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L'économie russe se prépare au pire malgré le ton rassurant de Moscou

L'inflation est à son plus haut en 20 ans en Russie. [Keystone/EPA - Maxim Shipenkov]
L'inflation est à son plus haut en 20 ans en Russie. - [Keystone/EPA - Maxim Shipenkov]
McDonald's disparu, pièces détachées à prix d'or, papier jauni: ces exemples ne sont que la partie émergée de l'iceberg des bouleversements qui commencent pour l'économie russe, malgré l'impression donnée de résister aux sanctions.

Selon les autorités russes, tout va mieux comparé aux premières semaines de l'offensive en Ukraine, lorsque le rouble s'effondrait et que l'inflation s'envolait. Elles affirment que la récession sera limitée à 8% en 2022 et que la croissance remontera la pente dès 2023 pour revenir dans le vert en 2024.

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Mais à y regarder de plus près, les dégâts s'annoncent lourds. Les douanes et la banque centrale ont cessé de publier les données mensuelles du commerce international, masquant l'effondrement. L'inflation, de près de 18% annuels en avril, est à son plus haut en 20 ans.

Tous les secteurs touchés

McDonald's va quitter définitivement la Russie en réaction à l'invasion de l'Ukraine. [Keystone/EPA - Yuri Kochetkov]

Des enseignes comme McDonald's ou Starbucks se retirent définitivement de Russie, tout comme l'industriel Renault.

Le site indépendant The Bell note qu'en avril les revenus tirés de la TVA domestique se sont écroulés de moitié et ceux des biens importés d'un tiers par rapport au même mois de 2021. Cela signifie que "les revenus de l'écrasante majorité des entreprises en Russie ont pris un coup", analyse Andreï Gratchev, expert fiscaliste au cabinet Birch Legal.

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"Des problèmes surgissent dans tous les secteurs, tant dans les grandes que dans les petites entreprises", avertissait fin avril la patronne de la banque centrale Elvira Nabioullina, citant des exemples saisissants: le manque de boutons, importés d'Europe, un problème pour "plusieurs mois".

Même chose pour le papier, "le bois est d'origine russe, mais les produits chimiques de blanchiment ont été importés". Déjà, dans de nombreux commerces ou services moscovites, les factures sont imprimées sur un papier beige.

Chômage et congés forcés

De son côté, le secteur du voyage est ravagé. Les Russes ne peuvent plus payer avec leurs cartes bancaires à l'étranger et les liaisons aériennes directes avec l'Europe sont coupées.

La côte russe de la mer Noire, haut lieu de villégiature, est devenue difficile d'accès à l'approche des congés estivaux, l'espace aérien y étant fermé pour cause de combats en Ukraine voisine.

Une baisse des revenus, combinée à l'inflation, réduira très profondément le revenu disponible des Russes

Chris Weafer, expert en finance et économie

Les données du ministère des Finances montrent, elles, que la structure de l'économie, après des efforts de diversification, a fait un bond en arrière: la part des revenus tirés de l'énergie passant de 28% en 2020 à 63% en avril 2022.

De la compagnie aérienne Ural Airlines aux usines d'Avtovaz, premier producteur de voitures du pays à l'arrêt faute de pièces détachées, des dizaines de milliers de personnes sont au chômage partiel ou en congés forcés.

Pour Chris Weafer, de la firme de conseil stratégique Macro-Advisory, "en mars-avril, les sanctions ont touché principalement le système financier", mais à partir de cet été la société en général sera frappée. "Une baisse des revenus, combinée à l'inflation, réduira très profondément le revenu disponible des gens", prédit-il.

Rediriger les exportations de pétrole

Actuellement, Moscou peut compter sur une rente énergétique record d'environ 25 milliards de dollars mensuels pour "faire fonctionner l'essentiel de l'économie", estime Chris Weafer.

Mais les dernières sanctions européennes, qui devraient voir les importations européennes de pétrole russe réduites de quelque 90% d'ici la fin de l'année, pourraient gêner l'Etat russe, le temps que les exportations soient redirigées vers d'autres destinations, ce à quoi Moscou se prépare depuis plusieurs mois.

Des sanctions visant le gaz seraient elles beaucoup plus destructrices pour l'économie russe.

afp/gma

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