Une autre Afrique

Grand Format

Introduction

L'Afrique comptera la plus importante main-d'oeuvre de la planète d'ici 2050 et représentera un quart de la population mondiale. A côté des problèmes politico-ethniques, qui continuent de gangrener une partie du continent, une jeunesse bouillonnante d'idées façonne une économie en plein développement, basée principalement sur les nouvelles technologies. En quelques années, l'Afrique est devenue le terreau d'un nombre incalculable de start-up. Les géants du web multiplient aussi leur présence sur ces marchés, qui se transforment en véritables centres d'innovations.

Chapitre 1
L'Afrique, terre de start-up

L'intérêt des investisseurs étrangers pour les start-up sur le continent africain n'est pas nouveau. Mais il croît de façon remarquable.

L'an dernier, 146 start-up de 19 pays africains ont levé plus d'un milliard de dollars (presque autant en francs suisses). Soit près du double des investissements de 2017, selon le rapport du fonds d'investissement Partech.

Les fonds affluent en majorité dans les secteurs de la Fintech (21%), du solaire (21%) et du e-commerce (19%).

Les femmes y jouent un rôle important. Elles représentent 27% des créateurs d'entreprises. Un taux plus élevé que sur les autres continents.

Le Kenya, l'Afrique du Sud et le Nigéria sont déjà considérés comme des hubs à start-up. A eux trois, ils totalisent 75% du volume des levées de fonds opérées en Afrique.

>> A voir, l'ascension africaine, en images et en chiffres :

L'ascension africaine en chiffres
L'actu en vidéo - Publié le 25 juin 2019

Des petites start-up innovantes...

Le Ghana compte bien participer à cet élan. Selon le Fonds monétaire international, il s'agirait de l'économie à la croissance la plus rapide au monde cette année. Concernant le dynamisme de ces start-up, le pays talonne le trio de tête.

Parmi ces jeunes pousses figurent de petits acteurs prometteurs, comme Cowtribe. Cette société assure une aide logistique afin de fournir des vaccins pour les animaux auprès des agriculteurs mal desservis.

Les agriculteurs peuvent commander des antibiotiques pour les animaux via l'app de Cowtribe. [RTS]
Les agriculteurs peuvent commander des antibiotiques pour les animaux via l'app de Cowtribe. [RTS]

Grâce à l'application de Cowtribe, les agriculteurs peuvent commander des antibiotiques via leur smartphone. Pour Alima Bawah, la cofondatrice de la start-up, la technologie peut changer l'Afrique: "Au début, on voulait juste résoudre un problème majeur qui touche notre communauté, mais on s'est rendu compte qu'il y a avait aussi une opportunité économique".

Pour trouver des investisseurs, cette trentenaire a participé à des compétitions internationales, comme Seedstars à Lausanne. Un succès qui lui a rapporté un million de francs.

"Contrairement à la Fintech, qui parvient à lever beaucoup d'argent, il était difficile d'obtenir des fonds pour des start-up agricoles en Afrique. Maintenant, la dynamique a changé", ajoute Alima Bawah.

Et des start-up comme celle-ci, il en existe des milliers d'autres sur le continent.

...aux champions du e-commerce

En 7 ans, Jumia est devenu le champion du e-commerce sur le continent. On l'appelle l'Amazon africaine, entrée le mois dernier à la Bourse de New York. C'est une première pour une start-up africaine.

Un scooter de livraison de Jumia, surnommé l'Amazon africain. [RTS]
Un scooter de livraison de Jumia, surnommé l'Amazon africain. [RTS]

Fondée en 2012 au Nigeria, l'entreprise est présente dans 14 pays avec des entrepôts gigantesques.

De grands groupes comme Orange ou Goldman Sachs figurent parmi les investisseurs de la société, qui a réalisé un chiffre d'affaires de 145 millions de francs en 2018.

La force de Jumia est de livrer tout et partout, même dans les zones les plus reculées. L'entreprise compte aujourd'hui 4 millions de clients sur un territoire de 660 millions de personnes. Le potentiel de développement est donc énorme, dans une Afrique hyperconnectée.

"Pour que les start-up se développent en Afrique, il faut beaucoup d'éléments: des entrepreneurs, des fonds financiers, des compétences. Au cours des prochaines années, d'autres entreprises comme Jumia vont éclore et montrer au monde qu'en Afrique, il se passe des choses. Il faut juste donner un peu de temps", souligne le Français Sacha Poignonnec, cofondateur de Jumia, rencontré entre deux avions à Nairobi.

