Publié

Le courant consommé la nuit est chargé en CO2 de charbon allemand

Importation de l'électricité: conséquences sur l'empreinte carbone du courant consommé par les Suisses.
Importation de l'électricité: conséquences sur l'empreinte carbone du courant consommé par les Suisses. / 19h30 / 2 min. / le 13 décembre 2018
Les importations de courant allemand plombent l'empreinte carbone du mix de consommation en Suisse, selon une étude du smart living lab. La charge en CO2 peut atteindre 400 grammes par kilowattheure la nuit ou à certaines heures de l'après-midi.

Si la production d'électricité en Suisse est à juste titre réputée propre, le mix de consommation affiche un bilan carbone moins flatteur. Car cette production suisse, dont la charge en CO2 est proche de 40 grammes par kilowattheure, ne couvre que deux tiers de la consommation.

Le tiers restant, importé d'Allemagne, de France et d'Autriche, alourdit fortement la charge en CO2. Et cela dépend des heures et des jours. Sur la base de données européennes, des chercheurs de l'EPFL et du smart living lab de Fribourg ont reconstruit la carte horaire de cette charge pour l'année 2015.

Variation journalière des émissions de CO2 par KW au cours d'une période d'un an:

Les variations de couleur représentent la différence entre la valeur horaire et la moyenne journalière. Plus la couleur est rouge, plus elle est carbonée. Lorsque la couleur tend vers le bleu, elle est plus neutre. [EPFL]

Moins d'émissions de CO2 en été vers 9h

Selon ces données, on peut estimer les meilleures et les pires heures. Pour un kilowattheure, soit l'équivalent d'un cycle de lessive à 40°C, "les meilleurs moments, lorsqu'il y a très peu d'importation, seraient en été vers 9h du matin, avec une consommation de 50 à 60 gr CO2, soit très proche des 40 grammes de la production suisse", explique Didier Vuarnoz, coauteur de l'étude. "Les pires moments: une nuit d'automne lorsque la charge en CO2 peut atteindre 350 à 400 grammes."

Charbon et gaz en cause

La principale cause de cette large empreinte carbone vient des importations allemandes, détaille Didier Vuarnoz: "L'Allemagne représente 17% des importations de courant en Suisse, mais 70% des émissions de CO2 du mix de consommation suisse". Cela s'explique par la part toujours très forte du charbon dans la production électrique allemande et le recours également au gaz naturel. Selon les statistiques de la Banque mondiale, 54% du courant allemand provenait encore de ressources fossiles en 2015, dont 44% pour le charbon à lui seul.

Les importations autrichiennes sont elles aussi lourdes en CO2: 13% pour une part de 7% des importations, alors même qu'à peine 22% de la production électrique autrichienne provient de ressources fossiles. Le courant français, issu principalement de source nucléaire, s'illustre par sa faible charge en CO2. Il représente 10% de la quantité consommée en Suisse et 4% seulement du CO2 lié.

Des résultats de plus en plus précis

Le calcul de l'empreinte carbone du courant consommé a longtemps relevé de la science post-normale, rappelle Didier Vuarnoz. Mais l'accès à de nouvelles données de marché permet d'affiner les analyses et offrent des perspectives intéressantes : "Cette méthode est utilisée à ce stade de manière rétrospective, on prend les données du passé et on les explore. Ce qui serait bien, c'est aller vers le temps réel et ensuite vers le prospectif, de manière à donner ces informations et aiguiller le consommateur sur la manière d'agir".

Les calculs du smart living lab effectués sur l'année 2015 permettent d'estimer à 200 grammes par kilowattheure l'empreinte carbone moyenne du mix de consommation suisse cette année-là. Des estimations précédentes évaluaient ce chiffre à 181,5 grammes pour l'année 2014, selon une étude mandatée par l'Office fédéral de l'environnement. Ce chiffre est généralement estimé entre 150 et 180 grammes.

Du charbon dans le portefeuille

La production suisse d’électricité est exempte de charbon, mais deux entreprises helvétiques possèdent des centrales à l’étranger. Alpiq détient l’intégralité des parts des centrales à charbon de Kladno et Zlin en République tchèque. Le groupe a annoncé fin octobre son intention de s’en désengager. BKW possède un tiers des parts de la centrale à charbon de Wilhelmshaven en Allemagne. Axpo et Repower ne possèdent aucun actif charbonnier.

Pascal Jeannerat, Feriel Mestiri

Publié