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Une VW expertisée en Suisse explose les normes d'oxyde d'azote malgré la mise à jour logicielle

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Après le Dieselgate, Volkswagen devait mettre à jour ses véhicules. Mais un test mené en Suisse sème le doute. / 19h30 / 2 min. / le 7 octobre 2020
Une expertise d'un véhicule ordonnée par la justice genevoise révèle des émissions d'oxyde d'azote (NOx) dépassant de 37% la norme antipollution, révèle mercredi la RTS. Elle sème le doute sur la conformité de tous les véhicules diesel mis à jour après le scandale des moteurs truqués.

Depuis l'éclatement du scandale des moteurs truqués en 2015, les véhicules concernés en Europe et aux Etats-Unis ont été rappelés afin d'obtenir une mise à jour de leur logiciel. En Suisse, quelque 130'000 véhicules étaient impactés par ce "dieselgate".

Cette mise à jour logicielle n'a pas suffi à apaiser le propriétaire d'une VW Touran TDI, immatriculée à Genève. En 2016, il lance une action civile contre AMAG et Volkswagen et demande non seulement des dommages et intérêts, mais aussi l'invalidation de la vente du véhicule.

"Seconde tricherie"

Dans le cadre de ce procès, le Tribunal de première instance de Genève mandate la société d'expertise DTC pour effectuer notamment des mesures d'émissions de gaz d'échappement du véhicule. Testée trois fois à 248, 231 et 233 mg/km, les émissions d'oxyde d'azote crèvent le plafond de 180 mg/km fixé par les normes Euro 5, auxquelles la Suisse s'est soumise. Soit un dépassement allant jusqu'à 37%.

"C'est la preuve que l'on se trouve devant une seconde tricherie", affirme Jacques Roulet, l'avocat du propriétaire de la VW Touran, dans le 19h30.

Résultat de l'expertise du Touran en cause.
Résultat de l'expertise du Touran en cause.

Le véhicule est non seulement inapte à la circulation, mais il jette aussi le doute sur la conformité de tous les véhicules diesel mis à jour après le scandale des moteurs truqués, soit quelques dizaines de milliers de voitures en Suisse: "AMAG, l'importateur de Volkswagen en Suisse, nous a promis que ces rappels remettaient les véhicules en ordre et qu'ils répondaient aux normes. Si on nous a menti pour un véhicule, il n'y a pas de raison qu'on ne nous ait pas menti pour l'ensemble des véhicules impactés par ce scandale", considère l'avocat genevois.

Ce tournant dans l'affaire judiciaire genevoise a de quoi embarrasser l'Office fédéral des routes (OFROU), responsable de l'application des normes antipollution sur les routes suisses. Pour Jacques Roulet, les autorités devraient ordonner la mise hors service de tous ces véhicules.

Un cas unique, selon AMAG

Interrogé, l'Office fédéral des routes ne se prononce pas, "ce cas faisant encore actuellement l'objet d'une procédure judiciaire". De son côté, l'Office cantonal genevois des véhicules, où est immatriculée la VW Touran, juge ce résultat inquiétant et attend la position de l'OFROU pour prendre d'éventuelles mesures.

Quant à l'importateur de VW en Suisse AMAG, il se dit "surpris" que les résultats d'une procédure en cours se soient retrouvés entre les mains de journalistes. "Nous avons pris note des résultats. Sur les causes, nous ne pouvons pas nous prononcer sans faire vérifier le véhicule par des experts Volkswagen. Malheureusement, la partie adverse ne nous le permet pas", souligne le porte-parole d'AMAG Dino Graf.

Pour le constructeur, il s'agit d'un cas unique. "Volkswagen AG aimerait comprendre comment on a pu arriver à un tel écart, autant sur les gaz d'échappement que sur la puissance. Mais malheureusement, la partie adverse s'y oppose", insiste le porte-parole.

Poser la question d'une interdiction générale de la catégorie à laquelle appartient ce véhicule est qualifié de disproportionné par le concessionnaire.

Voiture entretenue chez AMAG

Le TCS ne souhaite pas non plus tirer des conclusions générales à partir d'un cas particulier, n'ayant pas analysé le véhicule dans ses laboratoires. Mais le porte-parole de l'association Laurent Pignot avance certaines possibilités: "des émissions anormalement élevées peuvent être dues à un défaut, à l'âge ou aux conditions d'entretien du véhicule".

L'avocat genevois soutient que le véhicule daté de 2013 a été parfaitement soigné. "J'ai ici le carnet d'entretien dans les mains, qui atteste d'un suivi chaque 2 ans, comme cela est prescrit. Surtout, mon client l'a entretenu chez AMAG à Genève, il est donc parfaitement dans les normes."

Tests à large échelle

Aujourd'hui, le test effectué par DTC pourrait inquiéter les propriétaires d'une voiture du même type. Comment les rassurer? "Pour savoir si tous les véhicules répondent encore aux normes, il faudrait lancer des tests à large échelle au niveau national. Cela aurait évidemment un coût logistique et économique assez important", répond le porte-parole du TCS.

Pour sauter ce pas, il faudrait une décision politique. Mais les autorités se renvoient la balle. Celles du canton de Genève à l'OFROU, tandis que l'OFROU se "réfugie derrière des contrôles effectués par le KBA", l'autorité d'homologation allemande, que toute l'Europe a reprise, conclut l'avocat genevois.

Pascal Jeannerat et Feriel Mestiri

>> Les précisions de Pascal Jeannerat dans le 19h30 :

Pascal Jannerat : "Cette affaire sème le doute sur des centaines de milliers de véhicules."
Pascal Jannerat : "Cette affaire sème le doute sur des centaines de milliers de véhicules." / 19h30 / 1 min. / le 7 octobre 2020
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