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Les livraisons de repas dans le collimateur du gendarme de La Poste

Le marché des livreurs de repas est dans le collimateur de la Postcom qui saisit la justice pour qu'ils soient protégés
Le marché des livreurs de repas est dans le collimateur de la Postcom qui saisit la justice pour qu'ils soient protégés / T.T.C. (Toutes taxes comprises) / 4 min. / le 23 novembre 2020
Alors que les livraisons de repas sont en pleine expansion, le régulateur du marché postal veut mettre au pas leur modèle économique - un service effectué par des livreurs au statut d'indépendant via une application de type Uber Eats.

En ville, on les voit partout: les livreurs de repas, en scooter, en voiture ou à vélo, sont plus actifs que jamais en cette période de fermeture des restaurants.

La plupart sont indépendants, leur activité n’est donc pas encadrée. Une situation qui déplaît au régulateur du marché postal qui, pour y mettre le holà, demande aux applications de livraison de nourriture de s’inscrire, dès maintenant, auprès de la commission fédérale de La Poste (PostCom).

La PostCom les considère en effet comme des livreurs de colis. "Une pizzeria qui fait ses propres livraisons n'est pas concernée par la législation PostCom", précise sa présidente Géraldine Savary, lundi dans l'émission TTC. "Les entreprises qui transportent de la nourriture pour quelqu'un d'autre relèvent en revanche du marché postal", indique la Vaudoise.

Atteindre le salaire minimum de la branche

L’opération vise les plateformes telles que Uber Eats, Smood ou Eat.ch. Le but est de les soumettre au salaire minimal en vigueur dans la branche, soit 18,27 francs de l'heure, pour un maximum de 44 heures par semaine.

"La PostCom aura une personne supplémentaire pour s'occuper de cela, pour rappeler de façon polie aux entreprises de livraison de repas qu'elles doivent s'enregistrer", indique Géraldine Savary. Et si ces dernières ne comprennent pas le message poli, la PostCom lancera des procédures pénales et administratives pour qu'elles s'enregistrent et respectent les conditions de travail, fait savoir la présidente.

La menace est ferme et vise le modèle d’affaires des applications de livraisons de repas.
Leur ligne est simple: les livreurs sont indépendants, et les applications ne fournissent qu’une technologie qui met en relation livreurs et restaurants.

Flexibilité mise en avant

"Notre objectif est de travailler avec les autorités pour réussir à définir un modèle où les coursiers puissent être indépendants et garder la flexibilité dont ils ont envie", explique de son côté Kamilla Lambotte, directrice d'Uber Eats Suisse Belgique.

La responsable met en avant une étude d'Uber Eats selon laquelle cette flexibilité est recherchée par 70% des coursiers, un chiffre par ailleurs étayé par les statistiques de l'entreprise, qui emploie majoritairement des étudiants ou des personnes qui occupent un autre emploi à plein temps.

Uber Eats mène déjà des batailles sur son modèle d’affaires. L’entreprise a déposé un recours contre le jugement d’un tribunal genevois, qui considère l’entreprise comme un employeur, et les livreurs sont à présent salariés via une société externe.

>> Lire : Genève met fin aux contrats précaires pour les livreurs d'Uber Eats

"Ce qu'on voit à Genève, c'est que 80% des coursiers qui utilisaient l'application avant ne peuvent plus l'utiliser, parce que cette société n'a pas les moyens d'engager autant de coursiers que ce qui était le cas auparavant", déplore Kamilla Lambotte.

Le but du régulateur est de transformer les applications de livraison de repas en entreprises modèles, à l'instar du service de livraison La Vélopostale, qui achemine des colis depuis 13 ans. Elle est inscrite auprès de la commission de la Poste et salarie ses employés.

Secteur en plein boom

"Il est très important qu'il y ait des exigences au niveau fédéral pour que tous les travailleurs du secteur soient protégés, peu importe ce qu'il y a comme livraison dans leur sac", abonde Laurent Sommer, directeur de La Velopostale. Même si les services de livraison ne se valent pas tous, pour des raisons évidentes. "Les clients viennent chez nous parce qu'on leur assure d'avoir des coursiers sélectionnés, formés, équipés, et qui vont respecter la confidentialité de leur envoi", fait-il valoir.

Mais que ce soit pour le transport des lettres de valeurs ou de repas chauds, les clients font partie de l’équation. Côté livraison de repas, le statut des livreurs ne semble pas leur poser de problème, à en croire les chiffres de l’application Uber Eats en Suisse, qui a vu les ventes des restaurateurs exploser de 600% au deuxième trimestre 2020 par rapport à l’an dernier.

>> Lire aussi : Les livreurs de repas ont du travail plein les bras avec le Covid à Genève

"Je pense que nous devons absolument nous occuper de la question du transport de marchandise", appuie Géraldine Savary. "Il y a énormément de questions qui se posent sur ce nouveau secteur en pleine expansion, et il serait bien que le législateur prennent le problème à bras-le-corps", estime l'ancienne sénatrice socialiste.

En attendant d’éventuelles nouvelles règles sur ces nouveaux modèles d’affaires, la bataille continuera à coups d’avocats et de recours devant les tribunaux.

Loïs Siggen-Lopez/kkub

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