Face à la succession des crises financières, des bulles spéculatives, Andréa Maechler estime qu'"on apprend de nos erreurs". Pour elle, une des grandes faiblesses du système, qui a notamment contribué à la crise de 2008, c'était "des banques insuffisamment capitalisées et avec insuffisamment de liquidités". Ce problème a pour elle été relativement bien géré, et doit continuer à l'être à l'avenir.
Pour la vice-directrice de la Banque des règlements internationaux (voir premier encadré sur cet établissement), actuellement, les flux financiers circulent toujours plus dans le monde financier en dehors du système bancaire. "On parle ici non seulement de bitcoins ou de cryptomonnaies, mais aussi d'assurances, de hedges funds ou de marchés privés." Elle rappelle que ces "nouveaux acteurs qui ne sont pas régulés de la même manière". "C'est quelque chose qu'il faut vraiment suivre de très près", avertit-elle.
Apporter de l'attention à la régulation du secteur non-bancaire
Alors que le Comité de Bâle, hébergé par la BRI, s'occupe de la régulation des banques, avec un souci particulier de la stabilité financière mondiale, des instances dédiées au secteur non-bancaire comme le FSB, le Conseil de stabilité financier, également au sein de la BRI, suit notamment tout le domaine non-traditionnel.
L'élection de Donald Trump a entraîné dans son sillage le bitcoin, mais Andréa Maechler juge qu'il reste un "actif spéculatif", dans lequel on investit en espérant gagner. "Il va monter, il va descendre, personne ne sait dans quelle direction."
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La crypto n'est "pas une monnaie forte"
Andréa Maechler souligne que la crypto n'est "pas une monnaie forte": "on ne peut pas avoir un système monétaire basé sur une monnaie qui augmente". "La stabilité d'un système monétaire, c'est d'avoir des prix fixes", indique-t-elle.
Et la vice-directrice de la BRI rappelle que, contrairement aux banques, les cryptos et le monde financier n'ont pas accès aux liquidités assurées par les banques centrales. "Les banques régulières doivent avoir du capital et de la liquidité. Cela veut aussi dire qu'elles ont un accès direct à la liquidité des banques centrales."
Loin d'être un cadeau, "les banques paient cher" cet accès aux liquidités, mais c'est "un privilège impressionnant que d'autres n'ont pas, notamment les cryptos".
Propos recueillis par Pietro Bugnon
Adaptation web: Eric Butticaz
Que fait la Banque des règlements internationaux?
La Banque des règlements internationaux (BRI) a été créée en 1930 pour gérer les règlements des réparations imposées à l'Allemagne à la suite de la Première Guerre mondiale. Siégeant à Bâle, elle est la plus vieille institution financière mondiale. Elle a rapidement évolué, devenant une sorte de "banque des banques centrales". Elle prend des dépôts, mais ne fait aucun crédit ni règlement.
Andréa Maechler explique que la BRI fonctionne comme un "réassureur de liquidités". "On est la liquidité de dernière instance des banques centrales. Celles-ci peuvent créer leur argent en monnaie nationale, mais les crises se font de plus en plus de manière transfrontalière." Et de rappeler l'exemple de la crise de Credit Suisse: "Les banques centrales ont besoin aussi de devises, et souvent de très gros montants très rapidement. Nous pouvons alors aider avec notre propre liquidité".
Une coopération discrète mais efficace
La BRI soigne aussi particulièrement la coopération entre les banques centrales pour permettre des arrangements souvent très critiques dans les moments de crise. Il s'agit de "soutenir les banques centrales dans leur quête à maintenir la stabilité monétaire et financière dans leur pays". "Aujourd'hui, on peut de moins en moins le faire dans son propre territoire, sans coopération. Les marchés des capitaux sont énormes et ils sont interconnectés", explique Andréa Maechler.
La vice-directrice de la BRI insiste sur la plateforme d'échange et de dialogue que représente son institution, "qui inspire vraiment la réflexion, la confiance, la collaboration", d'une manière assez discrète, loin des feux médiatiques et politiques". Au contraire de rencontres sous l'égide Fonds monétaire international ou du Forum de Davos, les membres de la BRI sont uniquement les banques centrales et non les gouvernements.
Les dirigeants des banques centrales se retrouvent ainsi en moyenne cinq fois par an en personne à Bâle pour travailler autour des questions qui permettent de garder la stabilité monétaire et financière mondiale, notamment le développement économique, la dynamique de l'inflation, les marchés financiers ou la coopération.
Une forte inflation, mais un atterrissage en douceur
Au sortir de la pandémie de Covid-19, l'inflation a augmenté de manière très forte, mais "les banques centrales ont redressé les taux de manière impressionnante", rappelle Andréa Maechler. "Ca a très bien marché. Dans l'économie internationale, on s'attend à ce qu'on appelle un atterrissage en douceur. Ce n'est pas toujours facile, la croissance reste faible."
La vice-directrice de la BRI souligne que dans beaucoup de pays, "l'inflation est sous contrôle. Mais le niveau des prix est très haut". Aux Etats-Unis, depuis 2020, le niveau des prix a augmenté d'environ 20% en moyenne, alors qu'en Suisse, l'augmentation se limite de 3 à 6%.
"Les prix sont beaucoup plus hauts. Les banques centrales doivent s'attendre maintenant à plus de chocs inflationnistes et donc doivent être prêtes à réagir", prévient-elle.
Garder le contrôle sur l'inflation
La mission principale des banques centrales est de garder le contrôle de l'inflation. "On l'a vu, des prix qui grimpent, c'est mauvais pour tout le monde." Leur rôle unique consiste à "garder la confiance en l'argent", par trois aspects: garder le pouvoir de l'argent – savoir combien on peut acheter avec l'argent qu'on gagne; la stabilité financière – pouvoir épargner de l'argent; les systèmes financiers – pouvoir utiliser l'argent exactement quand on en a besoin. "Dans ces trois domaines, les banques centrales ont des mandats uniques qu'elles doivent garder."