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Miné par les violences, le Nigeria élit son président

Géopolitis: Nigeria, un géant [Reuters - Akintunde Akinleye]
Nigeria, un géant / Geopolitis / 25 min. / le 17 février 2019
Plus de 84 millions de Nigérians se rendent aux urnes samedi pour élire leur président, après un report d'une semaine du scrutin. Le sortant Muhammadu Buhari affronte l'homme d'affaires Atiku Abubakar dans un pays secoué par les affrontements ethniques et religieux.

Les bureaux de vote ont ouvert à 8h. La question sécuritaire est l'un des enjeux principaux. Les derniers jours de campagne ont été marqués par des attaques de Boko Haram dans l'extrême nord-est du pays, faisant au moins dix morts.

Une attaque est également survenue samedi matin, jour de l'élection: au moins 13 tirs de roquette ont été entendus dans la ville de Maiduguri, dans le nord-est du Nigeria, tuant un soldat et faisant une vingtaine de blessés, ont rapporté des sources sécuritaires.

"Les terroristes de Boko Haram ont tenté d'entrer dans la ville, mais ils ont été repoussés", a expliqué un membre des milices qui combattent les insurgés aux côtés de l'armée. "En fuyant, ils ont tiré des roquettes sur la ville".

Région délaissée

Principal foyer de violences du pays, la région subit le retour en force de la guérilla islamiste. Au moins 50'000 personnes ont fui durant les mois de janvier et février. Souvent, l'armée nigériane s'est retirée sans combattre.

"Le nord-est du Nigeria fait partie de ces énormes régions qui ont été totalement délaissées par le pouvoir. Elles n'ont pas profité de la manne pétrolière", explique Gorgui Wade Ndoye, invité dans Géopolitis. "Le président Buhari, malgré tous ses efforts depuis son élection en 2015, n'a pas réussi à éradiquer Boko Haram. Mais peut-on trouver une issue à ce conflit uniquement avec les armes?", s'interroge le journaliste sénégalais, responsable du magazine panafricain Continent Premier.

Faiblesse de l'État

Des manifestations sanglantes ont aussi éclaté dans l'État de Kaduna, où vit la minorité musulmane chiite. Elle regroupe plus de trois millions de personnes. Le Mouvement islamique du Nigeria réclame depuis quatre ans la libération de son leader, le cheikh Ibrahim Zakzaky. Le pays compte plus de trois millions de chiites sur 80 millions de musulmans.

Plus qu'un conflit ethnique ou religieux, c'est la faiblesse de la présence de l'Etat qui crée tous ces conflits.

Gorgui Wade Ndoye, journaliste

A ces combats entre l'armée et les groupes islamistes, s'ajoutent des tensions persistantes dans le centre du pays, point de rencontre entre un nord musulman et un sud majoritairement chrétien. Des éleveurs peuls musulmans à la recherche de pâturages y affrontent des agriculteurs chrétiens. Des églises sont incendiées, des prêtres et des paroissiens assassinés. Depuis un an, ces violences ont fait 3600 morts, six fois plus que les affrontements avec Boko Haram.

"Plus qu'un conflit ethnique ou religieux, c'est la faiblesse de la présence de l'État dans ces régions qui crée tous ces conflits", relève Gorgui Wade Ndoye. En cause, la corruption qui mine le pays.

L'exemple suisse

Ce fléau a été au coeur de l'action du président sortant, rappelle le journaliste sénégalais: "Malgré son bilan mitigé sur les questions sécuritaires, Mohammadu Buhari a voulu combattre ce phénomène. Il a voulu bousculer cet État centralisé autocratique".

Mohammadu Buhari a fait revenir l'argent de potentats, par exemple les fonds volés par la famille Abacha, dissimulés en Suisse.

Gorgui Wade Ndoye, journaliste

Le président a notamment réalisé un audit de la fonction publique montrant qu'il y avait 23'000 postes de fonctionnaires fantômes. "Plus encore, il a fait revenir l'argent de potentats, par exemple les fonds volés par la famille Abacha, dissimulés en Suisse", insiste Gorgui Wade Ndoye.

Au total, le gouvernement helvétique a restitué près de 800 millions de dollars au Nigeria tout en exigeant que cet argent aille directement à la population. "Un accord exemplaire qui a permis de réduire drastiquement la pauvreté dans certains milieux, se félicite le journaliste. Il faut à présent que Londres et son marché financier, tout comme certains pays arabes, suivent la voie tracée par la Suisse."

Kevin Gertsch, Marcel Mione

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Le Nigeria, un géant

Le Nigeria, 190 millions d'habitants aujourd'hui, devrait devenir le troisième pays le plus peuplé au monde à l'horizon 2050, derrière la Chine et l'Inde. D'ici là, sa population aura plus que doublé.

Gigantesque, le Nigeria l'est aussi pas la taille de son économie, extrêmement dépendante du pétrole. Son produit intérieur brut, 461 milliards de dollars, est le plus important du continent africain. Une économie dynamique mais très inégalitaire: à côté des oligarques richissimes, 80 millions de personnes (40% de la population) vivent avec moins de 2 dollars par jour.