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Née du sauvetage de Credit Suisse, la "controverse des AT1" devant les tribunaux

16 milliards de francs en jeu concernant les obligations AT1
16 milliards de francs en jeu concernant les obligations AT1 / La Matinale / 4 min. / le 6 juin 2023
Dans l'affaire Credit Suisse, l'une des plus grosses controverses juridiques concerne les détenteurs d'obligations "AT1", déclarées sans valeur du jour au lendemain lors du sauvetage de la banque. Les investisseurs lésés ont porté plainte auprès du Tribunal administratif fédéral.

Plus de 2500 investisseurs du monde entier détiennent des obligations de type Additional Tier 1 (AT1) de Credit Suisse, pour une somme totale de quelque 16 milliards de francs. Ce sont principalement d'importants investisseurs institutionnels. En Suisse, par exemple, la caisse de pension de Migros y a laissé quelques plumes, environ 100 millions de francs.

Cette décision des régulateurs financiers suisses fait polémique. D'une part car, en cas de faillite, il existe une hiérarchie juridique dans les personnes lésées. Et, traditionnellement, les détenteurs d'obligations ont la priorité sur les actionnaires. En contrepartie, la rémunération des obligations est moins élevée que les dividendes des actions.

Or, contrairement aux précédents sauvetages bancaires, ça n'a pas été le cas avec la chute de Credit Suisse: les actionnaires ont été dédommagés et recevront un titre d'UBS pour 22,48 actions Credit Suisse, tandis que les détenteurs d'obligations AT1 n'ont rien obtenu. Selon certains spécialistes, cette décision pourrait avoir des conséquences durables sur le marché des AT1 et donc le financement à long terme des banques européennes.

La seconde source de controverse provient directement des clauses du contrat obligataire, dans lequel figure la notion "d'événement de viabilité". Dans le jargon juridique, cela définit dans quelles circonstances l'annulation des obligations est justifiée. Et aux yeux de l'autorité de surveillance financière (FINMA), ces conditions sont remplies, en raison notamment de l'octroi d'une aide publique exceptionnelle.

Pas de garantie fédérale sur les dettes

Mais aux yeux de la caisse de pension de Migros et d'autres investisseurs lésés, ce n'est pas le cas. Ils ont donc porté plainte auprès du Tribunal administratif fédéral.

Si la justice devait leur donner raison, la charge des obligations serait en quelque sorte "réactivée" et c'est probablement UBS, en tant que successeur juridique de Credit Suisse, qui pourrait passer à la caisse. La banque pourrait alors devoir verser des milliards de francs d'intérêts, ce qui pourrait remettre en question jusqu'au rachat lui-même.

>> Lire à ce sujet : UBS devrait finaliser le rachat de Credit Suisse dès le 12 juin

D'autant que, selon l'avocat spécialiste du droit bancaire Philipp Fischer, les neuf milliards de francs mis en garantie par la Confédération ne devraient pas pouvoir être utilisés pour éponger ces dettes. "Selon la manière dont cela a été présenté (...), ces neuf milliards visent à couvrir les pertes qu'UBS pourrait subir sur le portefeuille d'actifs de Credit Suisse, dont la valeur est difficile à évaluer", expose-t-il mardi dans La Matinale.

Or, les obligations sont des dettes. "Donc à première vue (...), j'ai l'impression que la problématique des AT1 ne rentre pas dans ce périmètre-là."

La justice devrait donner raison à la FINMA

Ce scénario reste cependant très improbable. La justice devrait vraisemblablement donner raison à la FINMA. Mais les détenteurs d'obligations ont déjà annoncé la couleur: dans ce cas, ils pourraient se retourner contre la Confédération et l'attaquer notamment pour expropriation, dans le cadre d'une nouvelle procédure judiciaire.

Des cabinets d'avocats étrangers ont déjà menacé de le faire et il n'est pas exclu non plus que la justice américaine montre ses muscles d'une manière ou d'une autre.

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Cynthia Racine/jop

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