L'accès au financement reste le plus grand obstacle pour le développement des petites et moyennes entreprises en Afrique, en raison de la difficulté d'obtenir un prêt des banques. Suivent le manqué d'électricité et le climat politique.

>> Voir le reportage du 19h30 :

Suite de la série une autre Afrique: le boom des start up.
19h30 - Publié le 28 juin 2019

Chapitre 2
Les villages connectés

RTS

Le continent est en plein essor numérique et beaucoup de pays africains misent sur les nouvelles technologies pour développer leur économie. De la finance à l'éducation en passant par la santé, de nombreuses applications sont créées pour combler le déficit d'infrastructures du continent et répondre aux aspirations des jeunes technophiles.

Ces nouvelles technologies s'invitent donc naturellement dans le quotidien des habitants, pour faciliter leurs paiements, fournir de l'électricité dans les foyers ou comme outil d'apprentissage dans les écoles.

Dans la petite ville de Siakago, à quatre heures de route de la capitale kenyanne Nairobi, Judith Njery fait ses courses, sans prendre de cash. Elle paiera avec son téléphone portable et la transaction se fait par simple sms. Sa banque, c'est son opérateur téléphonique. "D'abord, c'est plus sûr. Ensuite, c'est facile", explique la quarantenaire.

Du kilo de tomates à la facture d'électricité, tout se paie aujourd'hui par M-Pesa (M pour mobile et pesa, pour argent, en swahili). Ce système de microfinancement et de transfert d'argent par téléphone mobile a été lancé en 2007 au Kenya. Aujourd'hui, près de la moitié du PIB du Kenya transite par ce système.

Judith Njery vient de faire ses courses avec son téléphone. [RTS]
Judith Njery vient de faire ses courses avec son téléphone. [RTS]

Il est désormais utilisé par plus de 22 millions de personnes (chiffres 2016), soit plus de 70% de la population adulte.

Le système s'est étendu à de nombreux autres pays africains, comme le Mozambique, la RDC, l'Egypte ou le Ghana, mais aussi à l'extérieur du continent, en Inde, en Afghanistan et en Roumanie.

Cet outil est devenu un pilier de l'économie kényane et a révolutionné le quotidien de tous les Africains. Surtout ceux vivant dans les endroits les plus reculés.

Des panneaux solaires

Des panneaux solaires sont posés sur le toit de cette maison. [RTS]
Des panneaux solaires sont posés sur le toit de cette maison. [RTS]

Le paiement mobile a permis notamment au solaire d'exploser. Grâce aux paiements échelonnés (le "pay-as-you-go"), les ménages modestes ont pu s'équiper en photovoltaïques.

C'est le cas de Judith Njery. Elle et son mari vivent de leurs récoltes pour élever leurs cinq enfants. Chez eux, il n'y a pas de réseau électrique, ni d'eau courante, mais des panneaux solaires.

Son installation simple lui permet de charger deux téléphones, d'alimenter quatre lampes et même de brancher une télévision.

"Avant, nous devions acheter de la paraffine pour les lampes à huile, mais parfois on n'en trouvait pas et on restait dans le noir. Maintenant, on économise de l'argent et on n'a plus besoin de courir pour trouver de l'électricité. On a la nôtre", se réjouit Judith Njery.

Cette économie de temps, d'énergie et d'argent lui aurait permis d'augmenter son revenu d'un quart.

Selon des estimations, seuls 10% des foyers du continent africain sont reliés à l'électricité dans les milieux ruraux. L'arrivée du solaire représente donc une véritable révolution.

Des tablettes à l'école

A quelques kilomètres de Siakago, dans une école située au pied du Mont Kenya, les tablettes comblent le manque de livres.

Chaque élève est fourni d'une tablette. [RTS]
Chaque élève est fourni d'une tablette. [RTS]

"Avant on avait un livre par classe, on n'arrivait pas à suivre le cours", raconte Caroline, une élève de 13 ans.

Dorénavant, tous les élèves ont une tablette contenant chacune, non pas un, mais une multitude de livres, jusqu'ici inaccessibles.

Cet équipement ultra moderne est rendu possible grâce à des sponsors privés, mais aussi par la volonté du gouvernement.

