Yémen, conflit ravageur

Grand Format

Keystone - AP Photo/Hani Mohammed

Introduction

Depuis presque cinq ans, le Yémen vit l'une des pires crises humanitaires de la planète. Un conflit pourtant oublié, dont les civils sont les premières victimes. Etat des lieux et reportage auprès des réfugiés à Djibouti, où s'organise l'aide internationale.

Chapitre 1
Un désastre humain

Amal Hussain sur le site du New York Times. [DR - Capture d'écran]
Amal Hussain sur le site du New York Times. [DR - Capture d'écran]

Longtemps ignorée par la communauté internationale, la guerre au Yémen a depuis fin octobre le visage d'une fillette squelettique, Amal Hussain, 7 ans, dont la photographie a été publiée en une du New York Times. Le quotidien américain voulait ainsi alerter sur la situation des civils sur place.

Au total, plus de 20 millions de personnes ont besoin d'assistance humanitaire dans le pays. Soit un tiers de la population. Et comme cette enfant, décédée début novembre, 5 millions d'enfants yéménites sont victimes de la famine provoquée par la guerre, selon l'ONG Save The Children.

Le Yémen a toujours été l'un des plus pauvres du monde arabe et il y a toujours eu de la souffrance. Mais aujourd'hui, on voit la lente désintégration de la société

Johannes Bruwer, chef de délégation CICR au Yémen

Quant au bilan du conflit, il est impossible à établir avec certitude. Les dernières estimations datant de 2016 évoquaient la mort de 10'000 personnes. Un chiffre sans aucun doute largement sous-évalué.

YEMEN
L'actu en vidéo - Publié le 18 décembre 2018

Chapitre 2
Une trêve précaire

Les armes se sont tues mardi dans la ville de Hodeida, principal front de la guerre au Yémen, à la suite de l'entrée en vigueur d'un accord sur un cessez-le-feu "immédiat" conclu le 13 décembre en Suède, sous l'égide de l'ONU.

Depuis le début du conflit, en 2014, c'est la septième fois que les rebelles Houthis, appuyés politiquement par l'Iran, et les forces gouvernementales, soutenues par la coalition des pays arabes sunnites, déposent les armes.

La prudence restait donc de mise mardi parmi les observateurs quant à savoir si l'arrêt des combats se fait en application du cessez-le-feu, ou juste de manière temporaire.

>> Le sujet du 12h45 :

Yémen: l'espoir d'un cessez-le-feu renaît après la trêve conclue jeudi entre les belligérants sous l'égide de l'ONU.
12h45 - Publié le 18 décembre 2018

>> L'analyse du politologue Hasni Abidi, spécialiste du monde arabe :

Hasni Abidi, directeur du Centre d'études monde arabe et méditerranéen, analyse la situation au Yémen.
12h45 - Publié le 18 décembre 2018

Chapitre 3
La guerre par procuration

Le meurtre du journaliste Jamal Kashoggi, dont est accusé le prince héritier saoudien Mohammed Ben Salmane, pourrait bien changer la donne géopolitique du conflit au Yémen. Car cette guerre civile aux racines lointaines est également instrumentalisée par les grandes puissances.

Ce qui se joue est un bras de fer entre l'Iran chiite et l'Arabie saoudite sunnite pour le contrôle du Moyen-Orient et des exportations de pétrole. Jusqu'ici l'Arabie saoudite bénéficiait du soutien militaire des Etats-Unis à la coalition de pays arabes et de l'attitude de Donald Trump qui -en rompant l'accord sur le nucléaire iranien- a remis l'Iran au sommet de la liste des Etats-voyous. Une situation qui semble aujourd'hui remise en question.

