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"Séries" d'Audrey Cavelius, ode charnelle au corps humain

Visuel du spectacle "Séries". [Arsenic - Julie Masson]
Visuel du spectacle "Séries". - [Arsenic - Julie Masson]
Marathonienne du verbe, la comédienne Audrey Cavelius laisse tomber les mots pour ne montrer que la chair au plus près de la peau. Un spectacle sensuel à découvrir à l'Arsenic de Lausanne jusqu'au 20 mai.

Un spectacle corporel. Vous pouvez le regarder sous toutes les coutures, c'est du 100% charnel. Dans "Séries", il n'y a ni mot ni parole. Quant au discours, il se passe dans la tête du public à la vue d'Audrey Cavelius, Teresa Vitucci et Dominique Godderis, trois femmes, trois corps. Trois déclinaisons du nu et de la beauté féminine à la façon des peintures de la Renaissance.

"Séries", dernière création d'Audrey Cavelius et de son complice musicien Christophe Gonet se définit par la négation. Ce n'est pas du théâtre, pas du cinéma, pas de la danse, pas de la performance. C'est tout à la fois.

>> A écouter, Audrey Cavelius dans "Vertigo" :

Audrey Cavelius, Metteure en scène, comédienne et écrivaine [DR]DR
L'invitée: qui êtes-vous Audrey Cavelius? / Vertigo / 39 min. / le 11 mai 2018

Sensualité des courbes

Que voit-on sur le plateau de l'Arsenic de Lausanne? D'abord une mer de nuage ou un sol enneigé, l'interprétation hésite. Çà et là des buissons de fleurs et de verdure émergent du blanc. Ça pourrait être la lande merveilleuse d'un conte de fées, le jardin d'Eden un matin de janvier ou les verts pâturages du paradis.

Trois créatures en costumes d'Eve sont couchées derrière ces feuillages. On les devine, plus qu'on ne les voit. Sensualité des courbes, plaisir du fugace devant ces dormeuses qui semblent onduler sous l'effet d'un rêve agréable. Voici le corps sculpté, voluptueux accompagné par une musique qui évoque les rêveries des expérimentateurs allemands des années 70, Amon Düül ou Popol Vuh. Effet planant hypnotique garanti.

Et puis tout bascule. Grand écran de cinéma en fond de scène. Y défilent les portraits géants d'un shooting photo déjanté. Les corps sont habillés, déshabillés, transformés, ridiculisés, déformés, magnifiés dans un étourdissant défilé de costumes, de postiches et de poses. Voici le corps multiplié, féminin, masculin, transgenre, indéfinissable, étourdissant.

Rapport à la chair

Puis tout bascule à nouveau. Les trois protagonistes se filment en direct. Leur mini-caméra explore la moindre parcelle de peau, le moindre pli, le poil le plus caché. Le résultat s'expose sur grand écran où les corps se mélangent dans un bel effet psychédélique. Le gros plan du corps, c'est l'apanage du cinéma porno. Mais dans "Séries", nous voici dans le très gros plan, qui est le domaine de l'imagerie médicale et de la biologie. Ce ne sont plus des corps de femmes que le public voit, mais les murs de la Grotte de Lascaux, des forêts mystérieuses, des déserts rugueux et des montagnes extraordinaires.

Après avoir exploré le verbe jusqu'au délire dans une précédente création ("Variations" où la comédienne interprétait plusieurs rôles à la fois en changeant le son de sa voix), Audrey Cavelius livre aujourd'hui une fascinante ode au corps. L'expérience scénique peut se prolonger via un livre qui rassemble les photographies de Julie Masson réalisées pour "Séries". A chacune et chacun d'y chercher son propre reflet et son propre rapport à la chair.

Thierry Sartoretti/ld

"Séries" d'Audrey Cavelius, à l'Arsenic de Lausanne jusqu'au 20 mai.

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