Désormais le digital fait partie intégrante du système scolaire. Une nécessité sur un continent où 60% de la population a moins de 25 ans. L'accès à l'éducation et la formation à la technologie sont donc parmi les plus grands défis de ces prochaines années.

>> Voir le reportage du 19h30 :

Série sur l'Afrique, premier épisode: les nouvelles technologies se sont invitées dans la vie quotidienne.
19h30 - Publié le 24 juin 2019

Chapitre 3
Les géants du web à la conquête de l'Afrique

En 2050, l'Afrique devrait représenter un quart de la population mondiale. Un potentiel qui n'a pas échappé aux géants américains comme Google, Facebook ou Microsoft.

Des GoogleLabs essaiment un peu partout. Le géant vient même d'ouvrir son premier centre d'intelligence artificielle d'Afrique à Accra, dans la capitale ghanéenne.

Moustapha Cissé, directeur du centre d'intelligence artificielle d'Afrique. [RTS]
Moustapha Cissé, directeur du centre d'intelligence artificielle d'Afrique. [RTS]

Son jeune directeur Moustapha Cissé est un Sénégalais âgé de tout juste 30 ans. Il nous reçoit dans ce centre, qui ressemble aux 17 autres dans le monde, mais avec une touche africaine en plus.

"Dans la santé, par exemple, l'intelligence artificielle peut être un catalyseur et aider à accélérer des découvertes et à résoudre certains problèmes plus facilement. Elle a donc tout à fait sa place et je pense même qu'elle a beaucoup plus de potentiel ici qu'ailleurs", affirme-t-il.

Connecter les zones reculées

Outre ce centre d'intelligence artificiel, Google s'est notamment fixé l'objectif de former 100'000 codeurs africains ces cinq prochaines années.

Actuellement, seuls 35% des Africains ont accès à internet (contre 48% en Asie, 67% en Amérique latine, 85% en Europe et 95% en Amérique du Nord). Avec un cadre légal de plus en plus rigide en Europe et aux Etats-Unis, les géants technologiques américains se tournent vers l'Afrique, où tout est possible.

Microsoft l'a compris il y a 6 ans, en lançant une initiative spécifique pour l'Afrique. Sa directrice a été classée parmi les Africains les plus influents au monde: "L'Afrique est un marché en devenir. C'est pour cela que nous investissons ici. Il y a aussi cette jeunesse bouillonnante et il y a des décideurs plus tournés vers les affaires pour en faire profiter les citoyens. Donc c'est vraiment une opportunité pour des entreprises du secteur privé comme nous", souligne Amrote Abdella, directrice de Microsoft4Afrika.

Amrote Abdella, directrice de Microsoft4Afrika. [RTS]
Amrote Abdella, directrice de Microsoft4Afrika. [RTS]

Un réservoir mondial d'ingénieurs en informatique

Les investissements de Facebook ne sont pas en reste. Bien qu'il ait renoncé à la conception de drones solaires destinés à fournir un accès internet à la population, le réseau social a tout de même investi 24 millions de francs rien que chez Andela. Cette entreprise forme des centaines d'ingénieurs en informatique, qui travaillent ensuite depuis Nairobi, au Kenya, pour des entreprises situées dans le monde entier.

De quoi résoudre l'un des principaux problèmes des géants de la technologie: "Notre succès tient au fait qu'il y a un manque d'ingénieurs informatiques en Afrique et dans le monde. Nous pouvons le combler", se réjouit Janet Maingi, manager d'Andela au Kenya.

En quatre ans, Andela a évalué plus de 100'000 candidats et embauché un millier de développeurs de logiciels pour le compte de centaines d'entreprises. Elle dispose de campus technologique au Kenya, mais aussi au Nigeria, en Ouganda et au Rwanda.

>> voir le reportage du 19h30 :

Suite de la série Afrique: les jeunes représentent un potentiel pour les géants du web.
19h30 - Publié le 25 juin 2019

Ces talents sont payés la moitié, voire un quart de moins qu'un ingénieur aux Etats-Unis. Mais leur campus n'a rien à envier à la Silicon Valley. Tout y est gratuit et pensé pour que les ingénieurs se sentent le plus confortable possible.