>> L'analyse de Jean-Philippe Schaller, chef de la rubrique internationale TV :

Jean-Philippe Schaller "Le Yémen est victime du bras de fer entre l'Iran chiite et l'Arabie saoudite sunnite."
19h30 - Publié le 18 décembre 2018

Chapitre 4
Des réfugiés oubliés

La guerre au Yémen a fait plus de deux millions de déplacés internes et plusieurs centaines de milliers de réfugiés internationaux. Mais rares sont les pays qui acceptent de les recevoir.

Situé à quelque 200 kilomètres, de l'autre côté du golfe d'Aden, Djibouti est l'un d'entre eux. Depuis 2014, ce petit Etat d'Afrique de l'Est a accueilli jusqu'à 40'000 réfugiés yéménites.

J'ai vu mourir des enfants de ma famille dans des conditions atroces (...) déchiquetés par un bombardement. C'est pour ça qu'on a tout quitté

Hassan, réfugié yéménite à Djibouti

Aujourd'hui, ils sont encore environ 5000 à vivre à Djibouti, naufragés d'une guerre qui s'éternise, oubliés du monde. La plupart se trouvent dans la capitale, d'autres dans la petite ville d'Obock, où les ont rencontrés nos envoyés spéciaux:

La guerre au Yémen a fait plus de deux millions de déplacés. Djibouti a accueilli jusqu'à 40000 réfugiés Yéménites.
19h30 - Publié le 18 décembre 2018

Chapitre 5
Djibouti, hub humanitaire

Le port de Djibouti, à 240 kilomètres d'Aden, au Yémen. [Google Maps - Capture d'écran]
Le port de Djibouti, à 240 kilomètres d'Aden, au Yémen. [Google Maps - Capture d'écran]

Grâce à ses infrastructures portuaires, Djibouti est devenu la plaque tournante de l'aide internationale à destination du Yémen, tout proche.

Entre 2000 et 3000 tonnes de matériel médical sont expédiées chaque mois du port est-africain vers Aden. Une aide humanitaire dont l'acheminement est périlleux.

A Djibouti, le Programme alimentaire mondial (PAM) assure le rôle de logisticien et de transporteur pour la plupart des organisations humanitaires qui travaillent au Yémen, dont l'Organisation mondiale de la santé (OMS) et Médecins sans frontières (MSF).

Une mer dangereuse

Médicaments, vaccins, accessoires, générateurs électriques, tentes, filets anti-moustiques ou encore ambulances sont transportés à bord du VOS Apollo, à travers l'une des mers les plus dangereuses du monde en raison de la piraterie.

De plus, avant chaque rotation, le bateau doit obtenir l'autorisation de la coalition dirigée par l'Arabie saoudite qui se bat au Yémen. Le voyage, qui dure environ 15 heures, se fait sous la protection d'une équipe de sécurité.

Sans ces livraisons, le Yémen, où 90% de la nourriture doit être importée, serait coupé du monde.

Chapitre 6
Yves Daccord: "Un pays entier en train de descendre dans une crise humanitaire gigantesque"

Interrogé dans le 19h30, Yves Daccord, directeur général du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), dresse un tableau accablant de la situation au Yémen. 

"On a un pays entier qui est en train de descendre dans une crise humanitaire gigantesque (...). Il n’y a plus d’Etat depuis 2012 et le plus impressionnant c’est que les systèmes, qui étaient très fragiles, n’ont plus la capacité d’absorber les chocs. C’est le cas du système de santé. Les hôpitaux ont été bombardés et ils ne peuvent plus faire face à des urgences comme le choléra".

"Ce qui me frappa le plus, c’est l’incapacité du Conseil de sécurité (de l'ONU) de jouer son rôle, de faire le travail de gérer un pays comme l’Arabie saoudite par exemple".

"Aujourd’hui, on est confronté à des problèmes globaux, climatiques, de violences, de guerres, de migrations et on devrait avoir des solutions globales. Or, on voit que les Etats n’arrivent plus à produire de solutions globales entre eux".

Yves Daccord, directeur général du CICR, analyse la situation dramatique au Yémen.
19h30 - Publié le 18 décembre 2018