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Une ode théâtrale à la Grande Dixence par des élèves d'Euseigne

Juliette, Anaïs et les autres mineurs et travailleuses du barrage. [RTS - Thierry Sartoretti]
Spectacle: Grande Dixence, la fourmilière humaine / Vertigo / 7 min. / le 17 mai 2018
Pour fêter ses 40 ans, le Cycle d'Orientation d'Euseigne s'est lancé dans un projet extraordinaire avec ses 140 élèves. Rejouer en musique, texte et chanson le chantier valaisan du siècle. A découvrir du 23 mai au 2 juin.

Un câble suspendu traverse toute la cour de l'école d'Euseigne. Il supporte une benne à béton. Au pied d'un pylône, quatre élèves costauds pilotent cet engin sous la conduite d'un régisseur. Un autre groupe - filles et garçons - porte pelles, bottes en caoutchouc et casques de protection. Les voici lancés dans une chorégraphie entre ballet et travail de chantier.

A quelques mètres, ce sont les assiettes de la cantine que l'on glisse aux ouvriers installés à une longue table de bois noir. A l'étage, une équipe se réveille sur ses lits de camp tandis qu'un groupe de mineurs émerge, boueux, d'un boyau suspendu au-dessus du vide. Bienvenue à "Grande Dixence, la fourmilière humaine", spectacle commémoratif des quarante ans du Cycle d’orientation du Val d'Hérens.

Une ode à l'épopée du chantier valaisan du siècle. [RTS - Thierry Sartoretti]
Une ode à l'épopée du chantier valaisan du siècle. [RTS - Thierry Sartoretti]

Le chantier valaisan du siècle

La Grande Dixence, la vraie, se dresse plus haut, hors de vue, au bout du Val des Dix. 193 mètres d'épaisseur à son pied, 53 mètres de large à son couronnement. C'est le plus haut barrage-poids du Monde, LE chantier valaisan du siècle passé. Y résonnent encore dans ses tunnels le brouhaha des perforatrices et autres machines maniées par les milliers d'ouvriers accrochés sur cette montagne été comme hiver, nuit comme jour, à dresser, mètre cube par mètre cube, les 285 mètres de hauteur de cet ouvrage.

De 1953 à 1961, parmi les ouvriers hérensards, suisses, français ou italiens du chantier, l'écrivain Maurice Chappaz, apprenti géomètre et Jean-Luc Godard tournant son premier film, "Opération béton".

Une aventure théâtrale hors du commun

Ces jours à Euseigne, les élèves du Cycle ravivent le souvenir. En musique, en poésie, en geste et en chanson. Avec les compositions du pianiste Alain Roche et sous la direction de la metteuse en scène Stéphanie Boll. Toute l'école participe à cette aventure théâtrale peu commune par ses dimensions et son ambition.

Les enseignants comme les 140 élèves de l'établissement. Sur le plateau, dans la fosse d'orchestre, aux infrastructures, à la production, à la technique et à la communication. Chacune et chacun selon ses envies, ses aptitudes ou ses dons. Certains textes de "Grande Dixence" viennent d'un enfant du pays, Maurice Zermatten né au village de Suen, juste en face des pyramides d'Euseigne. Les musiques évoquent Nino Rota, les airs transalpins, les fanfares balkaniques, le jazz, Stravinski. L'orchestre connaît sa partition.

Les musiciens ont beau avoir entre 12 et 15 ans, épaulés par quelques enseignants, ils ont tous l'expérience des brass bands du Val d'Hérens, des formations aux noms évocateurs: Dixence d'Hérémence, Echo de la Dent Blanche des Haudères, Echos des glaciers de Vex ou encore Perce-Neige de Saint-Martin. Autant de villages dont sont issus les élèves du C.O. d'Euseigne.

Raviver la mémoire et l'esprit d'une région

"Grande Dixence" tient de l'opéra pop-rock par ses dimensions, sa distribution (80 personnes sur scène, 24 musiciens en fosse d'orchestre) et son budget sans commune mesure avec un spectacle scolaire usuel: 190’00 francs réunis avec des fonds publics et privés.

Du 23 mai au 2 juin, le C.O. d'Hérens attend 200 spectateurs par soir et guette les prévisions météo toujours complexes et changeantes dans ce site à l'intersection des vents et courants alpins. Célébrer la construction de la Grande Dixence, c'est raviver l'esprit et la mémoire d'une région qui a connu un boom industriel extraordinaire et se cherche aujourd'hui une vocation entre tourisme vert, stations de ski, agriculture et artisanat, mais dois hélas constater une dénatalité et un exode vers la plaine.

Et pour celles et ceux qui craindraient d'avoir soif sur ce grand chantier culturel, la Gazette d'Hérens rappelle que la buvette du spectacle comprend "poire pour la soif", notamment 650 grandes bouteilles de rouge…

Thierry Sartoretti/ld

"Grande Dixence, la fourmilière humaine", du 23 mai au 2 juin au Cycle d'Orientation du Val d'Hérens à Euseigne

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