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La Suisse veut refaire ses stocks de semences pour répondre aux crises

Les réserves de produits de première nécessité peuvent manquer en Suisse.
Les réserves de produits de première nécessité peuvent manquer en Suisse. / 19h30 / 2 min. / le 21 juillet 2021
En cas de crise planétaire, des réserves de produits de première nécessité peuvent manquer en Suisse. De grands changements climatiques par exemple pourraient ainsi toucher les semences, incitant les autorités suisses à reconstituer des stocks obligatoires, à commencer par le colza, actuellement tributaire de l'étranger.

Les semences sont parfois considérées comme de l’or vert. Grâce à elles, nous pouvons conserver, sélectionner et multiplier notre nourriture végétale. Mais depuis les années 1990, la Suisse importe de l'étranger les semences nécessaires à la culture de nombreuses plantes. Parmi ces graines importées, il y a celles du colza dont l’huile est très importante pour notre système alimentaire. Cette situation de dépendance vis-à-vis de l'étranger embarrasse le Conseil fédéral, qui a décidé le mois dernier de reconstituer des stocks.

Cette décision a été prise après la publication d'une étude sur la résistance de la Suisse en cas de crise dans le domaine des semences. L'Office fédéral pour l'approvisionnement économique (OFAE) a conclu que le colza, qui n'est ni sélectionné, ni multiplié en Suisse, représentait de nombreux risques.

"La perception des risques a changé. Après la fin de la Guerre froide, on pensait qu'il n'y avait plus de risque de pénurie, que le commerce international allait fonctionner sans entrave. Ces dernières années, la situation a un peu évolué. Et la pandémie a très bien montré qu'il y avait des risques d'approvisionnement", affirme Stefan Menzi, chef suppléant de la section stockage à l'OFAE.

Risque financier

Comme pour tous les stocks obligatoires en Suisse, ce sont des acteurs privés qui devront entreposer ces précieuses graines. Parmi eux figure le groupe Fenaco/Landi, actuellement l'un des plus grands importateurs du pays. Dans ses entrepôts de Moudon (VD), la firme stocke déjà quelques centaines de tonnes de maïs, de céréales et de mélange fourrager, sur une base volontaire.

Pour Lukas Aebi, le chef des ventes chez Semences UFA (le secteur commercial de Fenaco), il est très important d'avoir une certaine sécurité pour le futur: "Nous l'avons vu ces derniers temps, la météo fait le yoyo plus rapidement ou intensément que dans le passé, nous devons avoir une certaine avance là-dessus, une certaine sécurité. C'est très important", avance-t-il.

Ces réserves actuelles ne permettent toutefois pas de résister plus d'une année à une situation de pénurie. Personne ne critique donc ici l'idée de reconstituer des stocks plus variés et importants. Même si cette autonomie croissante comporte aussi des risques, comme le rappelle Lukas Aebi: "Stocker des semences représente pour nous un risque financier assez important. Car c'est du vivant. D'une année à l'autre, les semences peuvent perdre leur capacité germinative. Si cela arrive, il faut tout détruire".

Des semences standardisées

Outre les risques de pénurie, la dépendance à l'étranger s'avère problématique pour la qualité de la production. Car ces semences étrangères sont standardisées, et donc pas toujours adaptées à la terre ou au climat dans lequel elles devront grandir.

Les scientifiques de l'Agroscope de Changins à Nyon (VD) maintiennent en vie depuis plus de 100 ans un précieux trésor. Il s'agit de toutes petites réserves, mais qui représentent une énorme biodiversité constituée de près de 13'000 variétés locales de céréales et légumes.

"Dans le futur, beaucoup de défis vont nous attendre au niveau alimentaire: il y a la quantité, la qualité, le transport, l'énergie ou la santé. En cas de problème, il suffit de venir ici, de sortir des graines, les planter et voir si l'on retrouve les caractéristiques recherchées", note Beate Schierscher, ingénieure agronome.

Cet avenir riche en incertitudes rend aujourd'hui le patrimoine végétal et son stockage toujours plus important. Le Conseil fédéral vise l'été 2022 pour reconstituer des réserves de colza, avant d'étendre peut-être cette obligation à d'autres espèces vitales en cas de crise.

Christophe Ungar / fme

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