D’abord, il y a lui, Lionel Frésard. L’enfant de la région, le cuisinier parti à Lausanne pour devenir comédien. Il veut créer une pièce d’Anton Tchekhov à Montfaucon. Au village, personne n’y comprend grand-chose à cette "Cerisaie" qui a l’air tout sauf drôle et pleine de personnages russes avec des noms à rallonge.
On le suit qui nous raconte son projet avec une maquette de décors, des mannequins pour incarner les personnages et un panier de basket pour figurer le cerisier. C’est qu'à Montfaucon, le théâtre, ça se joue à la salle de sport de l’école, casé entre les horaires des pupillettes de la gym et les lotos de soutien de L’US-Montfaucon. Ensuite, il y a les habitants de Montfaucon. Lionel Frésard les imite, du boucher du coin à la responsable de la salle. Enfin, il y a Gabi, LA Gabby, sa maman qui peine parfois à respirer avec son appareil et qui arpente les couloirs de son EMS avec un déambulateur.
Franche rigolade dans un pays de Francs-Montagnards
À Montfaucon le 30 août dernier, c’était soir de première. Elle était là, la Gabi. Assise au premier rang. Avec la famille Frésard et tout Montfaucon venu découvrir "On avait dit 90…", le nouveau spectacle de Lionel Frésard. Une franche rigolade dans un pays de Francs-Montagnards. Quelques larmes d’émotion aussi.
Dans la "Cerisaie" de Tchekhov, il y a Lopakine, le moujik devenu promoteur. Il rêve d’acheter la propriété des riches fauchés pour la débiter en plus petits lopins qui abriteront des maisons de vacances. Voilà qui rappelle des souvenirs aux Jurassiens qui ont vu bon nombre de vieilles fermes vendues aux citadins bâlois en mal de verts pâturages.
Lionel Frésard passe d’un rôle à l’autre et surtout d’une histoire à l’autre. Celle de Tchekhov et celle de sa famille. Il y a les accents, les bons mots et ce vertige de l’auto fiction quand le comédien aborde la question de la fin, du corps qui lâche. Celui de son père, déjà parti; celui de sa maman dont il espère fêter les 90 ans; le sien aussi: "Il y en a un qui m’a dit. J’aimerais m’endormir et me réveiller mort." À méditer d’un point de vue philosophique…
Frésard rappellera la force vitale de Zouc
Avec ses accents, son histoire ancrée dans un terroir dont la portée est cependant universelle, le théâtre de Lionel Frésard rappellera la force vitale de Zouc ou plus récemment le seul en scène de la comédienne Tiphanie Bovay-Klameth. "On avait dit 90…" bénéficie des conseils et de la mise en scène de deux orfèvres des plateaux, Robert Sandoz et Thierry Romanens.
Oui, il existe un humour romand qui croque les gens d’ici avec ironie, finesse et une certaine bienveillance. Et ça marche à fond, que l’on soit de Montfaucon ou d’ailleurs, de la campagne ou de la grande ville.
Thierry Sartoretti/la/olhor
"On avait dit 90…", à Bulle CO2, 14 et 15 septembre. Puis à Yverdon, Théâtre Benno-Besson 9 et 10 octobre.; Neuchâtel, Théâtre du Passage, du 25 au 28 octobre; Martigny, Théâtre de l'Alambic, le 15 novembre.
Lionel Frésard joue également "Molière Montfaucon 1-0" à Cologny, Théâtre du Crève-Cœur, du 4 au 16 décembre.