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La pénurie de pilotes de ligne touche des compagnies du monde entier

La formation d'un pilote de ligne coûte 135'000 francs. [Keystone - Christian Beutler]
Compagnie aérienne cherche pilote de ligne / Tout un monde / 8 min. / le 9 mai 2018
En raison de la hausse du trafic aérien, les flottes des compagnies aériennes de toutes les régions du monde ressentent une pénurie de pilotes. Quant aux écoles de pilotage, elles manquent de formateurs.

L'industrie de l'aviation aura besoin de 255'000 nouveaux pilotes ces dix prochaines années, selon une étude du groupe canadien CAE, leader mondial dans l'enseignement du pilotage.

Selon l'organisation de l'aviation civile internationale, il manquera même 620'000 nouveaux pilotes d'ici à 2036. Ce chiffre est lié à l'explosion du trafic aérien, qui devrait passer de 4,1 milliards de passagers annuels à 7,8 milliards en 2036.

"La demande en pilotes a continué à être très importante en Asie, en Chine, en Inde.... y compris les dernières années qui étaient plutôt des années de crise en zone européenne", explique Guillaume Roger, directeur de la formation au pilotage et des vols à l'école nationale de l'aviation civile en France (ENAC), qui forme les pilotes français et de compagnies étrangères.

"L'Asie en souffre le plus, ils en sont à venir débaucher des pilotes d'Emirates... une compagnie du Golfe qui est déjà allée chercher des pilotes en Australie, aux Etats-Unis", des pays où le transport aérien a été largement restructuré, précise Yann Cochennec, rédacteur en chef du magazine Air et Cosmos.

Manque de formateurs

Les grands constructeurs aériens avaient déjà anticipé cette pénurie. Mais les compagnies n’avaient pas forcément les moyens d’engager en raison de la conjoncture économique, et les prédictions des constructeurs ne correspondaient donc pas à la réalité d'alors, quand de nombreux pilotes étaient au chômage.

Aujourd'hui, Air France, qui avait fermé sa filière cadets en 2007, vient de la rouvrir. Quant à la compagnie Iran Air, elle ouvre désormais des postes de pilotes aux femmes.

La pénurie est telle qu'en France, notamment, les compagnies cherchent même à recruter des formateurs. "Les écoles de pilotage profitaient du fait que les pilotes qui avaient du mal à trouver une place en compagnie passaient une licence d'instructeur", souligne Guillaume Roger, directeur de la formation au pilotage à l'ENAC. Actuellement, les pilotes sont beaucoup plus vite aspirés par les compagnies aériennes.

Or, la moitié des pilotes qui voleront dans dix ans ne sont pas encore formés et les compagnies vont avoir besoin de septante nouveaux pilotes par jour pendant dix ans.

Pénurie "pas ressentie" chez Swiss

Swiss, de son côté, explique qu'elle ne ressent pas la pénurie. La compagnie n'a pas de mal à recruter puisque le métier de pilote reste attrayant, selon sa porte-parole Meike Fuhlrott.

La compagnie suisse embauche déjà des Allemands et des Autrichiens, mais elle prend aussi des mesures pour l'avenir. "Swiss collaborera encore plus étroitement avec la plateforme de formation aéronautique de la Confédération, et Swiss et Edelweiss prévoient un modèle de carrière commun avec les Forces aériennes", explique Meike Fuhlrott.

Swiss indique aussi prendre des mesures pour que les fonds propres à investir pour les aspirants pilotes soient moins élevés.

Blandine Levite/jvia

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Une formation au rabais?

Compte tenu de l'ampleur de la demande, la formation des pilotes risque-t-elle d'être menée au rabais ou dans l'urgence? Tous les interlocuteurs rencontrés par Tout un monde ont répondu par un "non" clair, mettant en avant qu'il n'est pas question de transiger sur la sécurité.

Mais comment s'en assurer? Pour Guillaume Roger, directeur de la formation au pilotage et des vols à l'ENAC, les standards de qualité sont protégés par une réglementation européenne très stricte, qui "garantit que les standards pédagogiques s'appliquent à toutes les écoles et que l'on ne descende pas en dessous d'un certain niveau de qualité".

La philosophie américaine, elle, est davantage axée sur la formation continue puisque le temps d'apprentissage théorique en école est plus court.