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Comment les employés d'Amazon peuvent être virés par un robot

Les employés du géant américain sont soumis à des conditions de travail régulièrement décriées. [Reuters - Mike Segar]
Comment les employés d'Amazon peuvent être virés par un robot / Forum / 1 min. / le 1 mai 2019
Amazon a mis en place un dispositif automatique qui permet de suivre le taux de productivité de chacun de ses collaborateurs, dévoile le média américain The Verge. Le système peut même décider d'un licenciement.

Selon des documents obtenus par le site, ce dispositif alerte Amazon si un employé d'un centre de logistique n'est pas jugé suffisamment performant et émet un avertissement sans qu'un chef hiérarchique ne s'en mêle. Et au bout de six notifications écrites générées, un licenciement est envoyé automatiquement.

Calcul du temps passé à ne pas travailler

Les documents ne permettent pas de savoir exactement comment l'algorithme décide qui est performant et qui ne l'est pas, mais il semble qu'il se fonde notamment sur le nombre de paquets scannés. Il prend également en compte le temps passé à ne pas travailler. Cela pousse certains employés à éviter d'aller aux toilettes, de peur de faire baisser leur sacro-saint taux de productivité.

Les objectifs à atteindre sont fixés en fonction de la demande des clients, par exemple. Amazon peut aussi les élever quand trois-quarts des employés les atteignent.

Et l'impact de cette politique n'est vraiment pas négligeable: en une année, entre août 2017 et septembre 2018, Amazon aurait licencié des centaines d’employés à Baltimore, dans un seul entrepôt qui représente aujourd'hui 2500 postes à plein temps.

"Une objectivité qui est un leurre"

Réagissant dans l'émission Forum, l'ancien conseiller national socialiste vaudois Jean Christophe Schwaab estime qu'il s'agit là d'une "violation assez effroyable des droits de la personnalité des travailleuses et des travailleurs." Ce spécialiste en droit du travail, et notamment en évaluation, souligne qu'il s'agit d'un système opaque: "On ne sait pas exactement quels sont les critères que l'on doit remplir pour être bien noté, respectivement pour éviter un licenciement", relève-t-il.

Comme toutes les décisions automatisées, il estime que c'est extrêmement problématique. Tout algorithme comporte des biais, des risques de discrimination, d'erreur, souligne jean Christophe Schwaab. "Ces décisions ont l'air d'être objectives, mais les chiffres, les données, sont aussi des constructions sociales, cela se base sur des choix qui sont des choix humains, qui peuvent être biaisés et très subjectifs. L'objectivité que l'on avance ici est à mon avis un leurre."

>> Ecouter l'interview de Jean Christophe Schwaab dans Forum :

Jean Christophe Schwaab, ex-conseiller national socialiste vaudois. [Keystone - Marcel Bieri]Keystone - Marcel Bieri
Surveillance automatique des employés d'Amazon: interview de Jean-Christophe Schwaab / Forum / 6 min. / le 1 mai 2019

Cléa Favre/oang

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Un licenciement comme point de départ

Les documents publiés par le site américain ont été mis au jour grâce à un employé qui estimait avoir été licencié en raison de son engagement politique.

Dans le cadre de cette affaire, Amazon a elle-même décidé de dévoiler son système d'évaluation automatique, pour se défendre et pour prouver que la décision n'avait rien à voir avec les activités de l'employé.

Selon la société, le licenciement n’était donc motivé que par les résultats du salarié en question.

Les syndicats d'Amazon veulent coordonner leur lutte

Plus d'une cinquantaine de représentants syndicaux d'Amazon, venus de 15 pays, se sont donnés rendez-vous lundi et mardi à Berlin pour coordonner leur lutte.

Ils participent à un sommet à huis clos pour dresser un état des lieux de leurs conditions de travail dans les centres de logistique d'Amazon.

Outre les cadences jugées trop rapides, la surveillance des employés à travers des méthodes contestées de "tracking" ou la suppression des pauses, les employés d'Amazon Logistics déplorent leurs salaires trop faibles et réclament des conventions collectives, ou un dialogue social plus apaisé.

afp