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Le procès de l'amiante s'est ouvert en Italie

Des centaines de parties civiles attendaient ce procès.
Des centaines de parties civiles attendaient ce procès.
Le plus grand procès jamais organisé sur l'amiante s'est ouvert jeudi à Turin, en Italie. Deux ex-dirigeants d'Eternit, dont le Suisse Stefan Schmidheiny, sont accusé de la mort de plus de 2000 personnes. Les deux accusés ne se sont pas présentés aux débats.

La foule, les journalistes et caméramen du monde entier, les
avocats des parties civiles et les familles des victimes ont pris
d'assaut l'immense salle du tribunal de Turin. Plus de 700
personnes se sont constituées partie civile dans le procès,
représentant les quelque 2000 victimes.



L'ancien propriétaire suisse du groupe de matériaux de
construction, le milliardaire Stephan Schmidheiny, et un ancien
haut dirigeant belge, Jean-Louis Marie Ghislain de Cartier de
Marchienne, sont jugés pour avoir provoqué intentionnellement une
catastrophe et enfreint les règles de la sécurité au travail.

2000 victimes

Les deux hommes sont accusés d'homicides par négligence pour les
morts provoquées par l'exposition à l'amiante de plus de 2000
personnes et d'en avoir rendu malades plusieurs centaines d'autres,
anciens ouvriers ou simples habitants de Casale Monferrato et
Cavagnolo (région de Turin, nord), Rubiera (nord) ou Bagnoli (sud),
villes où le groupe avait ses usines.



En ouverture d'audience, les avocats de la Présidence du Conseil
des ministres ont communiqué qu'ils demanderont leur exclusion du
procès comme responsable civil. L'Etat italien a été cité à
comparaître sur demande de la veuve d'une des victimes.

Jusqu'à 12 ans de prison

A l'issue des audiences préliminaires qui avaient débuté en
avril, le tribunal avait décidé le renvoi en justice des deux
ex-dirigeants qui risquent de 3 à 12 ans de prison. Les victimes
devraient demander plusieurs centaines de millions d'euros de
dédommagements.



Pour les victimes et leurs proches, l'ouverture de ce procès est
une victoire. "Il y a des personnes qui luttent depuis plus de
vingt ans pour cela. Tant de gens sont morts, même s'ils n'ont
jamais travaillé chez Eternit", raconte une habitante de Casale
Monferrato, ville la plus touchée avec environ 1500 morts.



Et "cela durera encore pendant trente ans, nous mourrons tous",
dit-elle, en référence au temps d'incubation du mésothéliome, l'une
des principales maladies dues à l'amiante. "Il faut qu'ils payent,
je lutterai tant que je pourrai", martèle-t-elle, dénonçant l'"acte
fourbe" de Stephan Schmidheiny qui a proposé de dédommager des
victimes en échange de l'arrêt de leurs poursuites.



La contamination par l'amiante s'est étendue de 1973, année du
rachat des fabriques par MM. Schmidheiny et de Cartier, à 1986,
date de la faillite des sites italiens.



agences/boi

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Opération vérité

Après une enquête de plus de cinq ans, le procureur-adjoint Raffaele Guariniello est remonté au plus haut niveau d'Eternit en matière de responsabilité.

"Nous avons découvert que les deux accusés avaient les réels pouvoirs de décision en matière de sécurité au travail pour les usines italiennes", explique-t-il.

"Il n'y avait pas de précaution prise pour éviter d'exposer les salariés", dénonce Bruno Pesce, coordinateur de l'association des victimes de Casale Monferrato, "même quand ils ont donné des masques, ils étaient inefficaces".

"L'amiante fait partie de l'Histoire (...) et ce serait une erreur de chercher à faire un procès à l'histoire à travers ces hommes", avait rétorqué en juillet la défense.

Outre obtenir justice, les victimes entendent faire de ce procès un symbole. "C'est une grande opération vérité qui contribuera à la lutte internationale contre l'amiante alors que des pays comme la Chine et l'Inde l'emploient dans des proportions folles comme nous avons pu le faire", souligne Bruno Pesce.

L'Association nationale de défense des victimes de l'amiante (Andeva) française souhaite d'ailleurs que le procès de Turin serve "d'exemple à la France", pays dans lequel un ancien dirigeant d'Eternit a été mis en examen fin novembre.