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La Norvège se pose en championne des voitures électriques

Financé par l'impôt, l'encouragement à la voiture électrique fait de la Norvège le champion européen de l'électromobilité
Financé par l'impôt, l'encouragement à la voiture électrique fait de la Norvège le champion européen de l'électromobilité / 19h30 / 3 min. / le 6 juin 2019
Les véhicules électriques représentent 7% de la flotte de la Norvège, qui a mis en place une politique incitative efficace. Le gouvernement norvégien aimerait que toutes les voitures neuves vendues dans le pays en 2025 soient complètement électriques.

A Oslo, les voitures électriques sont visibles à tous les coins de rue. On les repère à leur plaque d'immatriculation, qui commence toujours par un E. Le gouvernement norvégien affiche un objectif ambitieux: 100% des voitures neuves vendues dans le pays en 2025 devraient être complètement électriques. Ambitieux mais pas irréalisable, car depuis le début de l'année 2019, 46% des voitures achetées par des Norvégiens sont électriques.

"C'est une bonne initiative pour l'environnement, mais c'est aussi intéressant d'un point de vue économique", explique Jon Skandsen, un retraité croisé dans le garage Birger Haug, dans la banlieue d'Oslo. L'enseigne vend notamment les marques Nissan et Hyundai. Les nouveaux modèles électriques sont régulièrement en rupture de stock: "Un acheteur qui commande maintenant la dernière Kona électrique de Hyundai devra attendre jusqu'au deuxième semestre 2020", confirme Leonid Trufanov, un vendeur.

Fiscalité très incitative

Ce succès s'explique avant tout par une fiscalité très incitative. En Norvège, les voitures à essence sont lourdement imposées à l'importation par la taxe CO2. Les modèles électriques sont exemptés de cet impôt, mais aussi de la TVA à 25%. Des rabais sont aussi accordés sur les péages autoroutiers et les trajets en ferry. Résultat, le modèle électrique revient parfois moins cher que la version à essence, même si le prix de départ est plus élevé (une Golf classique coûte ainsi 34'076 euros, contre 33'286 euros pour une e-Golf).

Il n'y a que des personnes âgées ou des conducteurs vivant loin de tout qui continuent à opter pour les voitures à essence

Leonid Trufano, vendeur de voitures

"Tout le monde se laisse tenter", appuie Leonid Trufanov. "Il n'y a que des personnes âgées ou des conducteurs vivant loin de tout qui continuent à opter pour les voitures à essence". Et le vendeur d'ajouter un autre avantage: "N'oubliez pas que l'entretien d'un véhicule électrique coûte beaucoup moins cher: il y a moins de pièces et elles s'usent moins vite".

Un modèle exportable?

Un tel modèle peut-il être répliqué? "Oui", répond sans hésitation Peter Haugneland, lobbyiste de l'Association norvégienne pour les véhicules électriques: "N'importe quel pays peut copier notre modèle, car tout repose sur la fiscalité. Les taxes élevées sur les voitures à essence permettent de financer toutes les politiques en faveur des voitures électriques. C'est quelque chose que tous les pays peuvent faire, avec ou sans revenus issus du pétrole".

Cependant, la hausse des ventes de voitures électriques menace paradoxalement la pérennité du système norvégien. Car plus on vend de voitures électriques, moins on vend de véhicules à essence, ce qui fait mécaniquement chuter les rentrées fiscales. Cela nécessitera des ajustements à long terme, reconnaît Peter Haugneland: "Le système n'est pas éternel, il sert d'abord à créer le marché. En même temps, si on retire la fiscalité incitative trop vite ou trop tôt, ce sera un gros problème. Au Danemark, ils ont commencé à taxer les voitures électriques, et le marché s'est effondré d'un seul coup".

Le secteur apparaît fragile et repose encore sur des choix politiques forts, en Norvège comme ailleurs.

Gaspard Kühn

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La vertu de l'exemple dans un pays pétrolier

La Norvège n'a pas toujours été ce paradis des voitures électriques. Le pays tire sa fortune du pétrole. Pionnier du mouvement écologique et fondateur de l'ONG Bellona, Frederic Hauge s’est fait connaître dans les années 1980, en grimpant sur des plateformes pétrolières pour dénoncer les méthodes d’extraction.

"Les gens ne nous prenaient pas au sérieux, le mouvement environnemental avait encore l’air dangereux. Mais nous nous sommes fait un nom et nous avons essayé d’utiliser cette attention, pas seulement pour dénoncer des problèmes, mais aussi pour trouver des solutions."

En 1989, il part en Suisse avec les membres du groupe norvégien A-Ah, rendus mondialement célèbres par leur tube "Take On Me". Ils achètent dans une foire de passionnés une Fiat Panda modifiée avec un moteur électrique et la ramènent en Norvège. C’est la première importation du genre pour le pays. "Quand les voisins voient que ça marche, ça fait bouger les choses." En 2013, Frederic Hauge remet ça avec Tesla: la marque américaine lui envoie le premier Model-S exporté en Europe.

La Suisse est loin de la Norvège

En Suisse, la part de marché des véhicules alternatifs (hybride, gaz, hydrogène ou électrique) nouvellement immatriculés a pour la première fois atteint un résultat à deux chiffres, soit 10,2%, sur un trimestre (janvier-mars 2019), selon les données des importateurs d'Auto-Suisse.


Les véhicules purement électriques neufs étaient au nombre de 3023 (+131,6% sur le trimestre). La part de marché atteint 4,2%, contre 1,8% sur la période correspondante de 2018.

En 2018, la part du marché des voitures électriques, hybrides, à hydrogène et à gaz se montait à 7,2 %.