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La BNS fixe un cours plancher pour l'euro

Cours plancher: le patron de la BNS s'exprime
Cours plancher: le patron de la BNS s'exprime / L'actu en vidéo / 2 min. / le 6 septembre 2011
La BNS franchit un pas décisif dans sa lutte contre l'appréciation du franc, qui pèse tant sur les entreprises suisses. Après les séries de mesures déjà déployées durant tout le mois d'août, elle s'est résolue à fixer un taux plancher de 1,20 franc pour un euro.

La Banque nationale suisse (BNS) ne tolérera plus un cours inférieur sur le marché, a-t-elle annoncé mardi dans un communiqué. Elle fera prévaloir ce plancher "avec toute la détermination requise" et est prête à acheter des devises en quantité illimitée. La décision a été saluée par l'ensemble de la classe politique: lire Intervention de la BNS.

L'institut d'émission monétaire juge que la surévaluation actuelle du franc est extrême et constitue une grave menace pour l'économie suisse. Le phénomène recèle même le risque de développements déflationnistes.

La BNS, qui vise un affaiblissement "substantiel et durable" de la monnaie helvétique, concède qu'à 1,20 franc pour un euro, son niveau reste élevé. Elle prévient donc d'ores et déjà qu'elle prendra des mesures supplémentaires si les perspectives économiques et les risques de déflation l'exigent.

Montée en puissance

Franc suisse et euro: les risques d'un taux plancher. [Martin Ruetschi]

Il s'agit donc d'une montée en puissance dans la stratégie de la BNS, qui avait annoncé en août plusieurs injections de liquidités dans le circuit économique. Ces actions devaient mettre la pression à la baisse sur les taux d'intérêt, afin d'affaiblir le franc. Elles semblaient porter leurs fruits dans un premier temps. Après avoir frôlé la parité avec l'euro le 9 août, le franc s'était ensuite régulièrement affaibli, abandonnant près de 20% face à l'euro. Mais depuis mardi passé, il se renforçait à nouveau.

De quoi décourager les entreprises suisses dont la rentabilité est affectée par l'impact des devises et qui luttent depuis des mois pour résister. Les exportations et le produit intérieur brut (PIB) ont maintenu une tendance à la hausse jusqu'en juin, mais l'essoufflement était devenu évident à partir de juillet et août. L'industrie et le tourisme souffrent particulièrement, avec le spectre de chiffres rouges qui se dessine pour certains.

Sombres perspectives économiques

Les hôtels suisse souffrent de la cherté du franc et du mauvais temps. [Martin Ruetschi]

L'inquiétude est d'autant plus grande que les perspectives de la conjoncture mondiale sont sombre, tant du côté de l'économie américaine que de la crise de la dette européenne. Les économistes prévoient que la croissance s'effritera ces prochains trimestres jusqu'à devenir nulle, et l'hypothèse d'une possible récession en Suisse l'an prochain n'est plus un tabou. Les syndicats ont de grandes craintes pour l'emploi.

Comme les précédentes mesures de la BNS - pourtant drastiques n'avaient pas suffi à enrayer la spirale infernale, la fixation d'un taux plancher est de nature à contenter les acteurs économiques et politiques qui étaient nombreux à la réclamer.

Le niveau choisi, à 1,20 franc pour un euro, est certes inférieur au taux de change dont rêveraient les entreprises suisses. Selon les experts, le cours idéal s'inscrirait aux alentours de 1,30 franc, mais 1,20 franc est déjà moins désastreux que la parité. Du reste, la réussite d'un tel objectif est plus crédible qu'un taux de 1,30 ou 1,40 franc, note l'économiste Bernard Lambert. Et il n'est pas exclu que le franc s'affaiblisse durablement au-delà du cours plancher fixé par la BNS, fait-il remarquer.

ats/ffi


Effet immédiat sur le change

La Bourse suisse s'est envolée après l'annonce de la BNS. [Steffen Schmidt]

Le franc s'affaiblissait nettement face à l'euro à l'annonce d'un cours plancher de 1,20 franc pour un euro par la Banque nationale suisse (BNS). Vers 10h15, la monnaie unique remontait à plus de 1,21 franc, alors qu'elle valait à peine plus de 1,10 franc la veille.

