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En toute intimité, "Bienvenue" chez Eugénie Rebetez

Eugénie Rebetez dans "Bienvenue", mise en scène par Martin Zimmermann.
Image issue du dossier de presse de l'ADC Genève.
Augustin Rebetez
ADC Genève [ADC Genève - Augustin Rebetez]
Théâtre: "Bienvenue" d'Eugénie Rebetez, mise en scène de Martin Zimmermann / Culture au point / 6 min. / le 5 novembre 2017
L’artiste jurassienne Eugénie Rebetez présente son troisième spectacle en solo. Après "Gina" et "Encore", voici "Bienvenue", un autoportrait entre numéro de clown burlesque et danse contemporaine.

La scène est un appartement. Un drôle d’appartement où miroirs, commode, tapis, table ou fenêtres sont autant de chausse-trapes. Eugénie Rebetez débarque en tablier, deux serpillières aux pieds, un téléphone dans la main et du Rihanna plein les oreilles. On peut faire le ménage et se rêver reine du R’n’B.

L’accent est jurassien, AOC Mervelier, mais pas que. Là aussi, attention aux faux semblants: l'artiste jurassienne peut lessiver son accent, passer à l’anglais ou se dissoudre dans les cris, le babil ou les onomatopées. Sur scène, Eugénie Rebetez bouge, beaucoup, se trouve rarement là où on l’attend.

Beaucoup de danse

Elle est artiste, Eugénie Rebetez. Mais de quoi au juste? Il y a de la danse dans "Bienvenue". Beaucoup plus de danse que dans ses précédents spectacles, "Gina" (2010) et "Encore" (2013).

Elle joue bien sûr de ses rondeurs, de sa supposée maladresse de "dodue de la campagne" et là aussi, le spectateur est bluffé: subitement, Eugénie Rebetez passe de la graisse à la grâce, alterne les mouvements inspirés, hip-hop, contemporains, classiques... Elle est légère et certains l’ont même vu voler. Sa danse est un mélange à sa façon qu’elle interrompt à peine ébauché pour passer à autre chose.

>> Voir la rencontre avec Eugénie Rebetez, invitée du 12h45 :

L'invitée culturelle: Eugénie Rebetez présente "Bienvenue"
L'invitée culturelle: Eugénie Rebetez présente "Bienvenue" / 12h45 / 9 min. / le 6 novembre 2017

Du rire au doute

Il y a du clown chez Eugénie Rebetez. Dans "Bienvenue", classique du genre, elle se bat contre les objets du quotidien – coussins d’allaitement, tapis, table – et chaque geste qui devrait normalement n’être qu’un acte banal du quotidien devient une lutte désespérée contre une adversité insurmontable.

Le public rit de bon cœur et soudain se tait, fasciné par un nouveau basculement. L’Auguste est devenue mélancolique. Elle a changé de partition, lâché le rire pour aborder des rivages plus troubles et sombres. Dans "Bienvenue", Eugénie Rebetez n’incarne plus un personnage, cette Gina qui rêvait de strass et de gloriole. Elle est juste Eugénie et c’est beaucoup.

Derrière les blagues, les gestes, le chant (qu’elle a fort beau, pas loin d’une Camille) ou encore la trompette et le clavier qu’elle pratique avec une rare aisance, on devine sa vie, ses doutes et le chaos bienvenu (lui aussi) apporté par la présence d’un enfant.

Un spectacle abouti

Ce troisième spectacle est sans doute le plus abouti, le plus personnel aussi. Exit les nombreuses saillies jurassiennes qui lui valaient des comparaisons avec Zouc. "Bienvenue" bénéficie de la complicité de la dramaturge Tanya Beyeler et de son compagnon Martin Zimmermann, l’homme élastique du duo Zimmermann-de Perrot.

L’écriture d’Eugénie Rebetez y a gagné en finesse jouant notamment avec un décor pensé comme un magasin d’illusionniste. Nous sommes là, spectateurs, face à l’autoportrait d’une artiste-performeuse-danseuse-musicienne-clown. Et comme chez Eugénie Rebetez la pagaille est un art de scène, il faut vous imaginer cet autoportrait peint par un Picasso farceur ou un dadaïste au sommet de son ironie.

Thierry Sartoretti/aq

"Bienvenue", Eugénie Rebetez, ADC, Genève, jusqu’au 12 novembre, puis en tournée romande

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