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"Je ne vois pas avec quelle baguette magique Macron trouvera la solution"

Dominique Reynié, directeur de la Fondation pour l'innovation politique. [AFP - Pascal Guyot]
L'invité de Romain Clivaz - Dominique Reynié, directeur de la Fondation pour l'innovation politique / L'invité-e de Romain Clivaz / 10 min. / le 10 décembre 2018
Le directeur de la Fondation pour l'innovation politique Dominique Reynié, invité lundi dans La Matinale de la RTS, estime que les clés pour sortir de la crise des "gilets jaunes" en France ne sont "pas nécessairement disponibles".

Le président français Emmanuel Macron adressera lundi soir une "déclaration solennelle" à la nation. Il est sommé de toutes parts d'apporter une réponse politique à la crise des "gilets jaunes", qui menace son mandat politique.

"Les attentes d'une partie de la société française à l'égard du discours qu'il peut prononcer sont sans doute déraisonnables par rapport à ce qu'il peut annoncer. Je ne vois pas par quelle baguette magique il pourrait dire avoir trouvé la solution", estime le politologue français Dominique Reynié.

Pas de soutien expérimenté

"C'est très compliqué pour Emmanuel Macron et pour le pays. Nous vivons une situation de crise historique. Les clés pour en sortir ne sont pas nécessairement disponibles", signale Dominique Reynié, précisant que le président ne dispose pas d'un soutien expérimenté pour faire face à cette situation.

"Il est jeune et il s'est entouré d'une équipe encore plus jeune que lui, avec la même sociologie et le même type de formation. Il n'y a pas autour de lui ce qu'il y a toujours eu autour des présidents précédents: un vieux loup de mer ou un conseiller très expérimenté. Ces personnes sentent le pays", pointe le directeur de la Fondation pour l'innovation politique, un centre de réflexion libéral.

Dominique Reynié rappelle par ailleurs qu'Emmanuel Macron est arrivé au pouvoir sans véritable mouvement politique, En Marche s'étant créé à partir de son élection. "Nous avons un président sans mouvement face à un mouvement sans chef."

"Une insurrection contre la classe politique"

Selon Dominique Reynié, le président Macron ferait également les frais d'une société française historiquement peu clémente avec ses chefs d'Etat. "Notre système institutionnel fait remonter beaucoup d'attentes et d'espoirs sur le président élu. C'est pour cela que les candidats sont amenés à faire des promesses qui ne sont généralement pas tenues", explique le politologue.

"Au moment où les choses commencent à se dégrader, le même mécanisme qui faisait monter vers l'élu beaucoup d'espoir fait remonter vers lui de la colère et même une forme de détestation", poursuit Dominique Reynié.

S'il se dit conscient que les manifestations ne sont pas bonnes pour l'image de la France, Dominique Reynié considère qu'Emmanuel Macron n'en devient pas pour autant plus impopulaire que ses concurrents politiques. "Il s'agit plutôt d'une insurrection de la société française contre sa classe politique que d'une dissidence contre son président."

Propos recueillis par Romain Clivaz

>> Ecouter également l'interview d'Olivier Costa, directeur de recherche au CNRS, dans Forum :

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"Emmanuel Macron subit la charge de trop"

D'après Dominique Reynié, le manque de réformes a conduit à la crise des "gilets jaunes". "Depuis au moins 1974, aucun président n'a été capable de porter les réformes. Ces dernières n'ayant pas eu lieu, le pays a un déficit budgétaire annuel, sans aucune exception (depuis plus de 40 ans), augmentant sa dette qui finit par atteindre 100% du PIB."

Les président français ont alors eu recours au prélèvement obligatoire. "Ils ont toujours choisi la dette et les prélèvements obligatoires plutôt que la réforme: elle risquait d'opposer des manifestants au président. Emmanuel Macron se trouve, lui, subir la dernière charge, la charge de trop, qui peut faire ployer l'édifice. Il serait injuste de dire qu'il en est le responsable, c'est un problème qui remonte à très loin. Il faudrait rendre du pouvoir d'achat aux Français", assure Dominique Reynié.

>> Voir également la chronique d'Alter Eco sur le pouvoir d'achat en France: