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Le cimentier Holcim présente ses ambitieux projets énergétiques pour 2030

La carrière du Mormont exploitée par le cimentier Holcim. [Keystone - Laurent Gillieron]
Holcim Suisse annonce des ''objectifs environnementaux'' pour 2030 / Le 12h30 / 2 min. / le 10 octobre 2022
Le cimentier Holcim Suisse a présenté lundi ses objectifs environnementaux pour 2030. Malmenée durant l'occupation de la colline du Mormont, l'entreprise veut se racheter une image et prouver que les mesures adoptées ne sont pas de "simples slogans".

Souvent considérée comme l'entreprise la plus polluante de Suisse, le cimentier Holcim a ouvert lundi ses portes aux médias à Eclépens (VD) pour expliquer ses efforts en matière de durabilité. Mais pour convaincre, le chemin est long, car l'industrie du ciment est responsable, au niveau mondial, de 8% des émissions de CO2, soit deux fois plus que l'aviation.

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"Nous voulons être mieux compris et mieux acceptés", a reconnu François Girod, le directeur de la cimenterie vaudoise, dans le journal de 12h30 de la RTS. Lassé par les accusations d'"écoblanchiment", il a affirmé que les mesures environnementales de son groupe n'étaient pas de "simples slogans", mais "des projets concrets aux bénéfices mesurables".

Ces mesures ne datent pas d'hier et ont été prises "bien avant la pression subie" par le groupe dans les médias ou face aux militants climatiques, tient à souligner l'entreprise. "Nous n'avons pas attendu Greta Thunberg avant d'agir!", a lancé François Girod.

Objectif zéro carbone en 2050

Le groupe zougois, champion suisse du ciment et dont Eclépens est l'une des trois usines du pays, a réduit ses émissions de CO2 de près de 40% depuis 1990, a relevé Stéphane Pilloud, directeur romand du secteur "granulats et bétons". Il faudra toutefois en faire beaucoup plus pour atteindre son objectif à long terme: devenir une entreprise à zéro émission nette de CO2 en 2050. A cette date, Holcim devra donc être en mesure de produire des matériaux de construction "climatiquement neutres et entièrement recyclables", a-t-il ajouté.

>> Lire aussi : Holcim poursuivi en justice pour sa responsabilité dans la crise climatique

Pour y parvenir, Holcim mise notamment sur l'économie circulaire, en réutilisant des matériaux issus par exemple d'un chantier. "L'idée consiste à revaloriser ce matériel et à le substituer aux ressources naturelles", a expliqué Stéphane Pilloud. L'idée est de multiplier par sept les tonnes de granulats recyclés (gravier et sable) dans sa gamme de bétons. Holcim compte aussi brûler divers types de déchets et de matériaux recyclés pour alimenter son four "plutôt que de brûler du pétrole", a complété François Girod.

Amélioration de la logistique, avec notamment un recours accru au train, production renforcée d'énergie photovoltaïque ou encore projet de géothermie profonde à Eclépens figurent parmi les autres "leviers" d'Holcim pour réduire son empreinte carbone.

Cuisson basse température pour le ciment

François Girod évoque aussi un projet-pilote "à l'échelle mondiale", en l'occurrence la construction d'un second four à Eclépens, dans lequel il serait possible de cuire la roche à plus basse température. "On y gagnerait beaucoup de CO2", a assuré le directeur du site, précisant que ce projet était actuellement bloqué par diverses oppositions (lire encadré).

Sachant que les deux tiers des émissions de CO2 sont liés à la cuisson de la roche - un processus inévitable pour produire du ciment -, Holcim ne pourra pas remplir ses objectifs sans un captage du carbone. "C'est un énorme défi, mais nous savons que cela est faisable techniquement", a avancé François Girod. Là aussi, un projet-pilote a été lancé, en collaboration avec l'EPFZ.

ats/vic

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Un projet crédible?

Au micro de l'émission Forum, Karen Scrivener, professeure au Laboratoire des matériaux de construction à l'EPFL, a décrit le projet de Holcim comme un plan "crédible", "assez bien" car consistant "à travailler sur plusieurs axes en même temps", bien qu'il n'y ait pas de "solution miracle avec le béton".

En effet, "d'un point de vue intrinsèque, c'est déjà un matériau qui a un bas impact de CO2", développe la spécialiste, un impact, selon elle, proportionnellement moins important que les métaux ou la terre cuite. "C'est juste parce qu'on utilise des quantités tellement importantes de béton qu'au total les effets sont conséquents", explique-t-elle.

"Pour cette raison, il n'y a vraiment pas de miracle, il faut fabriquer le béton avec les matériaux qu'on trouve le plus répartis sur la planète, développer des stratégies comme la substitution de fuel, la diminution de la quantité de clinker dans le ciment ou de la quantité de ciment dans le béton. Ces approches ont beaucoup de sens", défend Karen Scrivener.

Surutilisation du béton, substitution par le bois?

Elle évoque aussi le problème de la surutilisation du béton dans la construction, avec des immeubles composés de plus de 20% de béton, "plus que nécessaire" selon la professeure. Sur la question de l'usage du bois de construction, elle explique que, en théorie, "pour remplacer 25% du béton actuel avec le bois, il faudrait planter une nouvelle forêt de 1,5 fois la taille de l'Inde et attendre 30 ans qu'elle pousse". "Le bois est un très bon matériau, mais on ne peut pas vraiment en utiliser beaucoup plus qu'aujourd'hui", regrette-t-elle.

Si des efforts sont fournis sur toute la chaîne de production, Karen Scrivener défend qu'une baisse de 70% des émissions de CO2 du secteur serait envisageable. Une partie du CO2, inévitablement, devra être captée, réutilisée ou stockée.

>> Voir l'interview complète de Karen Scrivener dans Forum :

Karen Scrivener s’exprime sur le plan zéro carbone en 2050 annoncé par Holcim
Karen Scrivener s’exprime sur le plan zéro carbone en 2050 annoncé par Holcim / Forum / 4 min. / le 10 octobre 2022

Holcim jouera gros avec l'initiative "Sauvons le Mormont"

Les différents projets du cimentier Holcim à Eclépens restent suspendus à un arrêt du Tribunal fédéral sur l'extension de la carrière du Mormont. Cette extension, combattue en justice, l'a aussi été sur le terrain entre 2020 et 2021 lors de l'occupation de la colline par des activistes de la première "Zone à défendre" (ZAD) de Suisse.

>> Relire notamment : Peines légères et acquittements pour les activistes de la ZAD du Mormont

Cet arrêt du TF est "une épée de Damoclès", a reconnu François Girod. Selon lui, si la justice ne donne pas son feu vert à l'agrandissement de la carrière, Holcim n'aura pas de solution pour poursuivre son activité à Eclépens, encore moins pour atteindre ses objectifs en matière de durabilité.

Une société sans béton "irréaliste"

Outre cette décision de justice, Holcim jouera gros avec l'initiative "Sauvons le Mormont", sur laquelle les Vaudois devront voter et qui vise à inscrire la protection du site dans la Constitution cantonale.

>> Lire à ce sujet : La population vaudoise votera sur l'initiative pour protéger la colline du Mormont

François Girod a dit comprendre les préoccupations liées au Mormont et à l'industrie du ciment plus globalement. Mais selon lui, il est irréaliste de penser que la société puisse vivre totalement sans béton pour continuer à se développer.