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L'industrie japonaise est à l'arrêt

Le Japon fournit 40% des composants électroniques dans le monde. [ANDY RAIN]
Le Japon fournit 40% des composants électroniques dans le monde. - [ANDY RAIN]
Après le séisme et le tsunami qui ont frappé le Japon et face à la crainte d'un accident nucléaire majeur, la production dans de nombreux secteurs risque d'être très durement affectée, des puces-mémoires aux avions en passant par l'automobile et les gadgets électroniques. L'indice Nikkei, par ailleurs, a vécu mardi sa troisième plus importante chute depuis sa création.

Un véritable vent de panique a déferlé mardi à la Bourse de Tokyo. L'indice Nikkei 225 s'est effondré de 10,55%, sa troisième plus forte chute historique. Les détenteurs d'actions se sont rués pour vendre, affolés par l'escalade de problèmes à la centrale nucléaire de Fukushima et l'annonce par le gouvernement d'une hausse inquiétante de la radioactivité environnante à un niveau dangereux pour la santé.

Parmi les titres d'entreprises-phares cotées, ceux des fabricants d'électronique Sony et Panasonic ont dévissé respectivement de 8,86% et de 11,27%.

Le Japon fournit 40% des composants électroniques dans le monde

Le gouvernement japonais a prévenu: avec des ports et aéroports détruits ou fermés, des usines à l'arrêt, des circuits logistiques perturbés comme jamais et une population traumatisée, la catastrophe a déjà un impact "considérable" sur l'activité économique de tout le pays. Un manque de pièces ou de composants est à prévoir pour de nombreuses industries, "ce qui risque de faire monter les prix ou de retarder la production de nos gadgets favoris", s'inquiétait lundi Engadget, site internet pour les fanatiques de technologies.

Les fabricants japonais fournissent 40% des composants électroniques dans le monde, selon la firme CLSA. Le Japon est aussi le pays d'origine d'une grande quantité de mémoires flash NAND, venant essentiellement de Toshiba. Le prix des mémoires NAND 32 gigabits a déjà grimpé de 18%, selon DRAMeXchange, après l'annonce de l'arrêt de l'usine de ce groupe de la préfecture d'Iwate.

Bien que Toshiba affirme que son usine ne semble pas avoir subi de gros dégâts, les dirigeants sont toujours en train d'évaluer la situation, craignant les effets des répliques sur des sites déjà malmenés. Ils ne savent pas quand la production va pouvoir reprendre.

Plus d'appareils photo numériques

Les usines ont en outre besoin de matières premières et d'un réseau de transport en activité, ce qui nécessite carburant et électricité. Or l'ampleur de la catastrophe force à des rationnements d'essence et à des coupures planifiées de courant à cause des dommages causés aux infrastructures et de l'arrêt de centrales nucléaires.

"Sony a stoppé ou réduit sa production sur huit sites, pendant l'évaluation des dommages et dans l'attente du retour de l'électricité", a annoncé le fleuron nippon de l'électronique, précisant que ces mesures affectaient la production de piles rechargeables, de CD, de DVD et de disques Blu-ray.

Panasonic, Fujifilm, Nikon, et Canon ont en outre tous fermé leurs usines dans les régions touchées par le séisme et le tsunami, entravant la production d'appareils photo numériques et d'objectifs.

Voitures et avions ne sont plus livrés

Toyota, le premier constructeur mondial d'automobiles a interrompu la production dans toutes ses usines, de lundi à mercredi. L'avionneur américain Boeing, qui se fournit au Japon, a indiqué lundi que l'évaluation de l'impact du désastre était en cours, ajoutant qu'aucun effet majeur n'avait été constaté sur les usines.

