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Hong Kong est fragilisée, mais sa place financière reste solide

HSBC va supprimer 10'000 emplois supplémentaires. [Keystone - Vincent Yu]
A Hong Kong, les manifestations qui perdurent ne semblent n'avoir qu'un impact modéré sur le monde de la finance. - [Keystone - Vincent Yu]
Depuis maintenant plus de 6 mois, les manifestations battent leur plein à Hong Kong. Avant ces événements, la ville était surtout connue pour être la première place financière d'Asie. Un statut que certains pensent en péril. Pourtant, le secteur fait actuellement mieux que résister.

Selon le Global Financial Centres Index, autorité de référence qui établit chaque année un classement des principales places financières mondiales, la ville de Hong Kong était sur la troisième marche du podium en mars 2019, derrière Londres et New York et devant Singapour.

Pas moins de 103 facteurs sont pris en compte pour établir cet index mais cinq critères apparaissent comme principaux: l'environnement pour les affaires, le développement du secteur financier, les infrastructures, le capital humain et la réputation.

Après les manifestations de masse, les scènes de violence urbaine, l'occupation successive des lignes de métro, de l'autoroute, de l'aéroport puis des universités, la confiance semble rompue entre le gouvernement et une large frange de la population. Une tendance confirmée lors des élections locales de novembre qui ont vu les citoyens de Hong Kong préférer, à une très large majorité, des candidats pro-démocratie à ceux de l'establishment pro-Pékin.

>> Ecouter également l'analyse des résultats des élections locales dans Tout un Monde :

Les candidats pro-démocratie hongkongais remporteraient près de 90% des sièges à pourvoir. [Reuters - Adnan Abidi]Reuters - Adnan Abidi
Les candidats pan-démocrates se dirigent vers une victoire écrasante aux élections locales à Hong Kong / Tout un monde / 3 min. / le 25 novembre 2019

Il n'est dès lors plus illogique de penser qu'à terme, la place financière pourrait subir certaines conséquences de cette période de tensions. Le tout étant de savoir dans quelles mesures.

Le débat sur l'avenir économique de la place s'est ouvert

Lorsque Hong Kong a été rétrocédée à la Chine en 1997 au terme d'un accord sino-britannique, la région administrative spéciale comptait pour près de 20% du PIB chinois. Après une période de croissance sans précédent en Chine continentale, ce taux est tombé à 3% au cours des dernières années. Pourtant, malgré cette baisse significative, la ville a réussi, grâce à un système légal et judiciaire distinct de celui de Pékin et à une approche beaucoup plus libérale, à rester une place économique et financière de premier plan, qui lui vaut encore le surnom de "Perle de l'Asie".

La zone économique est parvenue jusqu'alors à garder son rôle de pont entre la Chine et le reste du monde, facilitant aux investisseurs étrangers l'accès au marché chinois et inversement l'accès au marché international pour les investisseurs chinois.

Mais le mouvement de contestation sans précédent qui a commencé au cours de l'été 2019 semble susceptible de rabattre certaines cartes qui ont fait le succès de Hong Kong. Devant l'ampleur de la mobilisation, un débat sur l'avenir économique de la ville s'est ouvert, allant des prévisions les plus pessimistes à une relative prudence.

La fin de la position spéciale de Hong Kong ?

A travers deux notes de blog rédigées aux mois d'août et d'octobre 2019, Dan Harris, fondateur du cabinet d'avocats international Harris Bricken, expliquait ainsi que "la position spéciale de Hong Kong était terminée". D'après lui, si les changements ne seront pas forcément visibles à court terme, ils restent néanmoins inéluctables.

L'avocat d'affaires américain estime par ailleurs que l'entrée en jeu inévitable, à un moment ou à un autre, de l'armée chinoise, transformera Hong Kong en une place très différente d'ici deux ans et la rendra à peine reconnaissable dans les cinq années à venir.

Et d'inviter alors ses clients à préférer désormais d'autres places comme Singapour et Bangkok pour leurs affaires en Asie, à mettre en place des plans d'évacuation pour leur personnel présent dans l'ex-colonie britannique et à refuser de continuer à utiliser les clauses d'arbitrage de Hong Kong.

>> Lire également : L'instabilité politique fait souffrir l'économie à Hong Kong

Ce pessimisme prononcé est pourtant loin de faire l'unanimité parmi les acteurs économiques de la place.

Des employés de bureau assistent à une manifestation anti-gouvernement depuis une passerelle surélevée, dans le quartier d'affaires de Central, le 14 novembre 2019. [Reuters - Athit Perawongmetha]
Des employés de bureau assistent à une manifestation anti-gouvernement depuis une passerelle surélevée, dans le quartier d'affaires de Central, le 14 novembre 2019. [Reuters - Athit Perawongmetha]

Dans un article publié à la mi-novembre, le quotidien économique australien Australian Financial Review décrivait plutôt un attentisme mesuré de la part des quelque 100'000 résidents australiens de la mégalopole.

