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"Le désir masculin est imprévisible", dit l'éducation sexuelle sud-coréenne

Les associations pointent un manque flagrant d’éducation sexuelle appropriée en Corée du Sud. [AFP - Jung Yeon-Je]
Les cours d'éducation sexuelle archaïques en Corée du Sud font scandale / Tout un monde / 4 min. / le 19 février 2019
Le mouvement #MeToo se développe aussi en Corée du Sud, où les femmes osent de plus en plus briser l'omerta. Mais les cours d'éducation sexuelle officiels restent pourtant incroyablement rétrogrades.

Début février, un ancien gouverneur sud-coréen, étoile montante de son parti, a été condamné à trois ans et demi de prison pour avoir violé sa secrétaire à plusieurs reprises. Cette condamnation intervient alors que, depuis un an, l'essor du mouvement #MeToo en Corée a encouragé de nombreuses femmes à oser briser le silence pour dénoncer les violences sexuelles.

Mais dans ce pays encore très patriarcal, le gouvernement ne montre guère l'exemple, comme le montrent ses directives pour les cours officiels d'éducation sexuelle, au contenu incroyablement sexiste. Elles enseignent par exemple aux collégiens et aux lycéens coréens que le désir sexuel masculin est naturel et imprévisible et que c'est aux femmes de s'en protéger.

Vague d'indignation dans la population

Ces cours de l'Education nationale assurent qu'il est "naturel pour les hommes de vouloir être remercié pour l'argent qu'ils ont dépensé lors d'un rendez-vous amoureux (…) et qu'en conséquence, des viols peuvent arriver." Ils ont soulevé une immense indignation l'année dernière quand ils ont été rendus publics.

"Ces directives officielles nous rendent furieuses", assène Park Ah-reum, militante féministe au sein du Centre coréen d'aide contre les violences sexuelles à Séoul, dans l'émission Tout un monde. "Les valeurs qui y sont présentées sont très sexistes et homophobes. Elles ont été la risée du grand public (…) Seules les femmes semblent être visées par ce texte et c'est à elles que l'on recommande d'être prudentes et de faire en sorte de ne pas être victimes d'abus sexuels!"

Les femmes, des êtres qui peuvent penser

La militante et écrivain féministe Lee Min-kyung, elle, accuse les autorités de présenter comme normales l'obligation de soumission et les violences physiques et morales imposées aux femmes. C'est la "preuve que le gouvernement ne sait pas encore que les femmes sont des êtres qui peuvent penser", dit-elle.

Le tollé suscité par ces directives a cependant forcé les autorités à revoir leur copie. Le gouvernement a annoncé l'année dernière que les écoles n'étaient pas obligées d'utiliser ces textes pour leurs cours d'éducation sexuelle. Il a aussi promis de les réviser, mais sans préciser quand.

Les citadins plus sensibilisés à ces questions

Park Ah-reum, du Centre d'aide contre les violences sexuelles, rappelle que ce document est toujours en vigueur. "Dans les villes, où la population est plus sensibilisée à ces questions, ces directives ne sont pas utilisées [par les écoles]. Mais dans d'autres endroits, elles servent de référence, parce qu'elles proviennent du gouvernement. Le ministère de l'Education a déclaré que la même équipe qui a déjà écrit ce document controversé qui sera chargée de le modifier. C'est pourquoi nous pensons que cela ne changera rien."

Des cours privés d'éducation sexuelle

Au-delà de la question du sexisme, les associations pointent un manque flagrant d'éducation sexuelle appropriée en Corée du Sud. Les 15 heures de cours obligatoires par an dans les lycées n'abordent pas des questions telles que l'égalité entre les sexes ou la contraception.

Et face à cet enseignement jugé trop traditionnaliste, certains parents inscrivent leurs enfants à des cours privés d'éducation sexuelle. Mais le chemin est encore long dans un pays où même le mot "féministe" est encore considéré comme un gros mot.

Frédéric Ojardias/oang

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