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La BNS fait tourner la planche à billets, mais gare à l'inflation

La façade de la BNS à Berne. [Keystone - Peter Klaunzer]
La BNS a commencé à faire tourner la planche à billets, y a-t-il un risque d'inflation? / La Matinale / 1 min. / le 14 avril 2020
Crise oblige, la Banque nationale suisse crée de l'argent pour soutenir l'économie. Pour éviter le risque de dérapage inflationniste, elle refuse toutefois de pratiquer la politique de "l'hélicoptère" en distribuant de l'argent à fonds perdu, sans pouvoir le rééponger ensuite.

La quantité de francs en circulation augmente depuis deux mois environ. La croissance s’est même accélérée en mars, selon les données de la BNS. Depuis peu, la banque centrale met aussi des milliards de francs à disposition des banques pour financer leurs prêts d’urgence aux PME. Mais cette création monétaire soutenue a aussi un coût.

La création de monnaie peut produire de l’inflation, c'est-à-dire, dans le pire des cas, une augmentation incontrôlée des prix. Quand les banquiers centraux modifient leur politique, ils savent que l’inflation réagira en conséquence, avec un retard d’environ un an et demi. Or, les banques centrales ont pour mandat principal d’assurer la stabilité des prix.

Rééponger la monnaie

Si la situation donne le tour et que l’activité reprend ces prochains mois, les prix vont-ils déraper? "Si la BNS ne fait rien à ce moment, alors nous aurions une pression à la hausse sur les prix", explique mardi dans La Matinale Cédric Tille, professeur d’économie à l’Institut de hautes études internationales et du développement, à Genève.

"Mais la politique monétaire peut très bien, à ce moment, faire l’inverse de ce qu’elle a fait jusqu’à présent, c’est-à-dire de réduire la quantité de monnaie. Donc conceptuellement, la monnaie qui est créée, ce n’est pas une monnaie qui n’est plus récupérable: ce que la BNS créée, elle peut le rééponger", poursuit-il.

"Ne pas céder à la pratique de l'hélicoptère"

La BNS peut, par exemple, se faire rembourser les prêts accordés aux PME par les banques. Pour Cédric Tille, c’est parce qu’elle a cette possibilité de rééponger, que la BNS ne doit pas céder face à ceux qui l’appellent à pratiquer l’hélicoptère monétaire, c’est-à-dire de créer des francs pour les distribuer à fonds perdu.

"Prenons, pour faire simple, que ce soient des billets physiques qu’on a donnés à la population. On ne peut pas rappeler les gens ensuite et leur demander de redéposer les billets. Le transfert a eu lieu. Et donc il peut très bien y avoir une situation dans le futur où il y a trop de monnaie en Suisse. On n’arriverait plus ou très difficilement à rééponger. Et là, on pourrait avoir un dérapage inflationniste."

C’est pour ça que la BNS refuse l’hélicoptère monétaire. Pour Cédric Tille, elle n’envisagerait une telle mesure qu’en dernière extrémité, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.

Guillaume Meyer

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