Loice Andia, ingénieur informaticienne chez Andela. [RTS]
Loice Andia, ingénieur informaticienne chez Andela. [RTS]

"Les bureaux sont ouverts 24h sur 24. On peut venir travailler n'importe quand. Alors ils font en sorte qu'on se sente bien. Ils nous offrent les repas et les transports si on doit quitter le travail tard dans la nuit", explique Loice Andia, ingénieur informaticienne.

La jeune femme travaille de 16h à minuit pour être à l'heure des Etats-Unis, où se trouve son employeur.

Elle se dit prête à tout pour faire partie de cette révolution technologique: "Nous sommes en train de construire ici en Afrique une Silicon Valley encore mieux que la véritable Silicon Valley. Et c'est nous qui sommes en train de la dessiner. C'est excitant, car on part de zéro."

Chapitre 4
La fin des expats, l'essor des repats

Depuis quelques années, l'Afrique connaît un phénomène inédit: après des décennies de fuites des cerveaux, on assiste désormais au retour de la diaspora. Ces revenants sont surnommés les repats. Ce sont des personnes de tous âges, qui ont grandi ou fait leurs études en Europe ou en Amérique du Nord et qui choisissent de tenter leur chance dans leur pays d'origine pour y faire carrière ou monter leur entreprise.

"L'Afrique a placé du capital humain ailleurs que sur ses terres et est prête à en récolter les dividendes", résume Hamid Bouchikhi, professeur à l'Essec.

Parmi ces nombreux repats, le Suisse Jeffrey Provencal, 32 ans, est né et a grandi à Zurich. Jusqu'ici, le Ghana était uniquement une destination de vacances. Mais il y a trois ans, il a décidé de s'installer dans le pays de ses ancêtres pour monter sa propre entreprise. Il a réussi le pari de monter l'une des premières entreprises de recyclage du pays.

Jeffrey Provencal, un Suisse "repat" au Ghana. [RTS - Delphine Gianora]
Jeffrey Provencal, un Suisse "repat" au Ghana. [RTS - Delphine Gianora]

"C'est bizarre, rien ne fonctionne comme on le pense. Mais tout fonctionne", affirme Jeffrey Provencal. Le choc culturel n'a pas été évident pour ce Suisse allemand: "J'ai toujours pensé que je n'étais pas suisse, mais quand je suis venu ici, j'ai réalisé que je le suis plus que beaucoup de mes amis en Suisse. Maintenant, je deviens de plus en plus ghanéen..."

Comme Jeffrey Provencal, les Africains sont nombreux à tenter l'expérience d'un retour aux racines, prôné un peu partout dans les rues d'Accra. Le Ghana a lancé une opération séduction envers les membres de sa diaspora, en proclamant l'année 2019 "The year of return", soit l'année du retour.

Le Ghana a décrété 2019, l'année du retour des expatriés. [RTS]
Le Ghana a décrété 2019, l'année du retour des expatriés. [RTS]

Chasseurs de repats

Cap sur Abidjan, en Côte d'Ivoire. Le pays connaît une croissance annuelle de 8%, soit l'un des taux les plus élevés du continent en 2017. Il devient donc de plus en plus attractif pour ses propres ressortissants.

Thierry et Paule Koffi ont grandi dans la capitale ivoirienne, avant de partir étudier et travailler en France pendant une douzaine d'années. Il y a un an et demi, ils décident de revenir au pays.

"On a tendance à dire ou à croire que le défi est moins grand. C'est le contraire. Mon travail ici est beaucoup plus exigeant que celui que j'avais en France", soutient Paule Koffi, employée dans une banque internationale.

"Etant donné que les choses sont en construction ici, ça laisse des perspectives d'évolution professionnelle beaucoup plus importantes", ajoute Thierry, employé dans un grand groupe agro-alimentaire.

>> Voir le reportage du 19h30 :

Série Afrique: les "repats", la diaspora africaine qui revient dans le pays d'origine.
19h30 - Publié le 27 juin 2019

C'est dans le poumon économique d'Abidjan que l'on trouve la plupart des entreprises nationales et multinationales, qui recrutent de plus en plus de repats. Aujourd'hui, des cabinets de recrutement se sont même spécialisés dans ce type de profils.

Avec Africsearch, Joël-Eric Missainhoun en a fait son métier: "L'avantage pour les entreprises d'engager un repat plutôt qu'un expatrié, est d'abord financier. Le repat va coûter moins cher. Ensuite, le repat est cultuellement attaché au pays ou à la région dans laquelle il atterrit. Il aura donc plus de facilité d'adaptation et d'intégration", explique l'avocat de formation.

