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Quels sont les effets des sanctions économiques contre un Etat?

Le président américain Donald Trump signe un mémorandum présidentiel sur l'Iran, le 8 mai 2018. [EPA - Michael Reynolds]
Les sanctions internationales sont de plus en plus fréquentes malgré une efficacité mise en doute / Tout un monde / 6 min. / le 14 mai 2019
Iran, Corée du Nord, Russie, Cuba, Soudan, Afrique du Sud... ces pays ont en commun d'être ou d'avoir été la cible de sanctions internationales. Ces mesures sont de plus en plus fréquentes, mais quels en sont réellement les effets?

Interruption de l'aide, interdiction d'exporter, de commercer, etc. L'efficacité des sanctions est régulièrement remise en doute, mais les Etats continuent à y recourir, et de plus en plus fréquemment. On pourrait citer en exemple l'Iran et l'accord sur le nucléaire signé en 2015, qui est en plein délitement. Les Etats-Unis, il y a quelques jours, ont encore accentué la pression contre Téhéran, au risque de renforcer paradoxalement l’aile dure du régime.

Pour juger de l’efficacité des sanctions, il faut se demander quel est l’objectif initial. Si le but est de renverser un régime en place, alors les sanctions internationales se sont presque toujours avérées inefficaces. Certains experts citent le cas de l’Afrique du Sud et la chute de l’apartheid comme une des seules réussites, mais cela ne fait pas consensus.

"A moyen ou long terme, on ne peut pas bien savoir, quand un régime politique change, si c'est le fait des sanctions ou si c'est toute une situation qui a évolué dans le pays et aux alentours du pays qui a poussé le pays à changer d'attitude", estime Sylvie Matelly, directrice adjointe de l'Institut de relations internationales et stratégiques, dans l'émission Tout un monde de la RTS.

"Accuser les sanctionneurs plutôt que sa propre responsabilité"

La Russie, elle, est sous sanctions européennes et américaines depuis 2014, sans grand résultat. En effet, elle n’a pas rendu la Crimée, et n’a aucune intention de le faire. Par ailleurs, la Russie a pris des mesures inédites de représailles contre les sanctions, qui lui ont permis, dans une certaine mesure, de développer son industrie agricole et d'être moins dépendante des importations.

Autre effet, selon l'historien et président de l'Institut français d'analyse stratégique, François Géré, "les gens ont tendance à considérer que sanctionner leurs dirigeants, c'est aussi sanctionner le pays, leur rendre la vie difficile. Ils auront tendance à accuser les sanctionneurs plutôt que la responsabilité de leur gouvernement".

Mais dans le cas de la Crimée, sanctionner la Russie était pour les Etats occidentaux une manière de dire qu'ils ne toléraient pas certaines violations du droit international, dans le cas précis, celui de l’annexion. C'est donc un acte symbolique avant tout.

Prendre des sanctions permet aussi aux gouvernements de montrer à leur électorat qu'ils ne restent pas inactifs sur certains dossiers, sans toutefois s'engager dans un conflit armé.

Alterner sanction et dialogue

Certaines sanctions sont-elles tout de même plus efficaces que d'autres ? Selon Sylvie Matelly, pour parvenir à des résultats, il faut que les sanctions soient menées en ayant toujours en tête quand et comment elles pourront être levées, il faut alterner la sanction à l'incitation au dialogue.

"Les Japonais ont beaucoup joué sanctions/incitations avec la Birmanie, où ils sanctionnaient quand le régime se durcissait, et quand le régime cédait sur certains éléments, ils investissaient. Ils ont par exemple construit une piste à l'aéroport de Rangoun (...). Et ça a été la politique de Barack Obama: durcir les sanctions dans les pays où les Etats-Unis sanctionnaient au début de son 1er mandat, et de travailler dans son second mandat à un assouplissement des sanctions dans certaines régions du monde", détaille-t-elle.

Isabelle Cornaz/jvia

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Les sanctions unilatérales étudiées par l'ONU

Les sanctions, si elles s'avèrent inefficaces pour provoquer un changement de régime, n'en affectent pas moins la population très durement dans certains cas, portant atteinte à leurs droits fondamentaux.

Il existe d'ailleurs désormais au sein de l'ONU un rapporteur spécial qui étudie l'impact de sanctions unilatérales - c'est-à-dire prise uniquement par un pays ou un groupe de pays - sur le respect des droits de l'homme, note la chercheuse Charlotte Beaucillon.

Et certains Etats, comme l'Iran ou le Qatar, ont d'ailleurs saisi la justice en invoquant ce principe pour demander la levée des sanctions. Ces affaires sont encore en cours devant la justice internationale.