Boeing a cependant redouté des problèmes d'approvisionnement si la crise devait durer plusieurs semaines. Un tiers du fuselage de son Dreamliner 787 provient de sites industriels japonais qui se situent pour la plupart au sud de Tokyo et "n'ont pas souffert", a déclaré à l'AFP un porte-parole de Boeing. Il a indiqué que le Dreamliner 787, en retard de trois ans sur son calendrier initial, devrait respecter son objectif, fixant les premières livraisons au troisième trimestre, à la compagnie japonaise, All Nippon Airways (ANA).

"Le Japon a une meilleure capacité à réagir, il a retenu les leçons du séisme de Kobe (1995, quelque 6400 morts) et est une économie avancée", a jugé pour sa part Shiro Armstrong, spécialiste des économies est-asiatiques à l'Université d'Australie.

afp/ats/ant

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Une menace pour la croissance mondiale

Le terrible séisme qui a frappé la troisième puissance économique de la planète accroît les incertitudes sur la reprise mondiale, déjà fragilisée par l'envolée des prix du pétrole ou la crise de la dette européenne.

"L'impact de ce cataclysme sera très négatif sur l'économie mondiale" en général et sur "le secteur industriel chinois" en particulier, en raison du "rôle déterminant" de l'archipel nippon en Asie, affirme la maison de courtage Aurel BGC, parmi les plus pessimistes.

Selon elle, la conséquence la plus concrète pourrait être une "pénurie de certains composants ou pièces détachées" nécessaires aux industries de pays tiers. Dans l'électronique, la production de semi-conducteurs et de mémoires flash sont atteints, souligne-t-elle, évoquant par exemple une éventuelle limitation des ventes du nouvel iPad 2 d'Apple "faute de composants fabriqués dans cette zone".

Cette désorganisation intervient "au moment où on avait le sentiment que l'industrie manufacturière à travers le monde était plutôt sous pression et tournait à plein régime", explique à l'AFP Véronique Riches-Flores, de la Société générale. "Cela peut renforcer les pressions inflationnistes à court terme."

Tous les experts ne sont pas aussi alarmistes. "Il y a un sentiment généralisé que les catastrophes naturelles peuvent se révéler positives pour l'économie, car les travaux de reconstruction dopent la demande", notent les analystes de Capital Economics.

Avant la catastrophe, l'économie japonaise n'était déjà pas un moteur de la reprise mondiale: le produit intérieur brut (PIB) du Japon a même reculé de 1,3% au dernier trimestre 2010 en rythme annualisé. "Les autorités japonaises répondent rapidement en termes de soutien économique" et le Japon "représente à peine plus de 2% des exportations de la zone euro", se rassure aussi Chris Williamson, économiste de la société Markit, après l'intervention exceptionnelle de la banque centrale nippone.

Mais le séisme japonais vient ajouter un facteur d'incertitude aux menaces liées à la crise de la dette dans la zone euro, à un éventuel ralentissement économique aux Etats-Unis et en Chine, à l'instabilité des pays arabes et à l'envolée des prix du pétrole. Dans l'immédiat, Véronique Riches-Flores prévoit "un choc de demande additionnel sur l'énergie qui va faire grimper les prix du brut", déjà en plein envol.

Le Japon, troisième consommateur mondial d'or noir, doit trouver des sources d'énergie pour suppléer sa production d'électricité nucléaire partiellement à l'arrêt.

Les flux financiers pourraient aussi transmettre la secousse à l'économie mondiale. Les opérateurs s'attendent à ce que les Japonais, pour les besoins de la reconstruction, rapatrient des fonds investis à l'étranger, ce qui a fait momentanément grimper le yen lundi avant les mesures de la Banque du Japon.

"Les assureurs japonais pourraient vendre des obligations des États les mieux notés pour dégager des fonds", estime aussi la banque Unicredit. Or le Japon est, derrière la Chine, le deuxième détenteur de bons du Trésor américain, et s'est aussi engagé à acheter une bonne part de la dette émise par le fonds d'aide financière de la zone euro. Une vente importante de ces titres déstabiliserait les marchés obligataires et déboucherait sur une remontée des taux d'intérêt ce qui, in fine, risquerait d'entraver la reprise.