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Pape et fiction, ou comment retranscrire une "réalité singulière"

Michel Piccoli interprète un pape pris de doute dans "Habemus Papam".
Michel Piccoli interprète un pape pris de doute dans "Habemus Papam".
Le journaliste et philosophe catholique Gérard Leclerc commente les représentations du pape et du Vatican dans quatre livres et films fictionnels.

La figure du souverain pontife et les mystères qui enveloppent le Vatican sont des sources inépuisables d'inspiration pour les auteurs et les scénaristes. Dans quelle mesure les représentations du pape dans la fiction sont-elles vraisemblables? Que nous disent-elles sur cette fonction si particulière? Gérard Leclerc, catholique, éditorialiste de France catholique et de Radio Notre-Dame, commente quatre oeuvres.

Le protagoniste du film est un pape fraîchement élu, paralysé par l'enjeu et le poids de la fonction, qui ne se sent pas capable de l'assumer. Ses doutes le conduisent à s'échapper du Vatican, pour une errance dans Rome. "L'auteur du film a eu plus raison qu'il ne le pensait", estime Gérard Leclerc.

"Le film témoigne d'une réalité: les affres psychologiques d'un homme sur le point de franchir le cap de la papauté. Qui peut avoir envie d'être pape? Il s'agit d'une mission extraordinaire, écrasante, qui n'a rien de comparable avec l'exercice du pouvoir politique; la responsabilité est morale, le pape a la charge des âmes. Le chef de l'Eglise catholique doit répondre à des requêtes uniques.

Benoît XVI, qui avait lui-même parlé d'un 'couperet qui tombe', ne pouvait plus assumer pleinement cette charge. Il faut être doté d'une humanité supérieure et d'une foi profonde pour guider ce 'troupeau' constitué de plus d'un milliard de fidèles."

Pourrait-on imaginer, comme c'est le cas dans le film, qu'un psychanalyste se penche sur les questionnements du pape? "De la part d'une personne étrangère au christianisme, c'est totalement impensable", affirme Gérard Leclerc. "Un psychanalyste chercherait forcément à transposer cette culture qui le dépasse dans sa propre culture."

  • Vatican 2035, Pietro De Paoli (2005)

Le roman imagine, en 2035, l'élection d'un nouveau pape. Ce dernier, Thomas Ier, est veuf, a des enfants et est rentré très tard dans les ordres. Il prend un certain nombre de décisions en rupture avec la tradition, notamment celle de ne pas s'installer au Vatican mais au Vicariat de Rome.

Pour Gérard Leclerc, on est avec ce livre "très, très loin des préoccupations du Vatican". "C'est symptomatique d'une culture qui n'en comprend pas une autre et essaie alors de la phagocyter. On peut imaginer un pape marié bien sûr, mais cela reviendrait à en faire un homme comme tout le monde, à faire éclater la réalité singulière du Vatican. Or, l'Eglise n'a d'intérêt que si elle a son langage propre."

  • Anges et démons, Dan Brown (2000)

Le roman à suspense de Dan Brown Anges et démons a été adapté au cinéma par Ron Howard en 2009.
Le roman à suspense de Dan Brown Anges et démons a été adapté au cinéma par Ron Howard en 2009.

Le film s'ouvre sur la mort du pape. Dans l'une des scènes centrales du film, les cardinaux sont rassemblés en conclave pour élire un nouveau souverain pontife.

Le camerlingue (secrétaire du Vatican chargé d'assurer l'intérim jusqu'à la nomination du nouveau pape) interrompt le conclave, enfreignant ainsi toutes les règles établies, pour révéler que le précédent chef des catholiques a été empoisonné.

Si dans la réalité, un conclave ne peut être interrompu sous aucun prétexte, c'est parce que les "cardinaux sont faillibles et écrasés par la charge de désigner le nouveau pape", estime Gérard Leclerc.

"Il fut un temps où les conclaves pouvaient durer des années et connaissaient d'importantes difficultés. On a donc imposé des règles (notamment celle de restreindre leur nourriture) pour les pousser à prendre une décision".

  • Meurtre au Vatican, Marcello Aliprandi (1982)

Le film s'inspire des théories du complot qui ont entouré la mort de Jean-Paul Ier, et les réinterprète avec le décès d'un pape fictif, Jean-Clément Ier, empoisonné quelques jours après son élection. Selon les complotistes, Jean-Paul Ier ne serait pas mort de crise cardiaque mais aurait été assassiné.

"Il n'a pas une once de preuve dans ce dossier", tranche Gérard Leclerc. "Jean-Paul Ier était un homme très fragile et n'était pas taillé pour assumer l'immense responsabilité d'être pape. Ce qui est sûr en revanche, c'est que le Vatican est l'objet de fantasmes infinis, on y imagine des magouilles, des complots... Le Vatican n'est évidemment pas à l'abri de rivalités ou de jalousies, mais il ne faut pas exagérer."

Propos recueillis par Pauline Turuban

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La bande-annonce du film Habemus Papam


Habemus Papam - Bande annonce VF par _Caprice_