Un accélérateur de carrière

Du côté des repats, ils recherchent surtout une meilleure qualité de vie dans leur pays d'origine. Les jeunes bien formés accéderont rapidement à un poste de dirigeant, alors qu'ils auraient eu du mal à trouver un travail à la hauteur de leurs études en Occident. D'autre part, la volonté d'apporter sa contribution à l'expansion du pays est une autre motivation au retour.

Alors qu'il y a encore 10 ans, les postes à responsabilité étaient réservés aux expatriés, aujourd'hui en Côte d'Ivoire, toutes les grosses entreprises sont dirigées par des Africains.

Mais le marché n'est pas encore prêt à satisfaire toutes les ambitions: "Les futurs arrivants sont le plus souvent à la recherche de postes de directeur juridique, ou administratif financier, de manager ou de top management. Or [...] le marché de l'emploi ivoirien recherche davantage d'ingénieurs, de techniciens, d'assistants de direction, ou de comptables", explique Fanta Traoré, fondatrice du cabinet de recrutement Empower Talents & Careers.

>> L'interview de Catherine Fiankan Bokonga dans le 19h30 :

Catherine Fiankan Bokonga " Il y a tout un dynamisme aujourd'hui. Il y a une volonté politique de vouloir changer les choses."
19h30 - Publié le 27 juin 2019

Chapitre 5
L'Ethiopie, nouvel atelier du monde

RTS

L'Ethiopie figure dans le top cinq (derrière l'Egypte, l'Afrique du Sud, la République du Congo et le Maroc) des pays africains qui ont bénéficié le plus d'investissements étrangers en 2018, avec 3,3 milliards de francs, selon le dernier rapport de la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (Cnuced).

Avec plus de 100 millions d'habitants, ce pays est le deuxième plus peuplé d'Afrique. Il ambitionne de transformer son économie, essentiellement agraire, en économie industrialisée.

Considérée comme la nouvelle usine du monde, l'Ethiopie a enregistré une augmentation de 51% des exportations textiles depuis 2012. La stratégie du gouvernement pour réussir cette transformation économique est la création de parcs industriels, qui poussent comme des champignons et attirent d'importants investissements, particulièrement chinois. Le pays compte déjà six parcs, mais le gouvernement en prévoit une trentaine pour 2025.

L'un des derniers en date a été inauguré en octobre 2018, dans la ville d'Adama. Une seule société s'y est installée pour l'instant: Antex, une entreprise chinoise qui fabrique des vêtements pour l'Europe et les Etats-Unis. Quelque 4000 personnes y travaillent 8h par jour, six jours par semaine.

Ce sont des jeunes femmes, pour la plupart, en quête d'un avenir meilleur. Shito Omer a quitté l'école à l'âge 10 ans. Elle était domestique de maison avant d'être embauchée à l'usine: "Je suis arrivée ici et j'ai trouvé directement ce travail. C'était très facile".

Dans ce gigantesque open space, tout est importé de Chine, même le drapeau éthiopien. Les règles sont strictes: on se déplace en ligne, les allers-venus sont contrôlés et à chaque chaîne de production, un employé chinois est présent pour surveiller les ouvriers.

>> Voir le reportage du 19h30 :

Suite de notre série sur l'Afrique: l'Ethiopie, destination phare des investissements chinois.
19h30 - Publié le 26 juin 2019

Les plus bas salaires

Pour le président d'Antex, Quian Anhua, il n'y a pas de doute: l'Ethiopie est le nouvel empire du textile: "Vous savez l'industrialisation a commencé en Europe, puis aux Etats-Unis, puis en Asie, en Chine et maintenant en Afrique. Donc on doit suivre le mouvement."

Le président de l'entreprise Antex. [RTS]
Le président de l'entreprise Antex. [RTS]

En Ethiopie, les salaires dans l'industrie textile sont cinq fois moins élevés qu'en Chine. Ce sont les plus bas au monde. "Nous n'avons pas un salaire fixe. Parfois c'est 50 francs par mois. Parfois moins, ça dépend", affirme Tsehai Aynalem, une employée.

Le salaire dépend du travail accompli. Les travailleurs sont notés, et une récompense attend les plus performants en fin de semaine.

