L'hôpital local de Quintero, dans la province de Valparaiso (centre), voit affluer depuis plusieurs mois des adultes et des enfants souffrant de violents maux de tête, de nausées ou même de paralysie temporaire des membres. Les médecins ont établi un diagnostic d'intoxication, mais sans savoir d'où vient le mal.
Les habitants critiquent la lenteur des autorités face aux 18 usines installées dans la baie de Quintero. On trouve notamment - parmi ces entreprises capitales pour l'économie chilienne - une raffinerie de cuivre, des terminaux pétrolier et gazier, ou encore des centrales électriques à charbon. Ces industries ont pollué l'eau et les poissons avec des métaux lourds, empêchant les pêcheurs de travailler dans la zone.
"Ma fille ne sentait plus l'extrémité de ses jambes"
La population lutte depuis des décennies contre cette pollution mais n’avait jamais connu une intoxication aussi massive. "Ma fille ne sentait plus l'extrémité de ses jambes, elle avait de maux de tête très violents, des nausées... On a fait des examens, et ils n'ont rien trouvé", raconte dans l'émission Tout un monde le père d'une adolescente de 13 ans qui a commencé à se sentir mal, sans explication apparente. "Et puis beaucoup d'autres enfants ont commencé à avoir les mêmes symptômes, tous le même jour. Ma fille a eu de nouveau ces symptômes elle aussi. A partir de là, on a su que c'était lié à la pollution."
En l'espace de quelques jours, des dizaines d'enfants et d'adultes ont été admis à l'hôpital local. Et les intoxications continuent depuis, avec des pics plus ou moins importants ces dernières semaines.
Un gaz interdit au Chili
Trois gaz dangereux ont été détectés par les autorités, dont l'un est interdit au Chili. Mais le gouvernement affirme que les relevés ont été mal faits, et le gaz exact et l’entreprise responsables des intoxications n’ont toujours pas été identifiés officiellement.
Professeur de médecine à l'Université du Chili, Andrei Tchernitchin vient de réaliser une étude sur les intoxications survenues depuis fin août. Pour lui, les autorités ont mal géré la situation: "Avec un gaz qui produit ce genre de symptômes, il aurait fallu au minimum évacuer les enfants les plus jeunes et les femmes enceintes, car les substances chimiques détectées peuvent laisser des séquelles chez le fœtus, en particulier au cours des trois derniers mois de la grossesse", explique-t-il. Le scientifique estime que le gouvernement aurait dû suspendre toutes les activités polluantes de la baie, le temps de l’enquête.
Lobby puissant et protégé
Les associations demandent aussi la mise en place de normes de pollution conformes aux recommandations de l'Organisation mondiale de la santé, qui sont deux à trois fois plus strictes que les normes chiliennes.
Mais les habitants sont fatigués de se battre face au puissant lobby des entreprises, dont les dirigeants sont parfois très proches du pouvoir politique.
Justine Fontaine/oang