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L'affaire Grégory au coeur d'une série documentaire haletante

Depuis le 16 octobre 1984, l'ombre du petit Grégory plane sur la vallée de la Vologne. [AFP - Patrick Hertzog]
Depuis le 16 octobre 1984, l'ombre du petit Grégory plane sur la vallée de la Vologne. - [AFP - Patrick Hertzog]
"Le mystère de la Vologne" revient sur l'affaire Grégory, du nom du garçon de 4 ans retrouvé mort, pieds et poings liés, dans une rivière de l'est de la France. "Trente-quatre ans après, personne n'a oublié", confirme son réalisateur Pierre Hurel.
La vallée de la Vologne, dans l'est de la France.
La vallée de la Vologne, dans l'est de la France.

Ce pourrait être une série nordique, mais les faits sont réels. Ils hantent encore la vallée de la Vologne, ce territoire enclavé, fermé sur lui-même, entre Gérardmer et Epinal, dans les Vosges.

"Certains pensent que la malédiction était inscrite dans le destin de cette vallée millénaire où la forêt épaisse et profonde entoure des villages posés le long de la rivière". Ainsi commence le premier des cinq épisodes de "La malédiction de la Vologne", une série documentaire actuellement diffusée par la RTS*.

Les racines du mal

"L'affaire Grégory aurait pu se passer ailleurs. Mais l'endroit et le moment où cela s'est produit expliquent les racines du mal", indique à la RTS Pierre Hurel, réalisateur et co-auteur de la série avec le journaliste Christophe Dubois.

"Je pense qu'on trouve dans ces grandes familles de taiseux, d'ouvriers qui avaient encore une mentalité paysanne, dans ces milieux où l'alcoolisme règne, le terreau dans lequel est né l'affaire", confie cet ancien grand reporter à Paris Match.

L'affaire Grégory est une parcelle de l'histoire de France

Pierre Hurel, réalisateur de "La malédiction de la Vologne"

Convoquant les nombreuses archives de l'époque, dont certaines sont inédites, le réalisateur invite chacun à revivre la saga qu'a été ce fait divers retentissant. En 1984, de retour de la guerre du Liban, il est frappé: dans la rédaction, tout le monde parle de Grégory.

A l'époque, se souvient-il, il y avait ceux qui croyaient à la culpabilité de Christine Villemin, la mère de l'enfant, et les autres. La justice a ensuite confirmé l'innocence de cette femme, qu'on voit hurler de chagrin à l'enterrement de son fils dans des images bouleversantes.

Règlements de compte

Son mari, Jean-Marie Villemin, a lui aussi tout de la figure dramatique. Il finit par tuer lui-même son cousin, Bernard Laroche, qu'il croit responsable de la mort de son fils. Une mort dont il recherche aujourd'hui encore le scénario de la banlieue parisienne où il a trouvé refuge.

Malin et énergique, issu d'une famille de trois garçons, il réussit à gravir les échelons de son entreprise et devient contremaître à 23 ans. "Pour sa famille, c'est un traître, passé du côté des patrons", relève Pierre Hurel. "C'est une des raisons de la jalousie collective dont il était victime et qui animait le corbeau qui les menaçait avec son épouse depuis longtemps".

Je voulais conter cette histoire, pas la résoudre

Pierre Hurel, réalisateur de "La malédiction de la Vologne"

Sans refaire l'enquête ni le procès des uns et des autres, les auteurs associent archives inédites et images d'aujourd'hui revenir sur les multiples rebondissements d'une affaire qui n'en finit pas et que d'innombrables procès-verbaux éclairent d'un jour nouveau.

Un recul salutaire

Pour les mettre en scène, le réalisateur a recouru à des acteurs qu'on voit de dos, dans l'ombre, des silhouettes à l'accent rugueux des Vosges. Un choix original au rendu discutable, qui a le mérite de casser le rythme des événements et de permettre une prise de recul salutaire.

"Tous les gens qui ont approché cette histoire, qu'ils soient policiers, gendarmes, juges ou journalistes, ont été victimes du même syndrome: celui des convictions qui mènent à l'obsession et pour certains à la mort", indique Pierre Hurel. Une allusion au suicide du juge Lambert, le premier magistrat chargé de l'affaire.

Un poids pour la vie

C'est la malédiction de la Vologne. Et trente-quatre ans après, la série fait plus que raconter une région, une constellation familiale, une succession d'enquête. Elle parle de ce qu'est devenue l'affaire Grégory aujourd'hui, avec le temps. Son poids sur la vie des gens.

En cela, l'apparition de Murielle Bolle dans le dernier épisode** est saisissante. La rouquine a 15 ans quand elle dirige par sa première déposition les soupçons vers son beau-frère Bernard Laroche. Revenue sur cette version par la suite, elle ne cesse depuis de clamer l'innocence de celui dont elle ne se pardonne pas le décès.

La vie de Murielle Bolle ressemble à un purgatoire

Pierre Hurel, réalisateur de "La malédiction de la Vologne"

A 49 ans, cette femme, témoin clé, porte sur elle le poids de la culpabilité et du silence. Un fardeau qu'apaise à peine les balades en forêt, qu'elle affectionne particulièrement. Simple et pudique, face caméra, elle confie: "Je comprends leur douleur [de Jean-Marie et Christine Villemin]. Ma famille aussi, on a souffert".

Juliette Galeazzi

* Revoir les épisodes 1, 2 et 3 de "La malédiction de la Vologne" sur PlayRTS jusqu'au 19 décembre 2018

** Les épisodes 4 et 5 seront diffusés lundi 26 novembre à 20h35 et à 21h20 puis en ligne jusqu'au 25 décembre 2018

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La première garde à vue de Murielle Bolle en 1984 pourrait être retirée du dossier

Le Conseil constitutionnel français a donné raison le 16 novembre à Murielle Bolle, personnage clé de l'affaire Grégory, qui cherche à faire annuler sa garde à vue de 1984. Alors âgée de 15 ans, elle avait accusé son beau-frère Bernard Laroche d'avoir enlevé l'enfant en sa présence. Elle s'était ensuite rétractée en dénonçant des pressions des gendarmes.

Saisi, le Conseil constitutionnel a censuré plusieurs dispositions de l'ordonnance de 1945 sur "l'enfance délinquante" telle qu'elle était écrite en 1984. Cela pourrait amener la justice pénale à rayer du dossier toute mention de ces déclarations cruciales.

Selon Murielle Bolle, les conditions de garde à vue de l'époque ont permis aux gendarmes de faire pression sur elle. L'accusation considère au contraire qu'elle a dit la vérité aux militaires avant de se rétracter sous la pression familiale. Il appartient désormais à la Cour de cassation de tirer les conséquences de la décision des "Sages" sur le plan judiciaire.