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Sur le carnet de route

Le pont à Niamey. A gauche, la rive... droite sur laquelle se trouve le campus de l'Université.
Le pont à Niamey. A gauche, la rive... droite sur laquelle se trouve le campus de l'Université.
Quelques touches nigériennes recueillies dans les quartiers.

La bonne histoire de la mauvaise conjoncture

La Bière Niger, beaucoup plus populaire sous son surnom de Conjoncture.
La Bière Niger, beaucoup plus populaire sous son surnom de Conjoncture.

De nombreux pays africains brassent de bonnes blondes. La "Bière Niger" est de celles-là. Le hic, c'est qu'il n'en est jamais fait mention sur les cartes de boissons des cafés et restaurants. En lieu et place, une énigmatique "Conjoncture"! Rien à voir avec une quelconque discrétion à l'égard de l'immense majorité de la population, musulmane. Un garçon nous donne cette explication: "Au début des années 1980, la situation économique était aussi très mauvaise. Pour ne pas priver les consommateurs de leur mousse favorite devenue trop chère, le brasseur a décidé de réduire drastiquement la taille et le prix de la bouteille (aujourd'hui de 48 cl). Depuis, la Bière Niger a gardé son joli surnom de Conjoncture.

Il est midi, bien le bonsoir!

Quoi de plus normal que de dire bonjour le jour et bonsoir le soir? A Niamey, cette logique apparemment implacable tourne court. Dès les 14 heures passées - voire midi - le "bonjour" n'a plus voix au chapitre. Remplacé par un déconcertant "bonsoir". Que le soleil tape fort ou non. On s'y soumettrait presque avec amusement. Jusqu'à ce qu'on se fasse reprendre par notre "accompagnateur" du Ministère de la bien nommée communication.

Touarègue traditionnellement guidé par les étoiles, Abdoulaye monte sur ses grands chevaux pour nous dire que notre salut du "soir" ne se dit que... le soir. En dépit de tout ce qu'on ententend à longueur de journée en ville! Plusieurs nuits n'ont pas suffi à trouver la réponse, bonsoir de bonsoir.

Le 1er Août... un 23 septembre

En descendant de l'avion des Nations unies à Zinder, l'ancienne capitale du Niger, nous avons juste le temps d'une pause déjeuner avant de prendre la route pour Magaria. Au restaurant Lyafa, une improbable rencontre: le patron des lieux, Benoît Schönenberger, est un Fribourgeois arrivé 2 ans plus tôt en faisant la traversée de l'Afrique à moto. Après le steak de chameau, nous prenons congé du chef en lui souhaitant - sur le ton de la plaisanterie - une bonne fête nationale suisse qui approche à grands pas! Enfin, pas pour les Suisses du Niger à qui l'Ambassade sert une drôle de spécialité. "Ici il faudra attendre un peu, notre communauté est invitée à célébrer le 1er Août le... 23 septembre!"

Le chèche de Chine

Abdoulaye et son véritable chèche touarègue.
Abdoulaye et son véritable chèche touarègue.

Un sacré casse-tête chinois. Le chèche, turban de 4 à 8 mètres de long porté notamment par les Touaregs, s'enroule sur la tête pour se protéger du soleil, du vent, du sable, du froid, de la pluie - là, pas tant du froid ni de la pluie... Joli et pratique souvenir à ramener du Niger, pays touareg par excellence. La quête commence donc au Petit Marché de Niamey. Sans succès. Se poursuit au Grand Marché. Pas mieux. Au quartier artisanal, ça devrait se trouver? Non! La boutique "Ambiance touarègue" nous propose bien une, deux, trois, pochettes en plastique avec de longues pièces de tissus ou de nylon... mais barrées des caractères peu locaux et d'un fier et rouge vif "Made in China". "Chez le Libanais" non plus pas de chèche touareg.

Abdoulaye, notre "accompagnateur du Ministère", toujours lui et Touareg lui-même, ne sourcille même pas: "Impossible de trouver un chèche fait au Niger ici. C'est évident!" Pas chiche Abdoulaye. Il nous offre généreusement le long turban blanc qu'il porte autour de la tête. Sa famille d'Agadez lui enverra sous peu un autre authentique chèche fait en pays touareg.

Pas de place à l'Indépendance

Pour notre reportage consacré au 50e anniversaire de l'Indépendance nigérienne, nous avons cherché quelques lieux symboliques ou emblématiques où tourner les interviews des témoins de l'événement que nous avons rencontrés. Nos recherches ont tourné court: une Place de l'Indépendance? une Avenue du 3 Août? Pas une dalle! On nous a bien mentionné une éventuelle Rue des Indépendances, mais pour la situer, pas foule...

Une révolution très rive droite

Parallèlement à notre quête (avortée) ci-dessus, nous nous sommes rendus sur le campus de l'Université de Niamey, contenu sur la rive droite du fleuve Niger. En interrogeant des étudiants, nous avons recueillis des propos plutôt critiques à l'évocation de l'historique 3 août 1960. "Nous ne nous sentons toujours pas indépendants", "Nous vivons une forme de colonialisme moderne", "Quelle indépendance fêterions-nous le 3 août?" Et un cinglant et répété appel à "un besoin de révolution dans ce pays". Pas étonnés ensuite d'apprendre que les bâtiments universitaires soient volontairement construits à l'écart de la ville. Si un mouvement estudiantin contestataire devait voir le jour, il pourrait ainsi facilement être contenu par quelques soldats qui fermeraient le pont, la seule voie qui mène aux ministères.

Guillaume Arbex

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