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Au Sahel, l'islamisme radical n'apporte pas que de la violence

Géopolitis: Sahel, djihad sans frontière [AdobeStock - debiv - DR]
Sahel, djihad sans frontière / Geopolitis / 26 min. / le 9 décembre 2018
Les mouvements djihadistes progressent au Sahel. Si la radicalisation est perçue comme une menace en Occident, elle est aussi vécue favorablement par les populations locales, explique le sociologue Reda Benkirane dans Géopolitis.

"Au Mali, les communautés, en quête de justice, ont dans un premier temps salué l'arrivée des djihadistes. Les institutions étatiques étaient incapables d'administrer les conflits locaux. Et dans ces mouvements extrémistes, il y a des gens respectables qui cherchent à propager une justice. En Occident, on voit surtout l'aspect le plus extrémiste et le plus violent de la radicalisation", indique Reda Benkirane.

Le chercheur associé auprès Graduate Institute de Genève a piloté une étude sur la radicalisation au Sahel, menée par le Centre pour le dialogue humanitaire. Huit cents témoignages ont été recueillis dans huit pays différents.

Les huit pays pris en compte dans l'étude des Nations unies pour le développement. [Géopolitis - DR]

Situé au sud du Sahara, le Sahel s'étend de l'Atlantique à la Mer Rouge. Il compte près de 300 millions d'habitants, parmi les plus pauvres du monde. L'appui des pays arabes a joué un rôle important dans le développement de l'islam de la région, selon Reda Benkirane: "L'aide occidentale est très souvent détournée. Très peu de choses arrivent aux destinataires, à l'inverse de l'aide arabe qui a eu une influence sur la manière de se représenter la religion. Mais cela ne conduit pas nécessairement à un extrémisme violent".

L'argent, moteur de la radicalisation

Pour rallier de nouvelles forces, les combattants islamistes ciblent surtout les jeunes en quête d'une vie meilleure. "Seules 2% des personnes que nous avons interrogées nous disent que les gens se radicalisent pour des motifs religieux. Ce qui compte, ce sont les raisons socio-économiques", insiste Reda Benkirane. Ainsi, dans le cas de Boko Haram au Cameroun, les jeunes qui ont rejoint le mouvement sont principalement "des élèves des écoles coraniques qui étaient réduits à la mendicité et qui avaient déjà des activités de brigandage".

L'aide au développement et la force militaire constituent-elles les seules solutions pour éradiquer la violence? Le sociologue tempère: "Il faut plus de développement, c'est certain. Il faut investir dans ces régions. Par contre, la notion de sécurité est trop policière. Il faut l'élargir à d'autres aspects, à la sécurité alimentaire, au droit au logement, à l'éducation, aux soins. C'est indispensable".

Kevin Gertsch

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