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2e pilier: la baisse des rentes devant le peuple

Les caisses de pension semblent avoir redressé la tête.
Jeune ou vieux, tout le monde est concerné par la baisse du taux de conversion.
Les rentes du 2e pilier pourraient fondre comme neige au soleil d'ici 2016, au nom de l'allongement de l'espérance de vie. Mais le peuple aura le dernier mot sur l'abaissement du taux de conversion dans la prévoyance professionnelle (LPP). Le verdict est attendu le 7 mars.

La révision de la LPP vise à accélérer la baisse du taux de
conversion déterminant la future rente au gré du capital accumulé
au fil des années de travail. Ce facteur, qui est aujourd'hui de 7%
pour les hommes et de 6,95% pour les femmes, serait réduit par
étapes jusqu'à atteindre 6,4% en 2016.

Avec un taux de conversion de 6,4%, un capital de prévoyance
professionnelle de 100'000 francs n'équivaudrait plus qu'à une
rente annuelle de 6400 francs. Actuellement, pour le même avoir du
2e pilier, un homme touche 600 francs de plus, soit 7000 francs par
an, tandis qu'une femme perçoit 6950 francs.

Non au "vol des rentes"

La première révision de la LPP, en vigueur depuis 2005, prévoit
déjà une réduction progressive à 6,8%, en 2013 pour les femmes et
en 2014 pour les hommes. La gauche et les syndicats, estimant que
cette première étape suffit à couvrir l'allongement de l'espérance
de vie, ont lancé un référendum contre la nouvelle révision.



Ils ont été rejoints dans le camp des opposants par des magazines
de défense des intérêts des consommateurs. La démarche a eu un
large écho: plus de 200'000 signatures ont été récoltées en 100
jours, soit quatre fois plus que la quantité requise pour faire
aboutir un référendum.



La Lega, le Mouvement des citoyens genevois et les Démocrates
suisses se sont eux aussi associés à la fronde. Les milieux
référendaires s'insurgent contre le "vol des rentes" des assurés de
la LPP. Pour eux, l'abaissement du taux de conversion servira
surtout les intérêts des assureurs vie et autres instituts de
prévoyance à but lucratif.



Ces assurances "ont fait d'excellentes affaires avec nos caisses
de retraite et ont engrangé des milliards de francs de bénéfices et
de frais d'administration", écrivent les syndicats dans la brochure
des votations fédérales. A leurs yeux, le vieillissement de la
population, déjà invoqué pour justifier l'abaissement en cours, n'a
quasiment pas changé en cinq ans.

Faire face au vieillissement

Le Conseil fédéral, les partis de
droite et les assureurs misent pourtant sur cet argument pour
défendre la révision de la LPP. Au nom de la solidarité entre
générations, il faut aller plus loin si l'on veut éviter que les
jeunes ne doivent payer pour les retraités, plaide ainsi le
conseiller fédéral Didier Burkhalter.



Autre thèse invoquée par les partisans de la baisse des rentes,
l'affaissement des rendements à long terme attendu sur les marchés
financiers. Le maintien du statu quo nécessiterait un rendement
d'environ 4,9%, un résultat impossible à obtenir avec des
placements sûrs, selon le gouvernement et les assureurs.



Si le oui l'emporte le 7 mars, le taux de conversion devrait
reculer rapidement et de manière linéaire. Le rythme exact sera de
la compétence du gouvernement. Ce dernier pourra en outre revoir le
taux de conversion tous les cinq ans au lieu de tous les dix ans à
l'avenir.



Seul le domaine obligatoire du 2e pilier (part du salaire annuel
entre 20'520 et 82'800 francs) est concerné par la révision. Les
caisses de pension sont libres de couvrir le reste du revenu et de
fixer d'autres paramètres, plus ou moins généreux. Elles peuvent
aussi choisir, théoriquement, de maintenir un taux de conversion
plus élevé de ce que prescrit la loi.

Baisse des rentes d'un quart?

A côté de la baisse de ce facteur, les assurés de la LPP sont
confrontés à d'autres paramètres impliquant un tassement de leurs
rentes. Si la révision passe la rampe, le taux d'intérêt technique
servant d'hypothèse de calcul pour déterminer la rémunération du
capital finançant le versement des rentes devrait reculer de 0,2
point à 3,8%, correspondant à des rendements attendus de
4,3%.



Ce taux technique ne doit pas être confondu avec le taux d'intérêt
minimal rémunérant les avoirs des assurés. Celui-ci stagnera à 2%
en 2010, le Conseil fédéral ayant renoncé à relever ce taux.



Les analystes estiment que les employés en fin de carrière
pourraient perdre jusqu'à un quart de leur rente et les jeunes un
tiers avec la réduction de tous les facteurs en question. Le
Conseil fédéral estime pour sa part que le but du deuxième pilier
n'est pas remis en cause, puisque les retraités devraient continuer
de toucher environ 60% de leur revenu antérieur en cumulant AVS et
LPP.



ats/dk

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La crise de 2008 plombe les caisses

Le taux de conversion du 2e pilier ne dépend pas seulement de la démographie et de l'épargne, il est également lié au rendement des placements, bien plus aléatoire. Ces dix dernières années, les rendements ont ainsi été de 9,21% inférieurs aux objectifs de la loi.

Pour garantir les rentes, les quelque 2400 caisses de pensions doivent chaque année atteindre un rendement minimal. Celui-ci est actuellement de 4,8%, selon des données de la branche, en tenant compte d'un taux d'intérêt minimal de 2% et du taux de conversion à 7%.

Avec la baisse de ce dernier à 6,4%, comme demandé lors de la votation du 7 mars, et un taux d'intérêt minimal semblable, le rendement exigé ne serait plus que de 4,3%. Depuis 1999, le rendement moyen des quelque 600 milliards de capital est de 3%, mais il chute à 1% si l'on ne tient compte que des huit dernières années.

Selon Swisscanto, il faut chercher l'explication dans les crises de 2001, 2002 et 2008. Le rendement cette année-là était négatif (- 12,7%). L'an dernier, le rendement moyen des caisses a explosé à près de 11%, selon des estimations de l'Association suisse des institutions de prévoyance (ASIP) et l'indice des caisses de pensions du Credit Suisse.

Cela ne compense toutefois pas les années de vaches maigres. Depuis 2000 déjà, de nombreuses institutions de prévoyance sont en sous-couverture en raison de la chute des marchés financiers. Cela signifie qu'elles ne pourraient pas toutes remplir d'un seul coup leurs obligations.

Les caisses de pensions n'ont pas toujours choisi les placements les plus sûrs. En 2008, année de récession, elles sont revenues à des investissements plus ordinaires, dans les obligations, selon le Credit Suisse et Swisscanto, qui collectent et supervisent les données de 270 institutions rassemblant au moins 60% des assurés.

Les obligations représentaient quelque 40% des investissements et les actions environ 20%. Les placements alternatifs (hedge funds, matières premières, private equity) ont légèrement grimpé pour les établissements privés (7%) et régressé pour les institutions publiques (4,7%). Les investissements immobiliers se montaient à 17% en moyenne. Les caisses ont aussi recouru aux hypothèques et à d'autres actifs.