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A la Comédie de Genève, du théâtre classique à condition d’être infidèle

Le duo à la tête de la Comédie de Genève, Natacha Koutchoumov et Denis Maillefer, dans le chantier de la future Nouvelle Comédie, le 12 juin 2018. [La Comédie de Genève - Magali Dougados]
Spectacles: A Genève, la Comédie aime les classiques et lʹinfidélité / Vertigo / 5 min. / le 12 juin 2018
A Genève, la nouvelle direction de La Comédie a présenté mardi sa première saison. Rafraîchissement bienvenu. Avec des œuvres d’autrefois revisitées par des artistes d’aujourd’hui dès septembre 2018.

Le duo voit l’avenir en rose. Aux nouvelles couleurs du logo de la Comédie de Genève façon NKDM, soit Natacha Koutchoumov et Denis Maillefer. Il porte des ongles peints en rose, elle arbore un casque de chantier du même ton pimpant. Les voici dans le chantier de leur futur théâtre. Il faudra attendre 2020 pour y entrer en toute sécurité. Pour l’instant la grande scène du quartier des Eaux-Vives donne encore la réplique aux ouvriers.

En septembre de cette année, c’est donc encore à l’ancienne adresse du Boulevard des Philosophes que l’on va découvrir la première saison signée NKDM. Le changement est radical. Pas dans les noms des auteurs: Shakespeare, Strindberg, Tchekhov, en veux-tu en voilà. La révolution a lieu dans la manière. A la Comédie, on ne joue plus les classiques à la lettre, on se les rapproprie dans une "infidélité respectueuse". Le mot est de leur dramaturge et collaboratrice artistique Arielle Meyer Mac Leod.

"Infidélité respectueuse"

Kézako, cette infidélité respectueuse ? Vous prenez un texte et vous y ajoutez du vôtre, des questions, des éclairages, des liens avec d’autres textes, etc. Au Théâtre national de Gand, en Belgique, le Bernois Milo Rau, nouveau directeur des lieux, a publié cette année un manifeste qui interdit "la reprise littérale d’un texte classique", ce dernier ne devant au final représenter que 20% du résultat sur scène. A Genève, le duo NKDM est moins radical. Il n’en prône pas moins un sacré changement par rapport aux habitudes planplan de la précédente direction.

N’allez pas crier au crime de lèse-majesté ! Non, ce n’est pas Racine qu’on assassine! Le théâtre a toujours procédé ainsi: prendre une bonne histoire, la raconter à sa sauce. Les Grecs se servaient dans la mythologie, Molière chipait chez les Italiens, Shakespeare le faisait déjà avant lui, Racine pompait les Grecs, Corneille siphonnait les Romains, etc. Chacun y ajoutait sa patte et sa touche de génie personnel à destination du public de son temps.

Désir de changement

Visuel de présentation du lancement de la nouvelle saison de la Comédie de Genève. [La Comédie de Genève - Niels Ackermann]

Voici un exemple de la nouvelle ligne de la Comédie de Genève: du 11 au 30 septembre 2018, pour l’ouverture de saison, c’est la fête à Mademoiselle Julie, un texte du Suédois August Strindberg, millésimé 1889. Le voici revisité de fond en comble par six metteurs en scène. Et quels metteurs en scène: Luk Perceval, Tiago Rodrigues, Pascal Rambert, tg STAN, Amir Reza Koohestani et Christiane Jatahy!. Les comédiens viennent de Suisse, les maîtres d’œuvre sont belges, portugais, français, iraniens, brésiliens.

La suite de la saison respire le même vent du large et le même désir de changement. Qu’ils s’agissent des pièces "Les trois sœurs", "Roi Lear" ou "Platonov". La troupe flamande du tg STAN aura droit à un festival de même que l’art du solo en scène. Et si vous aimez le cinéma, les séries à suspense, retrouvez-les sur scène. Oscar Gomez Mata adapte par deux fois le cinéaste danois Lars Von Trier avec "Le Direktor" et "Le Royaume". Quant à celle et ceux qui se dise que le théâtre, c’est trop cher, le duo NKDM lance des samedis à prix libre. Vous n’avez plus d’excuses pour bouder le théâtre.

Thierry Sartoretti/olhor

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