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Le flou règne toujours un an après le vote du 9 février

Simonetta Sommaruga et Jean-Claude Juncker ce lundi après-midi à Bruxelles. [EPA/Keystone - Olivier Hoslet]
Les positions de Berne et de la Commission européenne sont encore "très éloignées", selon la présidente de la Confédération Simonetta Sommaruga. - [EPA/Keystone - Olivier Hoslet]
Les modalités d'application de l'initiative contre l'immigration de masse sont encore vagues un an après le scrutin qui a marqué la Suisse. Mais le vote a eu des effets tangibles, notamment avec Bruxelles.

Il y a un an, le 9 février 2014, les Suisses plébiscitaient par 50,3% des voix l'initiative de l'UDC "Contre l'immigration de masse", qui demande notamment l'introduction de contingents d'étrangers venant vivre ou travailler sur le territoire.

>> Lire : Les Suisses acceptent l'initiative de l'UDC contre l'immigration de masse

La mise en oeuvre de cette initiative a fait l'objet de vastes négociations et cristallise les tensions entre la Suisse et l'Union européenne. Au niveau politique, économique, académique et culturel, les conséquences de ce scrutin marquant dans l'histoire de la Suisse sont nombreuses.


POLITIQUE

Le Conseil fédéral a mis son projet en consultation le 11 février 2015. Le gouvernement continue de miser sur une application stricte de l'initiative sur l'immigration, soucieux de respecter la volonté exprimée par le peuple.

Outre le rétablissement des contingents, le projet défend la préférence nationale, avec toutefois une exception pour les domaines où il existe une pénurie de main d'oeuvre.

Par ailleurs, le potentiel indigène sera mieux valorisé, à travers des mesures d'accompagnement. Ce point ne figure pas dans la modification de la Constitution souhaitée par l'UDC, mais elle est "dans l'esprit de l'initiative", a expliqué Didier Burkhalter.

>> Lire : Le Conseil fédéral tient mordicus à rétablir des contingents

Depuis l'adoption de l'initiative - qui exige la réintroduction des contingents d'étrangers, contraire au principe de libre circulation de l'UE -, les relations entre Berne et Bruxelles se sont tendues. En juillet, la Suisse avait demandé sans succès la renégociation de l'accord sur la libre circulation.

A l'issue d'une rencontre avec le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker lundi dernier à Bruxelles, la présidente de la Confédération Simonetta Sommaruga a déclaré que leurs positions étaient toujours très éloignées.

Vote du 9 février: les discussions se poursuivent entre la Suisse et l'Europe
Vote du 9 février: les discussions se poursuivent entre la Suisse et l'Europe / 19h30 / 2 min. / le 2 février 2015

A titre personnel, la conseillère fédérale Eveline Widmer-Schlumpf a pour sa part déclaré qu'un vote sur les bilatérales était incontournable pour clarifier la question de la libre circulation avec l'UE.

>> Lire : Widmer-Schlumpf pense qu'un vote sur les bilatérales est incontournable


ECONOMIE

Pour éviter que leur développement économique soit limité par les contingents prévus dans l'application de la loi, les entreprises suisses réfléchissent à des mesures afin d'utiliser au maximum le potentiel de travailleurs indigènes.

Les membres de la conférence tripartite sur les agglomérations proposaient par exemple en janvier le recours à l'embauche de réfugiés. Les femmes, les seniors, les jeunes et les handicapés sont également le coeur de cible de cette mobilisation.

Pour l'économiste Stéphane Garelli, l'effet principal de ce scrutin sur la Suisse est un "dégât d'image", qui retient notamment les entreprises étrangères d'y investir.

Stéphane Garelli. [DR]DR
9 février, un an après: interview de Stéphane Garelli, économiste / Audio de l'info / 2 min. / le 9 février 2015

En janvier 2015, Economiesuisse a présenté ses revendications pour la mise en oeuvre de l'initiative. Les milieux patronaux prônent ainsi une clause de sauvegarde pour les travailleurs issus de l'Union européenne, une meilleure utilisation du potentiel indigène mais aussi un frein à l'emploi dans le secteur public.

>> Lire : Les solutions d'Economiesuisse pour appliquer l'initiative du 9 février


RECHERCHE ET FORMATION

Une semaine après la votation, l'Union européenne a gelé la participation de la Suisse au programme de recherche Horizon 2020 ainsi qu'aux échanges universitaires Erasmus+.

Depuis juillet, les chercheurs helvétiques ont partiellement pu réintégrer le programme-cadre européen, jusqu'à fin 2016. Le Fonds national suisse s'était également engagé en mars à proposer une solution de rechange aux chercheurs.

Malgré les 23 millions de francs réaffectés en avril par la Confédération au financement des échanges estudiantins, les universités suisses déplorent le refus de certains établissements européens d'accueillir leurs étudiants en mobilité, et doivent renégocier leurs partenariats.

Une baisse du nombre d'étudiants européens de 10% à 40% a également été enregistrée dans les universités et les hautes écoles suisses.

>>Lire: Les étudiants romands refusés dans une dizaine d'universités européennes

"La Suisse a relativement bien réagi et a pu renégocier (…) mais tout cela reste très aléatoire et très fragile, puisque négocié jusqu'à fin 2016", estime Patrick Aebischer, président de l'EPFL, sur la RTS.

Le président de l'EPFL Patrick Aebischer reprend la tête du Novartis Venture Funds. [Lukas Lehmann]Lukas Lehmann
Un an après le 9 février, réaction du président de l'EPFL Patrick Aebischer / Le 12h30 / 6 min. / le 9 février 2015

CULTURE

L'UE a confirmé le 18 février 2014 que son programme Creative serait suspendu tant que la Suisse ne signait pas l'accord de libre circulation avec la Croatie.

Les cinéastes helvétiques ont pour leur part dû renoncer à la participation à l'accord MEDIA, qui soutient la distribution de leurs films. Les négociations ont repris en novembre.

Jessica Vial

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Vers un nouveau vote?

Il y a de grandes chances que la situation fasse l'objet d'une nouvelle votation populaire:

Premièrement, la loi d'application de l'initiative "Contre l'immigration de masse" peut faire l'objet d'un référendum.

L'UDC menace également le Conseil fédéral de lancer une initiative de mise en oeuvre.

Le Conseil fédéral pourrait aussi demander au peuple de choisir entre l'introduction des contingents et le produit de la renégociation de l'accord de libre circulation avec Bruxelles.

Enfin, deux initiatives parlementaires pourraient aussi être soumises au peuple. La première émane du PDC, qui veut "ancrer les relations avec l'Union européenne dans la Constitution", et a été déposée à Berne en automne dernier.

Quant à l'initiative RASA "Pour sortir la Suisse de l'impasse", elle veut abroger l'article constitutionnel du 9 février, mais ce texte doit encore aboutir.