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Lukas Mühlemann: motus et bouche cousue

Lukas Mühlemann, discret, s'est contenté de rejeter les accusations
Lukas Mühlemann, discret, s'est contenté de rejeter les accusations
L'audition des 19 accusés du procès Swissair s'est conclue vendredi par le silence de l'ex-patron du Credit Suisse. Après trois semaines, des interrogations demeurent, alors que tous les accusés ont plaidé non coupable.

Pour le Ministère public, les dirigeants de SAirGroup savaient
que la situation financière du groupe était désastreuse. Il les
accuse de ne pas avoir pris les mesures nécessaires pour éviter la
débâcle marquée par le grounding du 2 octobre 2001 et d'avoir
privilégié la filiale SAirLines au détriment d'autres compagnies du
groupe.

Mais au final, le plus grand procès économique de l'histoire
helvétique n'aura pas dégagé de grandes révélations. Au cours des
13 jours d'auditions, les principaux accusés ont surtout tenté de
se réhabiliter, à l'image de Mario Corti, le dernier patron de
SAirGroup, de mars à octobre 2001.

Guerre des chiffres

Muni d'une documentation précise, il a attaqué l'accusation et
le rapport d'experts sur lequel elle se base. Pour lui, le groupe
n'était pas surrendetté et les parties saines du groupe comme
Nuance ou Gate Gourmet permettaient de rééquilibrer la situation.
Mais les attentats du 11 septembre 2001 ont précipité la débâcle et
les banques, en particulier l'UBS, ont conduit au grounding.



Philippe Bruggisser, directeur de 1997 à janvier 2001 et
responsable de la «stratégie du chasseur» élaborée après le non à
l'Espace économique européen, s'est lui aussi livré à une guerre
des chiffres, estimant que l'accusation se trompe sur le plan
comptable. De son avis, le groupe n'était pas surendetté à son
départ.

«Reproches sans fondement»

Vendredi, comme les autres administrateurs, Lukas Mühlemann a
plaidé non coupable aux accusations de gestion déloyale et de
diminution de l'actif de SairGroup au préjudice des créanciers.
Dans une courte déclaration précédant les questions du tribunal, il
a affirmé: «Les reproches de l'accusation sont sans
fondement».



«Je suis aujourd'hui encore pleinement convaincu que nous n'avions
pas d'autres alternatives» que de restructurer SairGroup et de
recapitaliser la compagne aérienne belge Sabena, détenue à près de
50% par le groupe. M. Mühlemann a ajouté: «Nous avons toujours agi
exclusivement dans l'intérêt de SairGroup». «Pour quelles autres
raisons sinon?», a-t-il demandé. Dix-neuvième et dernier accusé à
comparaître dans ce procès, l'expatron du Credit Suisse s'est
exprimé en dialecte, alors que la langue utilisée par le tribunal
est le «hochdeutsch».

Sabena: pas de pression belge

Concernant la recapitalisation de Sabena, Lukas Mühlemann a
déclaré: «Nous devions nous laisser toutes les options ouvertes,
dans l'objectif notamment de pouvoir nous désengager plus tard de
la compagnie». Contrairement à Eric Honegger, ancien président du
conseil d'administration, M. Mühlemann n'a pas évoqué de pression
de la Belgique et du Conseil fédéral en relation avec les accords
bilatéraux. Début 2001, SairGroup a injecté 150 millions d'euros
dans la compagnie belge, au bord de la faillite.



Sabena a fait naufrage quelques mois plus tard. La restructuration
du groupe au printemps 2001 avec l'assainissement du bilan de
SairLines, surendettée, était aussi nécessaire, de l'avis de Lukas
Mühlemann. Ne pas le faire aurait eu «des conséquences
incalculables». Selon l'accusation, cette opération a lésé
SairGroup de plus de 1,1 milliard de francs.



ats/sun

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Riche retraité

Lukas Mühlemann, qui a fait partie du conseil d'administration de 1995 à mars 2001, a répondu aux questions personnelles.

Officiellement «retraité», il assume encore quelques mandats ici et là pour la banque et travaille comme consultant.

L'ex-patron du Credit Suisse n'a toutefois pas voulu confirmer les chiffres avancés par le président du tribunal sur son salaire annuel et sa fortune, soit respectivement près de 2 millions de francs et 60 millions.

En relation avec SairGroup, il fait l'objet de poursuites dans sa commune d'Erlenbach, sur la côte dorée du lac de Zurich.

Reprise du procès le 15 février

L'audience de vendredi a clos la première partie du procès, qui a vu comparaître 19 accusés en trois semaines.

La plupart du temps, le président du tribunal a posé ses questions dans le vide. Visiblement énervé au début, il s'y est peu à peu habitué, a-t-il confié à l'ATS.

Parmi les administrateurs, seul Eric Honegger, Thomas Schmidheiny et Mario Corti ont répondu aux questions sur les points de l'accusation.

Le procès se donne maintenant deux semaines de pause. Il reprend le 15 février avec les réquisitoires du procureur et des avocats des plaignants.

Puis, la défense prendra le relais du 22 février au 9 mars. Le tribunal veut rendre son jugement «le plus vite possible».