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Faire primer la Constitution sur le droit international? L'exemple russe

La Cour européenne des droits de l'homme (CrEDH) pendant un jugement impliquant la Russie. [Keystone - PATRICK SEEGER]
En Russie, la Constitution prime sur la Convention européenne des droits de l’homme / La Matinale / 2 min. / le 21 novembre 2018
Alors que la Suisse vote dimanche sur une initiative visant à faire primer son droit constitutionnel sur les arrêts internationaux, d'autres pays ont déjà promulgué des lois allant dans ce sens, à l'exemple de la Russie.

En 2015, le Parlement russe adopte une loi qui permet à la Cour constitutionnelle de ne pas exécuter tout arrêt émanant d'une cour internationale sur les droits de l'homme, du moment que celui-ci contrevient à la Constitution russe.

Le pays, qui a ratifié la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH) en 1998, est régulièrement épinglé par la Cour de Strasbourg. L'an dernier, un tiers des jugements ayant constaté une violation concernaient Moscou, qui accepte mal de se plier à de telles injonctions.

Revendiquer sa souveraineté juridique

En 2014, le pouvoir a été particulièrement irrité par un jugement de la CEDH qui le contraignait à verser 1,9 milliard d'euros (2,2 milliards de francs) aux ex-actionnaires du groupe pétrolier russe Ioukos.

Peu après, cette loi faisant primer la Constitution russe était adoptée, puis ratifiée par le président Vladimir Poutine. Pour Maria Filatova, professeure de droit à la Haute école d’économie de Moscou, ce changement a un poids davantage politique que juridique.

"Avant, la situation était plus ou moins équilibrée. Dans les cas difficiles, la Cour constitutionnelle avait la possibilité de dire "on ne peut pas exécuter cet arrêt international ", mais c’était un dialogue avec les cours, les juges", explique Maria Filatova dans la Matinale de la RTS.

"A présent, on a une déclaration préalable qui dit, en substance, que si la Russie veut, elle peut rejeter tout arrêt international. Ce n’est donc plus un dialogue, mais un monologue assez rude."

D'autres pays font primer leur Constitution

La Russie n'est pas le seul pays où le droit constitutionnel prime sur la CEDH. C'est aussi le cas en Allemagne, mais la Convention y a un statut spécial.

En France, il n'est pas clairement établi si la Constitution se situe au même niveau ou au-dessus du droit international. Seulement, la Cour constitutionnelle a appris à intégrer les normes internationales dans sa jurisprudence, évitant ainsi les conflits, explique la professeure de droit.

Reste que de nombreux pays européens ignorent certains arrêts de la cour de Strasbourg, même lorsque ceux-ci ne contredisent pas leur Constitution, faute d'argent ou par difficulté technique. La Russie ne fait donc pas exception, mais surenchérit avec sa loi, en revendiquant ouvertement sa souveraineté juridique.

Isabelle Cornaz / Mouna Hussain

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Argument contre l'initiative pour l'autodétermination

La loi russe votée en 2015 a été utilisée comme argument par les opposants à l'initiative pour l'autodétermination, soumise au vote populaire le 25 novembre.

Dans une vidéo Facebook, on voit entre autres la socialiste Valérie Piller Carrard porter un masque de Vladimir Poutine. Le PS suisse cite l'exemple russe comme étant "une des bonnes raisons" de rejeter le texte de l'UDC.

Une comparaison qui, aux yeux du parti à l'origine de l'initiative, "joue sur la peur d’un état autoritaire qui ne pourrait pas s’implanter en Suisse, le fédéralisme et la démocratie directe l’empêcheraient."

"A la différence de la Russie, ce n’est pas le président qui déciderait s’il y a un conflit entre un jugement de la CEDH et la constitution fédérale mais le peuple et les cantons, lors d’une décision dans les urnes, après une campagne de votation, réagit Andrea Sommer, responsable de la communication de l'UDC. Les garde-fous contre une dérive totalitaire existent donc."