Jessica Jaccoud: "Il y a vraiment une volonté de détricoter le droit du bail"
Les deux projets combattus par référendum par les organisations locatives, notamment l'ASLOCA, visent pour le premier à faciliter la résiliation de bail pour "besoin propre" et pour le second à limiter la sous-location, en durcissant ses conditions.
Pour Jessica Jaccoud, cette première disposition représente un véritable danger pour les locataires: "Ce que nous sommes en train de faire avec cette réforme, c'est de faciliter les résiliations. Si elle est acceptée, il y aura plus de résiliations (...) et plus de bailleurs pourront procéder à des résiliations en invoquant ce motif", déclare-t-elle.
La conseillère nationale redoute ainsi une véritable "casse sociale". Le risque, selon elle, est de voir un nombre croissant de locataires, dont beaucoup de retraités, dans l'impossibilité de se reloger. "On va vraiment créer des situations où les gens n'arriveront pas à se reloger, dans des situations assez dramatiques. Un nombre de plus en plus important de retraités quittent déjà la Suisse faute de pouvoir se loger ici, du fait des coûts des loyers. On a des familles qui n'arrivent plus à trouver de logement abordable, parce que le simple fait d'en chercher un sur le marché impose de louer plus cher que le logement actuel (...) Si on se retrouve avec une augmentation des résiliations de bail, des retraités, mais aussi des étudiants et des familles se retrouveront donc à la rue", prévient-elle.
Un durcissement bureaucratique de la sous-location
Le deuxième objet en votation vise à limiter les possibilités de sous-location, en imposant des démarches supplémentaires comme l’obligation de faire une demande écrite avec signature manuscrite.
Or, pour Jessica Jaccoud, cette disposition risque de créer des obstacles bureaucratiques pour les locataires sans justifications valables. "Le droit actuel permet déjà au bailleur de s'opposer à une sous-location si celle-ci entraîne un loyer plus élevé par le locataire. Il permet ainsi au bailleur de résilier un bail en cas de sous-location abusive", explique-t-elle, estimant que les modifications proposées ajoutent une complexité inutile et sont peu adaptées aux réalités de nombreux locataires.
Selon elle, ce changement pourrait notamment poser des problèmes pratiques: "Qu'est-ce qui se passe si on ne vous répond pas? Je ne sais pas si vous avez déjà essayé de contacter votre gérance pour un simple lavabo qui a un problème, c'est toujours la galère. La réalité, c'est que demain, si vous voulez sous-louer votre logement ou alors une partie de votre local commercial, vous devrez faire une demande par courrier et votre sous-location ne sera autorisée que si la gérance vous répond par lettre avec signature manuscrite. Aujourd'hui, on peut partir du principe que l'absence de réponse vaut comme un consentement tacite. Ce ne sera plus le cas demain", explique-t-elle.
Un démantèlement progressif
Mais pour la conseillère nationale socialiste, ces deux votations ne sont surtout que le début d’une offensive des lobbys immobiliers visant à détricoter les droits des locataires.
Elle alerte sur une méthode qu’elle qualifie de "saucissonnage": des réformes découpées et introduites progressivement, mais qui finissent par bouleverser le droit du bail dans son ensemble. "Il y a une volonté de la part de ces lobbys, qui sont majoritaires au Parlement, de vouloir détricoter le droit du bail", déclare-t-elle. En effet, dès le printemps prochain, d’autres réformes sont prévues, visant cette fois à limiter les recours contre les hausses de loyer.
Pour Jessica Jaccoud et l’ASLOCA, il est donc crucial de voter contre les objets le 24 novembre afin de freiner cette dynamique de "démantèlement progressif", néfaste pour les locataires et pour le marché du logement suisse.
>> Lire aussi : Isabelle Augsburger: "Les droits des locataires sont préservés" dans les révisions du droit du bail
Propos recueillis par Pietro Bugnon
Adaptation web: Tristan Hertig