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Le marché mondial du gaz s'effondre, les Suisses n'en profiteront pas

Le projet de gazoduc Nord Stream 2 doit accélérer l'acheminement de gaz russe vers l'Allemagne à partir de 2019. [Reuters - Christian Charisius]
Les Suisses ne profitent pas de la baisse du prix du gaz sur le marché mondial / La Matinale / 4 min. / le 31 juillet 2019
Quatre millions de foyers français ont reçu une bonne nouvelle: leur facture de gaz va diminuer dès le 1er août grâce, notamment, à la chute du cours mondial du combustible. Les Suisses, eux, n'en voient pas la couleur.

En Suisse, 20% des habitations sont chauffées au gaz. Mais contrairement à la France, la facture n’a pas diminué cette année, alors que la quasi-totalité du combustible dans notre pays est acheté à l’étranger.

Des clients captifs

En France, les autorités - mises sous pression par les récents mouvements sociaux - imposent aux fournisseurs une baisse du prix du gaz, dès que le prix baisse sur le marché, explique Stéphane Genoud, spécialiste de l'énergie à la HES-SO en Valais. En Suisse, le mécanisme n’est pas le même. "Tous les petits distributeurs décident eux-mêmes de la politique tarifaire, donc on ne pourrait pas imposer un tarif", précise le chercheur valaisan.

Or, les petits consommateurs en Suisse ne peuvent pas faire jouer la concurrence. Seuls les gros clients industriels – 400 entreprises environ - ont conclu une convention avec l’industrie pour choisir leur source d'approvisionnement. Les PME et les propriétaires, eux, n'ont pas le choix: ils achètent leur gaz chez l’exploitant local, souvent aux mains des villes et des communes.

Le prix élevé du transport

La faîtière suisse, Gaz Energie, rappelle que les fournisseurs achètent leur combustible auprès de sources différentes, dans le cadre de contrats à long terme notamment, pour des raisons de sécurité. Le prix de la molécule de gaz ne représente finalement qu'une part minime du prix facturé au consommateur, au contraire du transport qui représente plus de la moitié du prix. C’est sur cette part que les exploitants prennent les marges les plus importantes, selon le surveillant des prix.

"Nos enquêtes ont montré que les fournisseurs demandent souvent des indemnités trop élevées pour l’utilisation de leur réseau et qu'ils attendent des rendements trop élevés. Nous sommes donc convaincus que sur la centaine de fournisseurs, quelques-uns pourraient baisser leur prix et obtenir des bénéfices raisonnables", analyse Simon Pfister, chef de service.

Le surveillant des prix a déjà dû intervenir à plusieurs reprises pour réclamer des baisses de tarif. Et des enquêtes sont encore en cours.

Changement en perspective

Mais le marché suisse pourrait bientôt se libéraliser. La commission de la concurrence (COMCO) a ouvert pour la première fois cette année une enquête contre deux fournisseurs de gaz en Suisse centrale sur demande d'une entreprise soutenue par UBS. Une procédure qui rappelle celle qui avait précédé l’ouverture du marché de l’électricité.

"Le marché de l’électricité s’est ouvert par une décision du Tribunal fédéral. Migros avait déposé plainte contre Groupe E pour obtenir le droit de transiter de l’énergie sur le réseau électrique du fournisseur fribourgeois. C’est exactement le parallèle que l'on peut faire avec le marché du gaz", explique Stéphane Genoud. Or à l’époque le marché de l’électricité s’était ouvert de "manière anarchique", suite au verdict du Tribunal fédéral, poursuit-il. "Donc le Conseil fédéral a tout intérêt à accélérer sa décision pour mettre un cadre légal autour de tout ça", avant la décision de la Comco.

Le Conseil fédéral devrait justement mettre en consultation sa loi sur l’approvisionnement en gaz cet automne.

Sandrine Hochstrasser/jfe

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