Selon la revue spécialisée, les compagnies australiennes ont commencé à avoir des préoccupations d'ordre sécuritaire au cours des derniers mois et certains grands groupes, en particulier les banques, ont élaboré un protocole de sécurité pour leurs employés, sous conseil d'avocats. La situation est néanmoins loin du vent de panique. Seuls quelques employés ont décidé de quitter le territoire et selon le journal, il n'existe aucune preuve qu'une grande entreprise australienne se prépare à partir.

La rue et le monde des affaires ne se mélangent en effet que très peu. C'est ainsi que le quotidien explique en partie un certain détachement des grandes institutions étrangères, isolées dans un quartier spécifique, où il est souvent incroyable de voir à quel point la vie peut rester ordinaire, à quelques pâtés de maison seulement parfois d'une zone d'affrontement entre policiers et manifestants.

Economie fragilisée, finance résiliente

A Hong Kong, les mois de contestation ont eu une influence considérable sur les résultats économiques de la ville. Selon les statistiques gouvernementales, les ventes de détail ont chuté de près de 24% au mois d'octobre 2019, par rapport à 2018, soit la plus forte baisse mensuelle jamais enregistrée.

L'office du tourisme de Hong Kong évoque quant à lui 3,31 millions arrivées de touristes sur la même période, ce qui constitue une baisse de 43,7% par rapport au mois d'octobre 2018.

Pour la première fois en dix ans, le centre financier asiatique est entrée dans une récession au troisième trimestre, le PIB ayant reculé de 2,9% entre juillet et septembre 2019, par rapport à il y a un an.

Dans ces conditions, le gouvernement hongkongais a annoncé au début du mois de décembre un plan de relance de 511 millions de dollars, ce qui porte à 3,2 milliards l'aide apportée au cours des quatre derniers mois par la région administrative spéciale, un soutien avant tout dirigé vers les transports, le tourisme et la vente de détail.

Entrée en bourse de Budweiser, géant américain de la brasserie, à Hong Kong, le 30 septembre 2019. [Reuters/CNS - Zhang Wei]
Entrée en bourse de Budweiser, géant américain de la brasserie, à Hong Kong, le 30 septembre 2019. [Reuters/CNS - Zhang Wei]
L'entrée en bourse du groupe chinois Alibaba à Hong Kong, le 26 novembre 2019. [Reuters/Stringer - China Stringer Network]
L'entrée en bourse du groupe chinois Alibaba à Hong Kong, le 26 novembre 2019. [Reuters/Stringer - China Stringer Network]

Mais le marché boursier de la ville ne semble pas être sensiblement perturbé par ces événements. Au cours des derniers mois, il y a bien eu un ralentissement des affaires, un attentisme qui a vu certains grands groupes patienter avant de prendre des décisions importantes. Mais cette situation semble désormais passée. En témoigne les deux introductions à la bourse de Hong Kong des groupe Budweiser et du géant du commerce en ligne chinois Alibaba.

La confiance semble être de retour et tout indique que Pékin continuera à tout mettre en oeuvre pour préserver au mieux son joyau financier.

Dans la ville, le business n'est donc pas près de s'arrêter. Au début du mois d'octobre, un banquier ayant requis l'anonymat avait déjà très clairement expliqué cela à l'agence Reuters: "Je ne crois pas avoir reçu un seul coup de fil disant qu'on ne devrait pas effectuer une introduction en bourse en raison des événements à Hong Kong".

Mais quelque chose semble tout de même avoir changé. Un initié suisse de la place l'explique à la RTS en ces termes: "La réalité est simple. On a rappelé au monde que Hong Kong n'est pas un pays et qu'elle n'a pas de souverainté."

Questionné pour connaître son sentiment sur l'avenir de la place, l'individu décline, tout en laissant un message clair: "La politique de ma compagnie et du gouvernement est stricte. Je ne veux pas risquer de perdre mon job et mon visa. C'est trop délicat d'en parler de l'intérieur. Je vis désormais en Chine."

Tristan Hertig

Timeline Hong Kong

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Les Etats-Unis, une épée de Damoclès en papier ?

Les dernière décisions politiques américaines ne semblent pas non plus avoir entaché la confiance envers la place financière de Hong Kong. Le 28 novembre dernier, le président américain Donald Trump a promulgué l'acte de 2019 sur les droits humains et la démocratie à Hong Kong (en anglais, le Hong Kong human rights and Democracy Act).

La loi permet désormais de sanctionner à titre individuel des membres du gouvernement de Hong Kong dans le cas où ils iraient "à l'encontre des libertés fondamentales et du principe d'autonomie" définis dans la Constitution de la Région administrative spéciale.

Dans le pire des cas, Washington pourrait aller jusqu'à retirer le statut économique spéciale dont jouit Hong Kong dans la juridiction américaine. C'est ce dernier point qui pourrait faire office de véritable levier d'action.

A Hong Kong, les manifestants pro-démocrates ont fêté bruyamment l'adoption de cette loi, mais le monde de la finance de la ville ne semble pas du tout inquiet. Il apparaît en effet très improbable que les Etats-Unis décident prochainement de déclasser Hong Kong dans leur législation.