"J'ai commencé ma carrière comme travailleur d'usine. Mon premier salaire en 1984 était de 5 dollars par mois. Donc ici, pour eux, ça commence mieux que pour moi!", s'exclame le directeur de l'entreprise.

Sans langue de bois, Quian Anhua nous confie même se sentir investi d'une mission: "Aujourd'hui, par rapport à la Chine ou aux autres continents, c'est vrai que les Éthiopiens sont pauvres. Mais c'est justement pour cela que nous devons venir et les aider à être riches. Pour améliorer leur vie. Et améliorer nos résultats aussi".

L'entreprise prévoit de doubler le nombre de travailleurs en Ethiopie d'ici cinq ans et de délocaliser dans le pays la moitié de sa production.

>> Voir l'interview d'Amir Ben Yahmed, directeur général du groupe Jeune Afrique et président de l'Africa Forum :

Amir Ben Yahmed: "Les Européens ont abandonné l'Afrique, la Chine a pris le relais et profite de la croissance africaine."
19h30 - Publié le 26 juin 2019

Investissements suisses

En Ethiopie comme dans le reste de l'Afrique, les entreprises helvétique sont nombreuses à parier sur une croissance économique rapide. La Suisse est d'ailleurs le 10e pays qui investit le plus sur tout le continent.

C'est le cas de Zoscales, un fonds d'investissement fondé il y a 5 ans par le Suisse Jacop B. Rentschler, avec un collègue éthiopien. Ils investissent entre autres dans une entreprise locale qui fabrique des capsules pour de grands groupes comme Heineken ou Coca Cola.

Jacop B. Rentschler est confiant dans le potentiel de croissance du pays: "L'Ethiopie pour nous n'est qu'au début du développement. Il y a de quoi faire de l'argent et créer de l'emploi".

Pour attirer les investisseurs étrangers, le gouvernement éthiopien met en avant des arguments comme un grand réservoir de main-d'oeuvre, des bas salaires ou de faibles coûts énergétiques.

Sensible aux promesses de gains, le géant suisse des matériaux de construction Sika a ouvert une usine de production en Ethiopie il y a moins de 3 ans et ambitionne de renforcer leur présence sur le reste du continent africain.

"Le secteur de la construction s'est développé très vite ici ces deux dernières années. Alors pouvoir travailler dans ce pays en plein développement est très intéressant pour Sika. Cela nous permet tout d'abord d'augmenter notre présence globale et ensuite de mettre un pied dans un marché qui va devenir énorme", souligne Tamrat Tesfaye, responsable financier chez Sika en Ethiopie.

>> Voir le reportage du 19h30 :

AFRIQUE ETHIOPIE SUISSE
L'actu en vidéo - Publié le 24 juin 2019

Chapitre 6
Addis Abeba, carrefour de l'Afrique

Près de 10 millions de passagers transitent chaque année par l'aéroport d'Addis-Abeba Bole, dans la capitale éthiopienne.

Sur le tarmac, la compagnie nationale Ethiopian Airlines est omniprésente. Leur flotte de 108 avions dessert près de 130 destinations, vols cargos non compris. A titre de comparaison, la taille de Swiss représente 90 avions pour 102 destinations.

C'est la plus grande compagnie du contient et elle ne compte pas en rester là, annonce son directeur financier Busera Awel: "Ethiopian Airlines est en pleine expansion. Ces huit dernières années, nous avons eu une croissance très rapide. Donc nous avons besoin d'un aéroport pour accueillir tout ce monde."

Un nouveau terminal vient d'être inauguré. Il va permettre à l'aéroport de tripler sa capacité pour accueillir 22 millions de passagers par an. L'aéroport pourrait ainsi concurrencer celui de Dubaï en devenant la plus grande porte d'entrée en Afrique.

La compagnie a aussi ouvert un centre de formation du personnel de bord. Quelque 4000 personnes y sont formées, toutes compagnies africaines confondues.

Malgré le crash de son Boeing 737 MAX, qui a tué 157 personnes en mars dernier, la compagnie aérienne a été sacrée meilleure entreprise africaine de l'année par l'Africa Forum.

>> Voir le reportage du 12h45 :

Reportage "L'autre Afrique": La compagnie Ethiopian Airlines est la plus grande du continent et ne cesse de croître.
12h45 - Publié le 1 juillet 2019