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"Pour que la BNS sorte du fossile, il faudra le décider politiquement"

Andrea Maechler, membre de la direction de la BNS. [Keystone - Marcel Bieri]
La BNS, vers une politique d'investissement plus éco-responsable? Interview d'Andréa Maechler / Forum / 10 min. / le 23 janvier 2020
La Banque nationale suisse (BNS) ne peut pas décider par elle-même de ne plus investir dans les énergies fossiles, explique dans Forum Andréa Maechler, membre de la direction générale de la banque centrale. Selon elle, la BNS ne fait que suivre les décisions politiques de la Suisse.

Alors que des scientifiques du monde entier ont demandé à Davos l’arrêt des investissements dans les énergies fossiles, Andréa Maechler a expliqué jeudi dans Forum que la BNS n'est de son côté pas libre de prendre une telle décision.

"Notre bilan doit refléter les normes et les valeurs de la Suisse, qui sont définies par le cadre légal du pays, soit les sanctions, les conventions ou les accords que la Confédération a signés. Ainsi, pour que la BNS bannisse les investissements dans le fossile, il faudra d'abord que la Suisse prenne politiquement cette décision", détaille-t-elle.

Des règles à respecter

La politique d'investissements de la BNS doit en effet respecter des règles bien particulières. Afin de rester le plus neutre possible, elle doit appliquer une gestion passive de ses investissements et se contente de répliquer des indices financiers. En un mot, elle achète ce que le marché achète.

Notre bilan doit refléter les normes et les valeurs de la Suisse, qui sont définies par le cadre légal du pays

Forum Andréa Maechler, membre de la direction générale de la BNS

Néanmoins, la BNS applique tout de même depuis 2013 les critères ESG (environnement, social et gouvernance) pour ses placements en action. Ainsi, elle exclut les entreprises qui produisent des armes prohibées, celles qui violent des droits humains ou qui causent de manière systématique de grave dommage à l’environnement.

Manque de méthodologie

Des consultants externes notent les entreprises potentiellement problématiques et proposent à la BNS de les exclure de son portefeuille, et la BNS donne ensuite son aval ou pas. Andréa Maechler explique cependant qu'il manque une méthodologie générale, applicable à tous les cas.

"Dans l’état actuel, certains experts vont dire qu'une compagnie est verte alors que d'autres diront qu'elle est brune. Et nous, ce dont nous voulons être sûrs, c'est que notre bilan reflète les valeurs fondamentales de la Suisse."

Andréa Maechler est malgré tout très attentive aux problématiques du changement climatique: "Nous devons comprendre comment le changement climatique impactera l'économie suisse, pour ajuster notre politique monétaire en fonction. Par exemple, on doit être en mesure d'anticiper les conséquences financières qui pourraient découler d'un manque de neige dans les Alpes."

Sujet radio: Tania Sazpinar et Cynthia Racine

Adaptation web: Antoine Schaub

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Sortie du taux négatif pas prévue

Interrogée à propos du taux négatif, Andréa Maechler reconnaît que c'est "une politique non conventionnelle qui s'assortit de gros défis", et promet que la BNS en sortira "dès que possible". Elle est néanmoins dans l'incapacité de donner une date de sortie. "Actuellement, ce n’est pas possible. Sans le taux négatif, les défis seraient encore beaucoup plus nombreux."

Mais, selon Andréa Maechler, il faut différencier le taux négatif imposé par la BNS des taux à long terme. "Le taux négatif est un taux à très court terme, que nous pouvons influencer et que nous influons justement pour réduire l’attractivité du franc suisse. Mais ce qui est beaucoup plus préoccupant pour les épargnants et les investisseurs institutionnels comme les caisses de pensions, ce sont les taux à long terme. Et ces taux-là sont le résultat de phénomènes globaux, structurels. Ils ont baissé progressivement depuis les années 80, et la politique monétaire ne peut pas contrer cela à elle seule."