplacement.

Selon des sources au sein de l'armée, cela aurait aggravé profondément les divisions de la junte.

Certains de ses membres, dont "Toumba" sont soupçonnés de diriger des armées privées qui ne répondent qu'à eux-mêmes.

Une mission des Nations unies se trouvait cette semaine à Conakry pour enquêter sur le massacre et a interrogé les principaux chefs de l'armée pour déterminer comment avaient été donnés les ordres.

"Toumba", Camara et d'autres pourraient être inculpés de crimes contre l'humanité par la Cour pénale internationale (CPI).

Le gouvernement a démenti avoir mal agi et mis en cause l'opposition pour avoir maintenu le rassemblement interdit.

La fusillade a éclaté à la veille du départ de la mission onusienne de Conakry, alors que les Guinéens ont été choqués de voir que pas un seul soldat n'ait été arrêté ou inculpé jusqu'ici.

Des spécialistes de la Guinée-Conakry pensent que Camara n'aurait pas eu les moyens de faire arrêter "Toumba", de peur que ce dernier ne tente de le renverser.