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"Je n'ai pas encore commencé à vivre", théâtre du mal-être russe

Une scène tirée de la pièce "Je nʹai pas encore commencé à vivre" du Knam au TPR de La-Chaux-de-Fonds. [Théâtre Knam - Alexey Blazhin]
Je nʹai pas encore commencé à vivre / Nectar / 53 min. / le 7 novembre 2017
Pièce exceptionnelle et glaçante analyse de la Russie de Vladimir Poutine, "Je n'ai pas encore commencé à vivre" de la troupe Teatr KnAM fait halte au TPR de La Chaux-de-Fonds les 11 et 12 novembre.

Troupe indépendante et trop rare: le Teatr KnAM de Komsomolsk-sur-l'Amour, dans l'Extrême-Orient russe est un peu la comète de Halley du théâtre russe. Elle travaille très loin de l'Europe, n'a que très peu de moyens, propose un théâtre documentaire au regard très original et ne passe que rarement sous nos latitudes. Ses spectacles sont dès lors des musts à ne pas manquer. En 2013, leur pièce "It Moi" ("Je suis") avait fait forte impression. Ce spectacle liait la maladie d'Alzheimer qui frappait alors les parents de deux comédiens du KnAM et la situation d'amnésie de la Russie par rapport à l'histoire du Goulag.

Le KnAM de la metteuse en scène Tatiana Frolova revient aujourd'hui avec ce spectacle consacré au mal-être constaté des habitants de sa ville de Komosomolsk, une cité que la légende soviétique dit bâtie par les jeunes pionniers alors qu'elle fut avant tout un ancien camp de travail du Goulag.

Un spectacle-enquête

"Je n'ai pas encore commencé à vivre", mêle témoignages filmés ou enregistrés, confessions et jeux d'acteurs, images d'archives ou d'actualité, souvenirs personnels et froide comptabilité des morts en camps de travail. Sur le plateau, cinq actrices et acteurs font face au public. Il y a les fondateurs du KnAM, premier théâtre indépendant d'URSS créé en 1989, et des jeunes comédiens qui ont rejoint cette troupe et son local de 24 places aménagé dans une barre d'immeubles. Leur récit prend aux tripes.

En créant leur spectacle-enquête, la compagnie a compris que le mal-être existentiel de leurs compatriotes trouvait ses racines dans l'histoire de ce pays. Et la pièce "Je n'ai pas encore commencé à vivre" de tracer un fil – rouge sang – entre les répressions du dictateur Staline, le malheur qui aura frappé chaque famille russe et l'absence de réel débat démocratique sous Vladimir Poutine, cet ex-lieutenant-colonel du KGB devenu président de la Russie.

Deux phrases entendues dans ce spectacle exceptionnel: "Le problème de la Russie, c'est que nous n'avons pas eu notre Nuremberg". Ou encore cet étudiant adolescent de Komsomolsk qui déclare aujourd'hui face à la caméra du Teatr KnAM: "Nous avons manifesté pour la liberté d'expression. Nos professeurs nous ont traités de fascistes".

Thierry Sartoretti/ld

"Je n'ai pas encore commencé à vivre", Théâtre populaire romand de La Chaux-de-Fonds, les 11 et 12 novembre 2017.

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