La devise helvétique cédait également du terrain vis-à-vis du dollar. Le billet vert se négociait au même moment à plus de 85 centimes, alors qu'il valait à moins de 79,5 centimes avant l'annonce de la BNS.

Le franc avait frôlé la parité avec l'euro le 9 août. Il s'était ensuite régulièrement affaibli en abandonnant près de 20% face à la devise européenne. Mais depuis mardi passé, le franc se renforçait à nouveau.

Forte hausse à la Bourse suisse

La Bourse suisse s'est envolée après l'annonce de la BNS. L'indice des valeurs vedettes, le Swiss Market Index (SMI), a pris jusqu'à plus de 5%. A la clôture, il gagnait encore 4,36% à 5367,24 points.

Le SMI s'était déjà repris dans les premiers échanges mardi en s'affirmant de 1% environ, après avoir plongé de 4,04% la veille de en clôture. Toutes les valeurs, bancaires comprises, sont reparties à la hausse.

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Les questions qu'on se pose

Comment fixer un cours plancher?

La Banque nationale suisse (BNS) s'est engagée à garantir un cours de change d'au minimum 1,20 franc pour un euro. Cela signifie que si le franc devait s'apprécier pour atteindre un taux inférieur à 1,20 (lorsque taux de change diminue, cela veut dire que le franc prend de la valeur face à l'euro), la BNS achèterait alors des euros en masse, jusqu'à ce que le taux de change remonte au-delà de cette limite.

La mesure peut-elle fonctionner?

La fixation d'un cours plancher de 1,20 franc pour un euro constitue un objectif crédible, estime Bernard Lambert, chef économiste auprès de la banque Pictet & Cie. Selon lui, l'institut d'émission va réussir à défendre ce taux.

Selon l'économiste, seule une forte aggravation de la crise en Europe, comme le défaut de paiement d'un pays tel que l'Italie ou une vaste crise bancaire, pourrait empêcher la Banque nationale suisse de tenir son objectif. Fixer un taux de change de 1,20 franc pour un euro est plus crédible en terme de réussite qu'un objectif de 1,30 ou 1,40 franc, estime l'économiste. "Ça laisse une marge de fluctuation entre 1,20 et 1,30". Il n'est du reste pas exclu que le franc s'affaiblisse durablement au-delà du cours plancher fixé par la BNS, fait remarquer Bernard Lambert.

Quels sont les risques?

La décision de la BNS ne va pas sans risques, puisqu'elle l'oblige à agir tant que l'euro vaut moins que 1,20 franc. Si la situation économique en Europe devait encore se dégrader, il est possible que le franc reste pour beaucoup une valeur refuge. Malgré toute sa bonne volonté, la BNS ne dispose en effet pas de moyens illimités. A terme, l'achat de toujours plus d'euros valant toujours moins n'est pas viable pour l'institution.

En revanche, d'après Bernard Lambert, chef économiste auprès de la banque Pictet & Cie, cette mesure ne devrait pas occasionner une accélération de l'inflation, qui pour l'instant reste très faible en Suisse. Les prix à la consommation en Suisse ont continué de baisser en août, de 0,3% par rapport à juillet.

Le précédent de 1978

En 1978, le franc suisse s'était renchéri considérablement en quelques mois: 30% par rapport au dollar, 18% par rapport au franc français et 15% face au Deutsche Mark. La Banque nationale suisse était intervenue, comme elle l'a fait dernièrement, en augmentant la masse monétaire. Dans un deuxième temps, elle avait annoncé qu'elle allait fixer un taux plancher de change entre le franc suisse et le mark allemand.

Cet effet d’annonce avait alors eu un effet décisif sur les marchés et le plancher n'avait jamais été atteint. À l'époque, la simple annonce avait été suffisante pour dégonfler la valeur du franc suisse. Mais l’augmentation de la masse monétaire avait tout de même eu pour conséquence une forte inflation, passée de 1% en 1978 à 6,5% en 1981.